Entre 1 000 et 3 000 personnes victimes de la prostitution de rue en Guyane

Par 05/08/2025 - 14:08

Un rapport de l’AGAV dresse un état des lieux de la prostitution en Guyane. Il en ressort que le phénomène est protéiforme, contre de l’argent - avec un prix qui varie de 10 à 100 euros - ou tout simplement pour un hébergement ou un repas le midi. Et il n’est presque jamais un choix.

    Entre 1 000 et 3 000 personnes victimes de la prostitution de rue en Guyane
@Radio Péyi

L’AGAV (association guyanaise de protection des victimes) a récemment publié un long rapport sur la prostitution qui a necessité deux ans de travail pour récolter plus d’une centaine de témoignages de personnes victimes de prostitution, en immense majorité des femmes.

Objectif : établir un état des lieux de la situation : nationalités, parcours de vie, conditions de travail et types de prostitution qui existent sur tout le territoire.

Car le phénomène en Guyane est protéiforme.

Cela peut se faire contre de l’argent - avec un prix qui varie de 10 à 100 euros - ou tout simplement pour un hébergement ou un repas le midi.

La prostitution se passe dans les rues, dans les camps d’orpaillage, dans les bars, les hôtels de passe et sur internet.

Et n’est presque jamais un choix.

« En situation très précaire »

Pauline Mattelon est coordinatrice régionale au sein de l’AGAV et elle a travaillé sur ce rapport. 

Les personnes qu’elle a interrogées étaient à 99 % d’origine étrangère. Et presque aucune ne se prostituait avant d’arriver en Guyane. Ce sont pour la plupart des personnes étrangères en situation très précaire, qui ont des enfants souvent dans leur pays d'origine, principalement allophones, sans papiers, qui méconnaissent leurs droits aussi. On est principalement sur des personnes aussi qui sont peu diplômées ou même qui ont arrêté leur scolarité assez tôt dans leur pays d'origine. Les quartiers changent, effectivement, par rapport à la nationalité. Les personnes vont plutôt se prostituer près de leur zone d'habitation. C'est pour ça qu'on va retrouver, principalement, des quartiers assez différenciés par rapport à ça. Elles veulent toutes arrêter. Elles veulent être comme tout le monde, avoir un travail digne. Quasiment toutes ont commencé à se prostituer en arrivant en Guyane. C'est vraiment le fait d'arriver sur un territoire où on n'a aucun lien et où on ne connaît personne, où on ne peut pas travailler, qui les fait tomber dans la prostitution. Il y a vraiment ce décalage entre leurs personnes d'avant et leurs personnes en arrivant sur le territoire.

« Des violences extrêmes »

Pauline Mattelon indique que les violences sont monnaie courante pour les personnes victimes de prostitution.

Elles ont toutes été victimes de violences pendant l'activité prostitutionnelle. Des violences verbales, c’est quasiment quotidien. Des violences physiques, donc coups, blessures, à l’arme blanche. Parfois même des menaces de mort avec des armes à feu et des violences sexuelles. Il y a des rapports qui sont non protégés, parce que le client, il faut savoir propose de payer plus. Il y a des clients qui vont payer et récupérer leur argent après, des pratiques qui sont non consenties. On est vraiment sur de la violente sexuelle pure, des viols. C'est un travail violent. Elles veulent tous en sortir. C'est ce qu'elles disent, c'est un choix qui est contraint parce qu'elles ne sont pas régularisées sur le territoire, donc elles n'ont pas de papiers, donc pas de travail. Elles ne peuvent pas travailler de manière légale. Et donc, il ne leur reste que la prostitution pour pouvoir juste vivre et pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants qui sont restés dans leur pays d'origine, souvent. Donc, c'est vraiment très difficile. Et pendant les entretiens, on a vraiment eu des témoignages de violences extrêmes, de choses qui se passent dans les rues ou dans les appartements de Cayenne, de Saint-Laurent. Donc, c'est assez terrifiant.

« Sites d’annonces et réseaux sociaux »

Aujourd’hui, deux-tiers de la prostitution passerait par le numérique (site internet et réseaux sociaux). Et les jeunes sont particulièrement touchés, comme l’explique Pauline Mattelon. 

La mise en contact se fait sur internet ou via les réseaux sociaux, mais l'acte prostitutionnel, lui, il a bien lieu dans la vie réelle. C'est assez terrifiant de voir qu'en tapant quelques mots clés sur internet, on a vraiment des sites d'annonces où la prostitution s'est vraiment marquée. Je cherche des clients, je fais tel ou tel service contre telle somme d'argent. Et surtout les jeunes nous racontent qu'ils ont des demandes sur Snapchat, sur les réseaux sociaux, sur Instagram, de personnes qui leur proposent de les rencontrer pour une somme d'argent. Et puis, les jeunes, on s'est rendu compte qu'ils ne conscientisent pas forcément la prostitution ou en tout cas un rapport sexuel contre bien, rémunération ou service. Pour eux, si c'est juste une fois et si c'est contre, peut-être, un sac de luxe ou des choses comme ça, ce n'est pas très grave. Il y en a qui nous le disent. De toute façon, je l'aurais fait gratuitement. Donc si on m'offre quelque chose en plus, tant mieux. On a aussi beaucoup de prostitution alimentaire chez les mineurs. Ils sont forcés à accepter des rapports sexuels contre un sandwich, juste un repas le midi.

A noter que ce rapport émet un certain nombre de recommandations : augmenter la capacité d’accueil des structures hébergeantes ou encore former les professionnels pour accompagner les victimes. Avec à la clé l’objectif de mettre sur pied un plan d’action régional de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

 


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