Répression et prévention : la commission d'enquête a livré ses conclusions sur le narcotrafic

Par 14/05/2024 - 08:31 • Mis à jour le 14/05/2024 - 08:36

Un chapitre du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic est consacré aux Outre-mer. Il préconise un renforcement de la répression mais aussi de la prévention.

    Répression et prévention : la commission d'enquête a livré ses conclusions sur le narcotrafic

Sacrifiée, abandonnée, submergée, cette commission d'enquête ne mâche pas ses critiques vis-à-vis de l'action de l'État en Outre-mer sur le sujet. Comme regretté par le sénateur Étienne Blanc, il y aurait eu une forme de bouclier contre l'importation de stupéfiants en Europe sans forcément prendre en compte les effets sur nos territoires.

La France et l'Europe se sont dotés d'une sorte de bouclier. C'est quoi ce bouclier ? C'est la surveillance en mer, ce qui se passe dans le golfe de Guinée, c'est la surveillance de nos côtes, c'est la surveillance des ports, les grands ports, mais aussi de plus en plus les ports moyens, voire même les petits ports de la côte atlantique. Donc, on met en place un système, on se protège. Ça veut dire que la drogue rentre moins facilement, mais dans les territoires d'outre-mer, et notamment dans les Antilles, la drogue, elle s'y trouve Elle est venue d'Amérique du Sud, importée d'un certain nombre de pays voisins en quantité importante. Cette drogue, elle est protégée. Et elle est protégée par des réseaux de narco-trafiquants qui sont armés. La violence en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane prend des proportions absolument considérables. Donc, ce que nous disons, c'est bien de protéger la métropole et de protéger le continent européen, mais ces territoires, c'est aussi la France. Donc, on doit avoir plus d'attention sur ce qui se passe. Reporter sur les territoires d'outre-mer une partie du réseau de narco-trafiquants parce qu'on veut s'en protéger en Europe, c'est assez malsain. Donc, nous le disons très clairement dans notre rapport.

Ainsi, le rapport déplore des conséquences désastreuses sur la vie des habitants et sur le niveau global de sécurité, en citant la délinquance qui y est associée et les violences singulièrement armées qui en découlent. Dans la mécanique de trafic, ce document confirme s'il en était encore besoin, que les Antilles-Guyane sont devenues des zones de rebond entre l'Amérique latine et comme des portes d'entrée sur le continent.

Amplifier les contrôles

À titre d'exemple, sur la partie aérienne et les mules, il note que les contrôles renforcés au Suriname, au début des années 2000, ont entraîné un transfert des activités vers la Guyane, puis désormais la Guadeloupe et la Martinique, suite à l'instauration du 100% contrôle à Cayenne. La commission d'enquête préconise une généralisation de cette mesure avec des scanners dédiés dans les aéroports, des chambres carcérales médicales directement sur place pour interpeller les mules ou encore des améliorations de la sécurité des infrastructures, notamment portuaires.

La sénatrice Catherine Conconne a participé aux travaux de cette commission. Elle estime que les mesures à prendre pour lutter contre le trafic relève d'abord du courage politique et collectif

Il faut maintenant que tout le monde se mette en tête que la drogue n'est pas un produit anodin. C'est un produit qui détruit la santé, c'est un produit qui détruit les esprits, mais c'est aussi un réseau souterrain organisé, mafieux, qui modifie des économies en permanence et qui gangrène des territoires qui, somme toute, sont assez petits. On peut trouver les moyens de mettre un peu d'ordre. Le risque zéro n'existe pas, on est d'accord, mais qu'au moins, sur des choses évidentes que l'on voit aujourd'hui, qu'on porte un coup d'arrêt. Ça va demander du courage. Peut-être que ma vie est en danger à partir d'aujourd'hui, mais je l'assume. Il faut du courage, il faut des moyens et il faut qu'on arrête de considérer nos territoires comme un petit truc là, perdu dans l'Atlantique. Et puis on fait comme on peut. Donc, il faut aller plus loin. Et ça, à partir de demain, on sera debout derrière ça, qu'on ne soit pas dans cette appréhension permanente de chaque jour découvrir dans les nouvelles que quelqu'un a été tué, que quelqu'un a été liquidé, des familles détruites. Il faut que ça cesse dans cette ampleur et dans cette dimension

Les membres de la commission ont donc réclamé des actions locales en complément pour ne pas protéger que l'Hexagone. Ainsi, un renforcement des contrôles routiers et maritimes est préconisé, tout comme une augmentation des moyens humains pour les enquêtes, les douanes et la justice, avec notamment une rénovation de la politique de lutte contre les mules et un meilleur contrôle des aller-retours d'argent.

Développer la prévention

Appelant au travail d'équipe dans un virage nettement sécuritaire, la commission d'enquête invite plus globalement à s'attaquer aux têtes de réseau et à la corruption, tout en insistant sur la nécessaire prévention, tant sur le volet de l'offre que de la demande, pour éviter que les plus jeunes ne tombent dans la consommation ou les trafiquent.

Sur ce point, la sénatrice martiniquaise réclame une massification de la communication :

On est en panne côté prévention. Pour l'alcool, on a fait des prouesses. On a interdit la publicité sur l'alcool. Quand est-ce que vous vous souvenez qu'il y a eu, de manière chronique, sur toute une année, des messages qui sont passés dans les écoles, qui sont passés dans les médias ? Il y a une journée consacrée aux addictions. On va avoir deux, trois spots qui apparaissent alors qu'il faut que ça devienne une campagne de prévention et de promotion de la santé, de promotion des postures qui infiltre les écoles, qui infiltre les collèges, qui infiltre les lycées, mais qui aussi infiltre nos médias en s'adaptant aux méthodes actuelles des jeunes par rapport aux réseaux sociaux, etc. Non, il n'y a pas de véritable campagne de prévention contre les addictions et les dangers créés par la consommation de drogue. Il n'y a plus de drogue douce, ça n'existe pas. Il n'y a pas de drogue qui soit inoffensive

Lire aussi : le dossier en 5 volets de la rédaction RCI sur le narcotrafic aux Antilles 


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