Droits fondamentaux : la charte sociale européenne toujours pas appliquée en Outre-mer
La Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme « exhorte » la France à régulariser la situation.
En mars dernier, la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), soutenue par la LDH et Kimbé Red F.W.I., saisissait le comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe pour dénoncer la violation du droit d'accès à l'eau en Guadeloupe et l'empoisonnement au chlordécone des populations aux Antilles.
Mais la dénonciation de ces "inégalités historiques" avec l'Hexagone n'avait qu'une valeur quasi symbolique puisque la France n'applique toujours pas dans ses territoires d'Outre-mer la charte sociale européenne, signée en 1961 et révisée en 1996. "C'était un peu passé sous les radars, nous nous sommes saisis de ce problème juridique", explique Marina Eudes, présidente de la sous-commission Questions Internationales et Européennes à la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme.
Mais comment cette situation est possible ? "C'est ce que l'on peut appeler des clauses coloniales, que l'on trouvait autrefois dans les traités internationaux, c'est heureusement très rare aujourd'hui, surtout dans les textes qui portent sur les droits de l'Homme", explique la professeure de droit public.
A l'époque, en 1961, la France en ratifiant le texte et en s'engageant n'avait pas considéré utile de faire cette démarche officielle auprès du Conseil de l'Europe pour affirmer l'applicabilité du texte en Outre-mer
La charte sociale européenne, qui proclame un certain nombre de droits économiques et sociaux comme l'accès aux soins, à l'éducation, au travail, à des conditions de vie décentes, ne s'applique donc pas dans les territoires ultramarins.
Un oubli qui, perdurant dans le temps, empêche donc les recours possibles de syndicats et associations agréées auprès du comité européen de droits sociaux, organe de contrôle "qui peut recevoir des communications de syndicats ou de certaines associations pour constater des défaillances dans le respect de ces droits dans les Outre-mer ".
Une déclaration adoptée pour faire réagir l’État
Ce manquement juridique a donc dénoncé à nouveau par la CNCDH qui a demandé officiellement à l’État d'y remédier, en adoptant une déclaration, non contraignante, lors sa plénière ce jeudi à Paris.
"Nous sommes dans notre rôle, la commission a été mise en place pour conseiller les pouvoirs publics", explique Marina Eudes, rapporteure du texte adopté.
Nous recommandons donc explicitement au gouvernement de faire cette déclaration d'acceptation de l'applicabilité de la charte dans les territoires ultramarins, il reste au gouvernement à le faire
Cette délibération est "dans le prolongement d'autres alertes" faites auprès du gouvernement à propos des Outre-mer par la CNCDH.
En octobre 2023, le comité onusien des droits économiques, sociaux et culturels avait fait état de "disparités importantes" et d' "inégalités persistantes" dans des secteurs de l'éducation, du logement et de la santé.