Nomination de Michel Barnier à Matignon, les réactions en Guadeloupe et en Martinique

Par 05/09/2024 - 15:56 • Mis à jour le 05/09/2024 - 16:35

Michel Barnier succède à Gabriel Attal à Matignon. La nomination du nouveau Premier ministre suscite de nombreuses réactions dans la classe politique, en Guadeloupe et en Martinique. Il ne fait pas l’unanimité.

    Nomination de Michel Barnier à Matignon, les réactions en Guadeloupe et en Martinique
La passation de pouvoir entre Gabriel Attal et Michel Barbier au poste de Premier ministre s'est déroulée ce jeudi (5 septembre). @.info.gouv.fr

Après plusieurs semaines d'attente, Michel Barnier, l'ancien ministre et parlementaire, commissaire européen et négociateur en chef du Brexit, a été choisi par le président de la République, Emmanuel Macron, pour succéder à Gabriel Attal en tant que Premier ministre.

A 73 ans, cet homme de droite a été membre de plusieurs gouvernements sous François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avec notamment les portefeuilles de l'Agriculture et des Affaires Européennes et Etrangères.

Passation de pouvoir

La passation de pouvoir entre Gabriel Attal et le nouveau Premier ministre s'est déroulée peu après cette nomination, à l'Hôtel de Matignon, à Paris.

Les réactions des parlementaires et des élus ne se sont pas fait attendre dans nos îles. Michel Barnier ne fait pas consensus.

 

LES REACTIONS EN GUADELOUPE

 

Pour Olivier Nicolas, premier secrétaire fédéral de la Fédération socialiste de Guadeloupe, Emmanuel Macron a organisé une trahison du vote des électeurs.

Emmanuel Macron avait un seul objectif : empêcher l'alternance à gauche et la remise en cause des politiques qu'il conduit. Il aura mis deux mois de fausses consultations, d'atermoiements, de manœuvres diverses pour aboutir à obtenir la bienveillance des Républicains de droite et la bienveillance de l'extrême droite de Marine Le Pen. Il nomme un Premier ministre qui va pouvoir continuer la politique qu'il a souhaité engager depuis 2017, qui ne va pas remettre en cause la réforme des retraites, qui ne va pas mettre des mesures pour le pouvoir d'achat, qui ne va pas lutter contre la vie chère dans les Outre-mer, ni rééquilibrer la taxation des hauts revenus pour financer des mesures sociales. Donc, en réalité, Emmanuel Macron a organisé une formidable trahison du vote des électeurs du 7 juillet, qui avait voté massivement pour la gauche, mais surtout pour le changement et pour qu'on arrête cette politique libérale.

 

Pour Ary Chalus, président du conseil régional, il fallait sortir de cette crise. Il attend désormais la constitution du nouveau gouvernement, de savoir qui sera nommé pour les Outre-mer et quelle sera la feuille de route.

M. Barnier, tout le monde sait que c'est un bosseur, un travailleur. Il a beaucoup fait, il a été ministre à quatre reprises. Ce qui est important, c'est d'avoir quelqu'un qui pourra effectivement remettre la France sur les rails. Moi, mon inquiétude aujourd'hui, c'est que la population française a lancé un signal fort lors des élections européennes et législatives. Ma crainte, c’est la situation financière de la France aujourd'hui et quel sera le devenir des Outre-mer et plus particulièrement de la Guadeloupe. J’attends la constitution du nouveau gouvernement et voir un peu comment ça se passera et, dans les mois à venir, quel sera le budget de la France.

 

Pour Dune Ferus, président de la Fédération Les Républicains de Guadeloupe, c’est un choix qui va dans le bon sens.

Il était temps, enfin, chacun attendait la nomination d'un Premier ministre. Maintenant, que ce soit Michel Barnier, homme de droite, de notre famille politique, c'est un plus pour nous, au niveau de notre famille. Je me réjouis de cette nomination. C’est un homme de consensus. Je crois que sa censurabilité a été évaluée par les uns et les autres, par le président de la République en premier lieu. Le sens de la responsabilité devra l'emporter, je l'espère, le plus longtemps possible.

 

A l’extrême droite de l’échiquier politique, au Rassemblement National, le parti se réserve le droit de de censurer ou pas le Premier ministre en fonction de la politique qu’il mènera, comme l’explique Rody Tolassy, député européen du RN.

Nous verrons ce que nous ferons en fonction de la ligne directrice que Michel Barnier donnera au pays. S’il mène une politique en faveur de nos compatriotes, que ce soit de la France hexagonale ou ultramarins - pour régler les problématiques urgentes, les problématiques de fond, notamment dans nos territoires le manque de développement économique, le pouvoir d'achat, le chômage, etc. -, nous allons faire en sorte d'accompagner sur ces sujets-là. Mais si, au contraire, il est là pour continuer la casse sociale qu'ils ont mis en place depuis un certain temps, nous agirons pour que ce gouvernement puisse tomber.

 

Le président du conseil départemental et du GUSR, Guy Losbar, a livré son sentiment et ses attentes après la nomination de Michel Barnier.

Ce qui est important, c'est que nous puissions avoir des interlocuteurs à la suite des résolutions que nous avons prises dans le cadre du Congrès. Nous avons bien affirmé cette volonté de plus d'autonomie, de pouvoir normatif local, de la fusion des collectivités et puis des compétences nouvelles. Les contacts se feront avec ce gouvernement et bien sûr avec les différentes politiques publiques. Ce sont les intérêts supérieurs de la Guadeloupe qui priment.

 

Pour Elie Califer, député de la 4ème circonscription, cette nomination est un affront aux électeurs et à l’expression démocratique.

Il y a eu une dynamique pour le Nouveau Front populaire et, finalement, on se retrouve avec quelqu'un de l'UMP qui a 43 sièges au Parlement et c'est lui qui va diriger les affaires de la France. Vous avez un Premier ministre nouvellement nommé qui n'a pas été d'accord avec le désistement républicain pour éloigner le Front National et avec les oppositions contre la réforme des retraites. Ce qui nous intéresse, c’est le pouvoir de vivre, l'abrogation des retraites et surtout le Smic, que les gens aient de quoi vivre et pas survivre et qu'il y ait une fiscalité plus juste.

 

Max Mathiasin, député de la Guadeloupe 3e circonscription et premier vice-président du groupe LIOT, déclare extrêmement vigilant sur le choix de Michel Barnier comme Premier ministre et dit s’inquiéter du sort réservé aux Outre-mer. Il attend avec impatience sa feuille de route.

Je n’entends pas transiger sur les dossiers qui constituent une priorité et représentent une exigence pour les Ultramarins : vie chère, prix des billets d’avion, prise en compte des 40 % à la retraite, accès aux soins, eau, problèmes de l’industrie cannière… Les combats qui nous attendent à l’Assemblée nationale seront rudes, mais je compte sur le soutien de l’opinion publique guadeloupéenne, qui vit dans son quotidien les difficultés de notre société.

 

EN MARTINIQUE

En Martinique, les réactions aussi sont mitigées quant à la nomination à Matignon de Michel Barnier.

 

Pour Marcellin Nadeau, du groupe NFP, c’est l’incompréhension et c’est grave du point de vue de la démocratie.

Emmanuel Macron s'est un peu assis sur le choix des électeurs, sur leur volonté de voir émerger une politique complètement différente et complètement alternative à ce qu'il a fait pendant ces deux quinquennats. Il a voulu absolument avoir un Premier ministre qui soit en mesure de poursuivre sa politique, à la fois antisociale et complètement répressive. Monsieur Barnier ne remettra pas en cause ce qu'avait prévu le programme du Nouveau Front populaire et toutes les régressions sociales portées par les politiques publiques d'Emmanuel Macron, comme sur les retraites. Il poursuivra une politique néolibérale qui va contre les intérêts des catégories les plus fragiles, les plus défavorisées et les classes moyennes.

 

Pour la sénatrice Catherine Conconne, la nomination de Michel Barnier est une surprise.

Ça fait la démonstration que nous sommes entrés dans l'air du compromis obligatoire. Lorsque vous regardez la composition de l'Assemblée et les votes qui ont été affichés aux dernières législatives, on a l'impression que l'électeur dit débrouillez-vous, entendez-vous, mais faites au mieux pour nous, peu importe vos orientations politiques. Bien sûr, il y a des valeurs qui sont incontournables, comme celles contre le Front National sur lesquelles on ne doit pas transiger. Mais à un moment donné, il y a un plus petit dénominateur commun à trouver pour que les choses avancent. C'est ce que je sens dans la démarche qui est désormais initiée par les électeurs. Il y a un souhait de concorde nationale, de cohésion nationale qui est affiché. On ne peut pas dire qu'Emmanuel Macron n'est pas discuté avec les uns et les autres et on a senti qu'il y avait des clivages très forts. On ne veut pas de X, on ne veut pas de Z, on ne veut pas de Y. Chacun y allait de son refus. Maintenant, wait and see. Je n'oublie pas que les votes des électeurs ont renvoyé une demande très forte de justice sociale et encore plus chez nous à la Martinique.

 

Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale (CTM), se réjouit, pour la stabilité du pays, de la nomination de Michel Barnier après plusieurs semaines sans gouvernement et même si ce n’est pas sa tendance politique. Mais il espère qu’il saura être à l’écoute des difficultés de la Martinique et de l’ensemble des outre-mer en général.

Je le connais bien, c'est un homme qui a des qualités, qui est efficace et qui est à l'écoute. J'espère simplement qu'il sera à l'écoute de nos graves difficultés ici, notamment les inégalités, la vie chère. Le mouvement actuel montre bien qu'il y a qui a un vrai problème. Nous allons tout de suite rentrer en négociation avec lui et nous sommes très ouverts à la discussion sur la vie chère. On ne peut pas se permettre de laisser en permanence les prix être en décalage de plus 40, plus 50, plus 100 %. Il ne s'agit pas de chercher des histoires à qui que ce soit, mais il faut avoir le courage de dire que ça ne va pas et que ceux qui sont dans toutes les chaînes, y compris la CTM, se mettent en position de pouvoir travailler à réduire les prix sur les produits de première nécessité.


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