Négociations sur la Vie Chère à la Martinique : des répercussions économiques et politiques à prévoir
Interrogé sur la situation actuelle et les négociations en cours pour faire baisser les prix en Martinique, l’économiste antillais Jean-Marie Nol met en garde contre les répercussions qu’engendra un accord, à plus ou moins longue échéance. Il livre son éclairage pour RCI.
Les discussions sur la Vie Chère se poursuivent ce mercredi, lors de la 7ème Table Ronde organisée à la Collectivité Territoriale de la Martinique. Avant de commencer ce matin, seuls deux points restaient en suspens : le pourcentage d’écart avec les prix de l’Hexagone et le nombre de produits concernés par la baisse.
En observateur éclairé, l’économiste antillais Jean-Marie Nol a suivi de près les échanges, les points d’entente et de crispation. Il livre une analyse lucide et concession sur les conséquences d’un changement de modèle pour faire baisser les prix.
Des répercussions sur les entreprises
Sur le plan économique, si les militants du RPPRAC (Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéennes) obtiennent satisfaction en partie ou en totalité, il estime que cela pourrait engendrer une série de répercussions sur les entreprises locales.
Car il est déjà annoncé que le combat serait possiblement prolongé dans les autres secteurs de produits manufacturés, ou encore les billets d'avion. La problématique de la continuité territoriale prendrait alors toute sa place.
Pour le secteur de la grande distribution, qui sera bien confronté à des marges réduites après la mise en place du dispositif envisagé lors des négociations, on pourrait envisager un retrait pur et simple du marché par certaines enseignes et donc une nouvelle limitation de la concurrence. Le marché de la grande distribution alimentaire (qui compte actuellement 9 acteurs) serait donc déstabilisén estime Jean-Marie Nol.
Une réduction généralisée des prix sans compensation adéquate pourrait entraîner des faillites ou des licenciements, aggravant le chômage, qui est déjà un problème structurel sur l’île.
De plus, la fragilité des finances publiques martiniquaises, couplée à une réduction des aides de l’État, risque d'aggraver les difficultés des autres petites entreprises locales, créant ainsi un cercle vicieux de récession.
Un affaiblissement de l’État
Toujours selon l’économiste Jean-Marie Nol, cette crise sociale a d’ores et déjà contribué à un affaiblissement de l’autorité de l’État français en Martinique.
La marginalisation du préfet et l’escalade des violences lors des manifestations témoignent d’une défiance croissante envers l’État et ses représentants. Si cette tendance se confirme, elle pourrait conduire à une montée des revendications autonomistes ou indépendantistes, exacerbant les tensions identitaires.
L’autorité de l’État étant remise en question, les négociations futures pourraient se faire dans un climat de défiance accrue, ce qui compliquerait alors la mise en place de politiques publiques efficaces pour l’île.
Une récession redoutée
Enfin, à plus long terme, cette crise pourrait entraîner une réduction des investissements, tant publics que privés, en Martinique. Les entreprises extérieures pourraient hésiter à investir dans un territoire perçu comme instable et risqué, en raison des émeutes avec destructions d'entreprises, tensions sociales et politiques.
Cette baisse des investissements, couplée à la réduction des financements publics prévue dans le budget 2025, pourrait plonger la Martinique dans une récession durable, avec une montée de la précarité et une aggravation des inégalités sociales.
Pour conclure, selon Jean-Marie Nol, même si la signature d’un protocole d’accord sur la vie chère peut apporter une réponse temporaire aux revendications, elle ne suffira pas à résoudre les problèmes structurels de l’île dont la réforme du modèle économique actuel hérité de la départementalisation.
Pour l’économiste, sans une stratégie économique de long terme, la Martinique risque de s’enfoncer dès la fin de l'année 2024 dans une spirale de récession, aggravée par la défiance politique et une dépendance accrue aux aides publiques.