Sébastien Lecornu au défi de composer un gouvernement dans l'urgence

Par 12/10/2025 - 13:27 • Mis à jour le 12/10/2025 - 16:24

Fragilisé par les bisbilles chez LR et la tiédeur de ses alliés centristes, Sébastien Lecornu cherchait, ce dimanche (12 octobre), à composer dans l'urgence un gouvernement qui risque de ne durer que quelques jours, mais aura pour objectif premier de déposer un projet de budget au Parlement.

    Sébastien Lecornu au défi de composer un gouvernement dans l'urgence
@AFP

Le temps presse pour le Premier ministre, tout juste renommé à Matignon, qui est menacé de censure par un Parti socialiste échaudé par quatre semaines de négociations qui n'ont pas abouti à des concessions claires sur ses attentes. Mais qui, avec son exigence de suspension de la réforme des retraites pour prix d'une non-censure, est au centre de toutes les attentions.

Les signes de nervosité se multiplient au sein du parti Les Républicains. Au moins une ministre sortante, Annie Genevard (Agriculture), serait tentée de rempiler dans le gouvernement Lecornu 2, et de braver ainsi la décision de non-participation de son parti prise ce samedi (11 octobre).

« Annie, vous ne pouvez pas faire ça », lui a intimé sur X le président des jeunes LR Théo Am'Saadi. « La décision du BP (Bureau politique) doit être respectée. »

Le ministre LR sortant de la Santé, Yannick Neuder, a fait savoir de son côté qu'il avait décliné une proposition du Premier ministre de rester au gouvernement.

Lundi ou mardi

Le Parlement doit disposer, selon la Constitution, de 70 jours pour examiner un projet de budget 2026 avant le 31 décembre. Il faudrait donc que le texte lui soit transmis lundi ou mardi, en principe après un passage en Conseil des ministres. Donc après la formation du gouvernement.

Sébastien Lecornu, qui a démissionné lundi dernier parce que « les conditions n'étaient plus remplies », a fait monter la pression, ce dimanche, en promettant dans la presse dominicale qu'il ferait de même si ces conditions « n'étaient plus remplies à nouveau ». « Je ne ferai pas n'importe quoi », a-t-il assuré à La Tribune dimanche, selon laquelle la nomination d'un gouvernement pourrait intervenir lundi ou mardi.

De fait, s'il devait démissionner à nouveau, la perspective d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, réclamée notamment par l'extrême droite, se rapprocherait davantage.

Aucune prise de parole

Le président Emmanuel Macron, qui sera absent toute la journée de lundi, pour un voyage en Egypte de soutien au plan Trump sur Gaza, a d'ailleurs brandi cette menace aux différents partis qu'il a reçus vendredi, s'ils ne parvenaient pas à s'entendre.

Pour résoudre son équation calendaire et politique alors que la plupart des partis composant le socle commun (LR, UDI, Horizons, MoDem, Renaissance) l'ont lâché, achoppant sur la question centrale de la suspension de la réforme des retraites, le Premier ministre pourrait décider de nommer un petit nombre de ministres régaliens, ainsi que les seuls titulaires des Finances et du Budget.

Aucune prise de parole de M. Lecornu n'est prévue « à ce stade », a assuré Matignon ce dimanche.

Et si la question du casting et des délais était résolue, il faudrait passer à celle de se maintenir au pouvoir.

Appel à la censure immédiate

A l'exception du PS, l'ensemble de la gauche a appelé à la censure immédiate du gouvernement Lecornu 2, de même que le Rassemblement national et l'UDR d'Eric Ciotti.

Ce qui place le parti à la rose comme un « partenaire obligé » de la macronie finissante, a persifflé, ce dimanche, le patron des sénateurs centristes Hervé Marseille (Union des démocrates et indépendants, UDI), en prévenant qu'une censure est possible dès « cette semaine ».

Car le groupe socialiste (69 députés) est le seul capable de sauver le futur gouvernement et a du coup placé la barre assez haute. Sans confirmation « de l'abandon du 49-3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d'achat des Français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons », a-t-il prévenu dès vendredi.

Une telle suspension « n'épuiserait pas le débat sur le budget et l'avenir de la France, mais ce serait un gage de sa bonne foi et de sa volonté d'ouvrir une nouvelle période », a précisé Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, dans La Tribune Dimanche.

« Pas de deal caché »

« Il n'y a pas de deal caché (...) ce sera la censure et la dissolution ou pas », prévient le Premier ministre dans la presse dominicale.

La précédente dissolution « a coûté 15 milliards d'euros immédiatement à l'économie française et 0,5 point de croissance, sans compter un an d'inaction", a rappelé Marine Tondelier, ce dimanche, à France Inter-franceinfo-Le Monde. Et politiquement, « ça ne résoudra pas grand-chose », a-t-elle estimé, comparant ce coût à celui, moins important en 2026, d'une suspension de la réforme des retraites.

« La dissolution est possible, évidemment pas souhaitable et encore évitable », a prévenu, de son côté, le député socialiste Jérôme Guedj sur LCI.

La position de Sébastien Lecornu est d'autant plus délicate que les partis du bloc central, comme le MoDem de François Bayrou et Horizons d'Edouard Philippe, font planer la menace d'un soutien sans participation au gouvernement. Ce serait une première pour des formations qui ont soutenu sans ambiguïté tous les gouvernements d'Emmanuel Macron et réclament aujourd'hui des clarifications sur la feuille de route de Lecornu 2.


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