Le monde de la petite enfance monte au créneau face aux difficultés pour ouvrir des crèches
Les responsables de crèches en Martinique déplorent une accumulation de contraintes administratives et techniques qui empêchent le bon fonctionnement financier des structures existantes et l'ouverture de nouveaux espaces.
Le monde de la petite enfance monte au créneau. Les dirigeants et les salariés des gestionnaires de crèche sont confrontés à des difficultés financières suite à la multiplication des contraintes administratives et techniques avec les services de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) de la Collectivité Territoriale de Martinique.
112 crèches seraient en attente d'un avis de la PMI en Martinique, une soixantaine selon la CTM. Dernier cas en date, le blocage de l'ouverture de la micro-crèche de Sainte Marie attendue par les familles et les salariées depuis la demande d'avis déposé le 31 mai 2022.
Philippe Eadie , délégué régional de la fédération française des crèches, décrit une situation catastrophique :
De façon générale, c'est une catastrophe économique parce qu'on se retrouve à payer des loyers chez des bailleurs en attendant ces autorisations alors que les travaux sont terminés, alors qu'on a maintenu ces bailleurs en haleine, soit avec des décalages de loyers, mais en général, on paye des loyers et on se retrouve à ne pas pouvoir utiliser l'équipement. Il y a toute une série de petits porteurs comme ça qui se sont retrouvés économiquement en faillite, qui n'ont même pas pu ouvrir leur crèche. Alors qu'on devrait aider, permettre à toutes les puéricultrices qui le veulent, les éducatrices de jeunes enfants d'avoir leur propre structure. On est dans un phénomène inverse où on punit ces personnes, et ces femmes en particulier, qui prennent ces initiatives de création
Plus globalement, il déplore les conséquences à long terme sur les enfants :
Cela met beaucoup de personnes en difficulté. Beaucoup de familles sont pénalisées puisque aujourd'hui, on a à peine une place en crèche pour quatre enfants et avec tous les dysfonctionnements qui viennent derrière. Et puis, le manque de crèche pour les enfants pour les 1 000 premiers jours, c'est à terme une catastrophe en termes de scolarité, en termes de décrochage scolaire, parce qu'on sait aujourd'hui l'importance pour les enfants de pouvoir bénéficier de ces places en crèche
865 places à créer
Philippe Eadie pointe notamment du doigt les délais et certaines normes
On est sur une situation où on a prévu un référentiel bâtimentaire et d'autorisation qui est de trois mois. Et aujourd'hui, on est sur des délais qui vont jusqu'à un an. Des délais qui on passe de mois en mois avec des réserves qui ne sont pas dans le référentiel bâtimentaire qui a été arrêté pour tout le monde, ni dans les nouveaux référentiels. On rajoute des choses qui ne sont pas réglementaires, au bon vouloir des services de la PMI de la Martinique. On a 865 places qui sont prévues d'ici 2027. Et aujourd'hui, on a un service instructeur de la PMI qui ne va pas du tout dans le sens de la création de ces 865 places une priorité de la Martinique alors que c'est une priorité
Crech Endo dispose actuellement de 6 structures et en attente pour l'ouverture de la 7e. Cindy Melezan, la coordinatrice petite enfance du reseau Crech Endo, liste les difficultés auxquelles elle fait face
La demande d'autorisation a été déposée le 2 juillet 2024. Donc, nous attendions l'ouverture pour le 2 octobre 2024. Et là, à ce jour, nous sommes toujours en attente de l'autorisation d'ouvrir. En fait, on se retrouve confronté à une problématique où la PMI a émis plusieurs points de blocage qui ont été soulevés dans le rapport de visite. Et ces points ne figurent pas dans les neuf points réglementaires qui sont dans le décret. Donc, on se retrouve bloqué. Nous n'avons pas l'autorisation d'ouvrir la structure. C'est-à-dire que les délais, à chaque fois, sont rallongés puisque la PMI répond dans les derniers jours du délai imparti dans le décret. Donc ça rallonge les délais, ce qui a un impact aussi financier, on ne peut pas le négliger. Un impact aussi sur les salariés qui sont en attente d'intégrer la crèche. Et un impact aussi sur les parents qui attendent un mode de garde au plus vite.
La CTM répond
La collectivité territoriale de Martinique n'est pas indifférente à la situation actuelle. Audrey Thaly-Bardol,
conseillère exécutive en charge de la jeunesse, de la démographie, de la santé et des solidarités, apporte plusieurs précisions sur ce sujet :
Nous avons conscience de certains dossiers. Il a été annoncé 112 dossiers en souffrance. Non, il s'agit d'une soixantaine de dossiers qui sont en cours d'instruction, je le précise, et pour lesquels nous avons un contact régulier avec les porteurs de projets de manière à ce qu'on puisse aboutir à l'obtention de cet agrément. Il faut quand même préciser qu'on est sur un volet très sensible lorsqu'on autorise un agrément pour une ouverture de crèche, puisqu'il s'agit pour nous quand même de vérifier si la réglementation est respectée Et puis, s'assurer aussi que les familles ne mettent pas leur bébé dans des structures qui ne répondraient pas aux normes de sécurité, à leur bien-être et à leur santé. Donc ça, c'est vraiment la priorité de la collectivité territoriale
La collectivité fait aussi face à un manque d'effectif dans le cadre de l'instruction des dossiers :
Nous avons effectivement un manque d'effectifs que nous sommes en train de combler de manière urgente pour permettre l'instruction de ces dossiers. Parce que je rappelle que la volonté politique, c'est vraiment qu'on puisse avoir une augmentation du nombre de places en crèche pour pouvoir répondre à la fois à un besoin de la population et puis à ces enjeux démographiques qui concernent notre territoire
L'élue indique que des démarches seront menées au mois de janvier pour améliorer le processus en cours
Nous sommes tout à fait conscients de ces difficultés rencontrées aujourd'hui et nous avons choisi, en tout cas, de rencontrer au cours du mois de janvier l'ensemble des structures qui ont des dossiers en attente de manière à permettre cet échange et cette collaboration qui devra se mettre en place avec des axes d'amélioration aussi de nos procédures, parce qu'il s'agit bien de cela. Donc, il y a un objectif partagé avec la Caisse d'allocations familiales de pouvoir harmoniser nos process et de donner aussi une lisibilité dans l'accompagnement qui sera fait au porteur de projets pour la suite
Pour rappel, le taux de couverture des crèches en France atteint 59% de la demande alors qu'en Martinique ce taux de couverture ne s'élève qu'à 28%.
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