Les 60 ans du Bumidom commémorés à l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a honoré ce jeudi (14 décembre) les Ultramarins du Bumidom, à l'occasion des 60 ans de la création du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer, qui avait accompagné la mobilité de Guadeloupéens, Martiniquais et Réunionnais. Promettant un avenir radieux outre-Atlantique et des perspectives de retour au pays, son héritage est largement contesté.
Entre 1963 et 1981, plus de 70 000 originaires de ces trois départements ont fait le trajet, souvent sans retour, entre leur île et l'hexagone.
Sous le slogan « l'avenir est ailleurs », tous sont partis par le Bumidom, créé par Michel Debré, premier ministre du Général de Gaulle, avec l'espoir d'une vie meilleure, avant pour beaucoup de déchanter, par manque d'accompagnement, rupture culturelle, confrontation au racisme ou perspectives professionnelles bien éloignées de ce que suggéraient les brochures promotionnelles.
Le Bumidom a ensuite été remplacé par l'ANT, puis LADOM depuis 1992 avec de nouvelles responsabilités.
L'impact a été si fort que le Bumidom est encore aujourd'hui une sorte de tabou au sein de ces Ultramarins de la diaspora, tiraillés entre un hexagone où ils n'ont jamais vraiment été chez eux et leur île où ils n'étaient plus franchement considérés comme des originaires lors des séjours sur place.
Un traumatisme qu'a constaté Guilaine Mondor, présidente de l'association Sonjé, qui a organisé ce colloque à l'Assemblée nationale, et réalisé un documentaire sur ce bureau, non sans difficultés.
C'est encore un sujet tabou dont on parle peu dans les familles et au niveau national. J'ai mis deux ans pour faire le documentaire, dont un an à chercher des témoins. Je ne sais pas si c'est la honte ou si c'est parce que l'expérience a été tellement douloureuse, que cela revient à se remémorer des moments tragiques. J'étais surprise, mais je crois que le Bumidom a réveillé des souffrances du passé liées à l'esclavage.
Histoires tragiques
Si certains destins du Bumidom ont été heureux, de nombreux Ultramarins déplacés ont ressenti une forme d'arrachement avec parfois des stigmates.
Parmi les invités du colloque, Véronique Larose, travailleuse sociale qui se définit comme « enfant de l'exil », son père, Guadeloupéen, était venu par l'armée, sa mère, Réunionnaise, par le Bumidom. Un héritage qui l'a poussée à s'intéresser aux histoires de ces déracinés.
Il y a des jeunes filles qui se sont suicidées, beaucoup sont tombées dans des réseaux de prostitution. On a aussi beaucoup de personnes qui avec le recul, ont développé des troubles dépressifs. Il y a aussi des addictions, alcool, anti-dépresseur, essayer d'atténuer une certaine souffrance, mais une souffrance qui est là. J'ai été frappée par cette souffrance chez ma mère, qui avait des épisodes difficiles, notamment lors de dates anniversaires, comme celle de son arrivée.
Reconnaître ce passé méconnu
C'est le député Guadeloupéen Olivier Serva qui a porté ce colloque à l'Assemblée, pour une reconnaissance nationale d'une cicatrice de l'histoire récente que l'élu compare, avec précautions, à un syndrome post traumatique.
Il y a une forme de ''je ne veux pas en parler'', bien évidemment, ce n'est pas la guerre, mais ce sont des souffrances avec du racisme parfois. Cela fait beaucoup donc on doit pouvoir libérer la parole et commémorer.
La meilleure preuve de cette méconnaissance du Bumidom a été livrée par un député de l'hexagone lors de ce colloque, Bertrand Pancher, chef de file du groupe LIOT le reconnait, cette histoire, il n'en avait jamais entendu parler.
Je n'en n'avais pas du tout entendu parler. Comme quoi, il est important de réconcilier l'ensemble des Français avec leur histoire. Nous serons beaucoup plus unis et nous affronterons beaucoup mieux notre avenir que nous ne le faisons actuellement.