L'application d'une taxe carbone au 1er janvier 2026 pourrait faire exploser les prix dans le BTP et l'agriculture aux Antilles

Par 19/12/2025 - 08:31 • Mis à jour le 19/12/2025 - 12:47

Les prix de certains matériaux de construction pourraient flamber à compter du 1er janvier 2026 aux Antilles. En cause : l’application par l’Union européenne du « Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ».

    L'application d'une taxe carbone au 1er janvier 2026 pourrait faire exploser les prix dans le BTP et l'agriculture aux Antilles

Cette nouvelle taxe mise en place par l’UE a pour objectif de lutter contre les fuites de carbone. Elle s’appliquera sur l’importation de certaines matières premières, comme le clinker, un matériau entrant dans la fabrication du ciment.

En 2024, la Martinique a importé plus de 120 000 tonnes de ce produit, qu’il n’est pas possible de fabriquer sur place. L’entrée en vigueur de la taxe va entraîner une hausse du prix du béton et du ciment, de l’ordre de 7 à 10%.

L’acier et l’aluminium sont aussi concernés : avec cette taxe, le coût global de la construction pourrait augmenter de 3 à 5 % dans les territoires ultramarins.

Pour Stéphane Abramovici, le vice-président de l’AMPI et directeur des Carrières de Fonds Canonville et Gouyé, c’est toute la filière BTP qui est menacée :

Les 7 à 8% concernent le béton. On est sur des augmentations de 11 à 35% sur le ciment. Dans le secteur du BTP, il y a un vrai risque de ralentissement supplémentaire puisque l'activité est déjà en crise. Mais c'est vrai que ça peut poser des problèmes dans le cadre d'appels d'offres puisque les budgets aujourd'hui ont été définis. Et aujourd'hui, quand on passe en phase de consultation, on n'a pas anticipé ces hausses de prix. Donc ça peut être très compliqué sur certains projets. Je pense particulièrement à des financements publics et au logement social en particulier. Les marchés risquent d'être infructueux si l'inflation est trop importante sur le coût de la construction

Le monde agricole également touché

Cette nouvelle disposition européenne va également impacter le secteur agricole : l’azote, un intrant utilisé chez nous dans la fabrication de l’engrais, va être lourdement taxé lui aussi.

Gwenaelle Cottin, directrice de l’usine d’engrais Martinique SCIC, redoute une fragilisation accrue du secteur agricole :

L'azote est le pivot du rendement agricole. C'est un élément dont on ne peut pas se passer, dont les agriculteurs ne peuvent pas se passer. Donc, le risque de voir cette taxe mise en place au 1ᵉʳ janvier 2026, c'est d'avoir une augmentation directe sur le coût des engrais et donc de faire une augmentation directe sur le coût de production pour l'agriculteur. Sur les projections, on pourrait avoir une augmentation du coût de l'intrant fertilisant jusqu'à hauteur de 20%, ce qui est énorme pour des filières qui sont déjà en grande difficulté. Et cette hausse, elle va concerner toutes les filières agricoles, que ce soient les cultures maraîchères, l'arboriculture, la canne à sucre ou bien la banane. C'est complètement contre-productif par rapport aux volontés politiques de développer l'agriculture locale et l'autonomie alimentaire. C'est aussi contre-productif par rapport à notre problématique de vie chère

Double peine

Les industriels locaux tirent donc la sonnette d’alarme : des négociations sont en cours au plus haut niveau de l’état visant à exempter nos territoires de cette taxe, mais en attendant, elle devrait bel et bien s’appliquer au 1er janvier prochain.

Des industriels, pour qui cette taxe apparaît comme une double peine, dans des territoires déjà frappés par des handicaps structurels lourds. C'est ce que pense Stéphane Abramovici :

On est des territoires insulaires, de fait, géographiquement éloignés de l'Europe. On n'a pas aujourd'hui de hauts-fourneaux ou d'aciérie en Martinique ou dans les DROM. Les marchés ne sont pas suffisamment importants pour avoir ces outils industriels. Les industriels qui ont besoin de se fournir en acier ou en aluminium sont obligés d'importer leur matière première. La production européenne n'est pas suffisante pour subvenir au marché européen. Il y a de la matière première qui vient de l'extérieur à l'Europe, de Chine ou d'Asie. C'est cette matière première qui est aujourd'hui importée, qui serait taxée

La mécanique de cette nouvelle taxe pourrait relancer l'inflation sur des territoires déjà grandement fragilisés économiquement. 


Tags

À lire également