Mini-série Transatlantique sur Netflix : ces réfugiés qui ont rejoint la Martinique pendant la collaboration en France
La mini-série Transatlantique disponible sur la plateforme Netflix depuis début avril s’intéresse à l’évolution de personnages basés à Marseille au début de la collaboration de la France avec l’Allemagne Nazie. Cette série remet en lumière des personnages jusqu’alors invisibles, et aborde subtilement le rôle qu’a tenu la Martinique dans l’accueil de réfugiés.
Créée par Anna Winger et Daniel Hendler, la mini-série Transatlantique s’inspire de l’histoire vraie de Varian Fry et Mary Jane Gold et du Comité de secours d’urgence à Marseille en 1940 et 1941.
5 000 personnes ont transité par la Martinique
Ces deux personnages principaux ont participé à l’évacuation de plus de 2 000 réfugiés qui ont fui la France occupée par les nazis. Hormis les possibilités de rejoindre l’Espagne par les montagnes, une des seules solutions qui apparaît dès les premiers épisodes est de rejoindre les Antilles par bateau avec un visa pour les États-Unis. Et plus précisément la Martinique. Un fait historique qui a bien existé comme le rappelle Elisabeth Landi, professeure agrégée d’Histoire :
La Martinique apparaît comme la destination de ce qu’on a appelé une filière martiniquaise depuis Marseille jusqu’aux États-Unis et sur le continent américain via la Martinique et c’est ce que raconte en partie la série Transatlantique. Cette filière a permis de transporter près de 5 000 personnes.
Des juifs certes, mais pas seulement selon elle :
Il y avait aussi des résistants, des personnes antifascistes italiennes, des anti-régime nazi allemand, des républicains espagnols qui fuyaient le régime de Franco et des patriotes qui refusaient la collaboration et avaient refusé l’armistice.
Des anonymes, des politiciens et de nombreux artistes se sont vus obligés de fuir le continent européen. Dont deux personnalités de renom : « deux personnalités très importantes sont passées par la Martinique. Il s’agit d’André Breton et de Claude Lévi-Strauss. Et ce dernier parle du camp de Lazaret (nldr : situé en Martinique) dans son livre Tristes Tropiques », souligne Elisabeth Landi.
Des milliers de personnes ont transité par la Martinique et ont été « internés ou logés soit au camp de Balata, soit celui de Lazaret pendant quelque temps. La plupart d’entre eux ont pu rejoindre leur destination soit aux États-Unis, soit en Amérique du Sud, notamment au Brésil ». En effet, certains ont pu obtenir des visas pour Cuba, le Mexique, le Venezuela ou encore la Colombie.
Le mélange des cultures
« Sé Matiniké nou yé sé o Antiy nou kay rété
Sé gwadloupéyen nou yé sé o Antiy nou kay rété
Nou ni lanmou, nou ni soley tout lanné,
Nou ni tambou, nou ni ti bwa pou dansé »
« Vini » et « Bel’ Chabine », sont des titres en créole de la bande originale de la série, composés par Mike Ladd et David Sztanke. On peut les entendre en partie au cours de l’épisode 3 et 4 quand une fête est organisée pour les réfugiés à la Villa Air-Bel. Ici, la série laisse entrevoir l’influence culturelle qu’ont pu avoir les Antilles et les États-Unis alors que le jazz était interdit en France. Cette musique synonyme de liberté et de joie de vivre fait le parallèle avec la destination martiniquaise.
Elisabeth Landi, professeure agrégée d’Histoire :
La rencontre entre ces deux mondes a été fructueuse et fertile. Déjà, avant le départn il y avait tout un imaginaire qui s’était développé au moment de la traversée sur la Martinique, sur l’exotisme et les Caraïbes. La Martinique apparaissait comme un refuge idéal, un lieu de paix. Ces transferts ont permis la rencontre avec une partie de la culture martiniquaise, notamment entre André breton et Aimé Césaire. On peut dire qu’il y a eu une rencontre en présentiel entre le Surréalisme et la Négritude. Cela a donné lieu à des livres et à des réflexions.
L’ouvrage « Martinique, charmeuse de serpents », d’André Breton ou encore le tableau « La Jungle » de Wifredo Lam, peuvent témoigner de l’effervescence culturelle et intellectuelle de ce brassage de population en Martinique, alors qu’elle était une colonie française sous le régime de Vichy. « La série Netflix permet justement d’approcher cette histoire à travers des personnages et montrer la complexité du monde et des sociétés humaines », constate Elisabeth Landi.