Intrusion à la résidence préfectorale : la procureure requiert 30 mois de prison, dont 15 avec sursis contre Rodrigue Petitot
Le procès de Rodrigue Petitot, poursuivi pour « violation de domicile » ou encore « actes d’intimidation » à la résidence préfectorale le 11 novembre dernier, a repris ce mercredi 22 janvier au tribunal judiciaire de Fort-de-France. Après de nombreux débats, auditions et examens de vidéos, la procureure a livré ses réquisitions et demandé le maintien en détention.

Entendu depuis hier, en fin d’après-midi sur les faits reprochés, Rodrigue Petitot reste sur la même ligne de défense. Ce matin, le second jour d’audience a débuté par les questions des avocats de la défense à leur client.
Le président du RPPRAC (Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéennes) continue de contester l'ensemble des charges retenues contre lui.
Les différentes vidéos de cette scène du 11 novembre, de l’arrivée à la résidence jusqu’à l’altercation avec le préfet, ont été longuement examinées. Des pièces importantes dans cette affaire.
Le prévenu a, à nouveau, évoqué, des tensions avec un des policiers à son arrivée. Selon lui, un jeune policier serait venu vers lui, l’aurait bousculé et pris par le bras. La veille, il avait évoqué un autre fonctionnaire, sorti de derrière un arbre, venu vers lui, menaçant, avec une arme.
Échanges tendus avec les policiers à l'entrée
« Le premier fonctionnaire avait vu quelqu’un qui était prêt à nous laisser rentrer. Le chef d’escadron, lui, n’était pas d’accord au vu de la façon dont les choses se sont déroulées », indique-t-il, à la barre. Il soutient que, dans le cadre du combat contre la vie chère, il a dû faire fi de certains protocoles pour obtenir des rendez-vous.
Aujourd’hui, qu’un préfet et un ministre n’acceptent pas de nous rencontrer, ça ne me choque pas. Ça me permet juste de démontrer ce que j’ai toujours dit au peuple, que chez nous, on ne nous respecte pas et qu’on aime nous voir baisser les yeux. Mais ça ne marche pas avec la génération 2.0
Au cours des échanges sur les conditions de l’entrée au sein de la résidence, la Procureure intervient et demande une requalification des faits, en ajoutant, en plus de la « violation de domicile », l’infraction de « maintien dans le domicile d’autrui ». Pour la défense, ce rebondissement illustre « la faiblesse du dossier ».
À la demande des avocats de la défense, l’audience est suspendue afin d’étudier ce point.
À ECOUTER Les explications de Max Bellemare, l’un des avocats de Rodrigue Petitot
Le procès s'est ensuite poursuivi par l'examen des conditions de l’interpellation de Rodrigue Petitot, au lendemain de l’intrusion dans la résidence préfectorale.
Interrogé sur les près de 1800 euros découverts dans sa sacoche, il indique s’en être déjà expliqué et que la somme lui a été remise. Il reconnaît n’avoir pas tout de suite remis la sacoche.
On est sur deux jours de tensions voire un peu plus. Après être sorti de la résidence préfectorale, on m’a appelé car ma fille était à l’hôpital. J’ai relayé sa mère et suis revenu chez moi pour me doucher quand les policiers sont arrivés pour m’interpeller. Je n’avais plus tout à fait les idées claires
Il conteste, en revanche, toutes violences ou tentatives, envers les forces de l’ordre, « même lorsqu’on me faisait mal au bras ».
Plusieurs témoins entendus
Cette deuxième journée d’audience a ensuite été marquée par l’audition de plusieurs témoins dont les principaux membres du RPPRAC, dont ceux qui ont pénétré au sein de la résidence du Préfet.
Pour Glwadys Roger, trésorière de l'association :
Les causes défendues par les membres du RPPRAC sont légitimes. Je ne comprends pas la raison pour laquelle Rodrigue Petitot est assigné ici. Depuis le 1er septembre, tout ce que nous avons fait était pacifique
Aude Goussard, la secrétaire du RPPRAC, estime qu'il s'agit « du procès de l'audace ».
À ÉCOUTER Aude Goussard, au micro de Mélissa Grutus
Après une nouvelle suspension, l’audience a repris à 14h30. Une nouvelle vidéo transmise montre le moment où un policier indique « deux seulement ».
Selon Rodrigue Petitot, « c’est le moment qui montre que je suis autorisé à entrer par une personne dépositaire de l’autorité publique ».
L’audience se poursuit avec l’examen de sa personnalité et ses antécédents judiciaires. Le président du RPPRAC est un peu agacé d’avoir à y revenir « à chaque fois ». Le président du tribunal assure que, « dans le cadre pénal, c’est normal »
Des faits caractérisés pour les parties civiles
Place aux plaidoiries des parties civiles. Me Alban-Kévin Auteville, avocat du préfet, reconnaît une qualité à Rodrigue Petitot et s'adresse à lui.
Vous avez pu dans des délais assez courts vous saisir de ces difficultés et les convoquer dans l'espace public mais cet espace public est occupé. Il y a des instances et monsieur Bouvier, préfet de son état, a été nommé en 2022
Il rappelle que « ce procès est celui d'une violation de domicile » : « les faits se déroulent à la résidence préfectorale qui est le domicile privé de monsieur Bouvier ». Pour lui, « ce procès est le procès de la limite, des limites que doit s'imposer le militantisme ».
Il estime que l’ensemble des faits est caractérisé : « la violation de domicile, le maintien dans le domicile, les menaces et actes d’intimidation » et demande 5000 euros au titre des frais d’avocat.
Maître Murielle Renar-Legrand, qui défend les policiers, veut ramener les débats aux faits jugés. « Monsieur Petitot vous a énoncé que c'était le procès du combat de la vie chère or, on ne juge pas la vie chère mais monsieur Rodrigue Petitot, prévenu de droit commun ».
Pour la Bâtonnière, il s’agit uniquement de juger les faits pour lesquels il est poursuivi mais aussi les dérives. Elle demande 500 euros pour les policiers parties civiles et précise qu’elle aurait aimé que le prévenu reconnaisse « ses torts ». « Il aurait pu, alors, expliquer que les faits s’inscrivaient dans le contexte de la vie chère ».
Peine de prison ferme requise
17 heures. La procureure de la République s'exprime à son tour. Elle revient sur les propos d'Aude Goussard :
On ne juge pas l'audace de Monsieur Petitot, on juge Rodrigue Petitot
La magistrate insiste : « nous ne contestons pas la légitimité des discussions avec les partenaires sur la Vie Chère mais les faits du 11 novembre ».
Dans la lignée de l’avocate des parties civiles, elle indique : « c'est le procès de l'atteinte à l'autorité de l'État ».
Elle évoque la situation de policiers « déstabilisés, anonymisés ». « Certains réfléchissent à changer de profession ».
Puis, méthodiquement, la procureure revient sur chaque infraction, en se basant sur ce qui a été dit au cours des débats et en s'appuyant sur les vidéos. « On a été très attentifs », assure-t-elle.
Pour elle, toutes les infractions, de la violation de domicile, aux actes de menaces et d'intimidation ainsi que l'outrage sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, mais aussi le refus de donner ses codes de téléphone, sont constituées. Elle s'appuie sur les vidéos.
Le ton, la posture de Rodrigue Petitot caractérisent notamment l'outrage, indique-t-elle.
Elle revient sur les pillages et les conséquences en marge du mouvement social, notamment pour le monde économique. La représentante du parquet évoque l'insécurité et l'atteinte à l'autorité de l'État depuis deux mois et demi.
Elle requiert une peine qui ne soit pas inférieure à 30 mois de prison dont 15 mois avec sursis probatoire pendant 2 ans, avec un maintien en détention au regard des faits. Elle demande également l'interdiction de se rendre à la résidence préfectorale et l'interdiction de rentrer en contact avec les victimes.
Pour la procureure, il y a lieu de réparer les dommages causés et d'indemniser les policiers, à hauteur des sommes demandées.
L'audience continue avec les plaidoiries de la défense. Le jugement est attendu dans la soirée.