23 mai : « Limye Ba Yo » à Saint-Denis

Par 24/05/2024 - 10:30 • Mis à jour le 24/05/2024 - 10:53

Pour la journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, le rendez-vous avait été donné de nouveau en région parisienne par le CM98, le Comité Marche du 23 mai 1998. Au programme : cérémonie républicaine, dépôts de fleurs, célébration eucharistique, stands de généalogie et ronde de tambours. Un temps culturel et mémoriel fort.

    23 mai : « Limye Ba Yo » à Saint-Denis

"Esklav nou te ye..." Sur la place de Robert de Cotte, à quelques mètres du parvis de la Basilique, des chants retentissent en cette fin d'après-midi. Véronique s'avance avec un bouquet de pivoines à la main. Chaque 23 mai, depuis plus de 15 ans, cette guadeloupéenne vient fleurir le monument pour rendre hommage à ses ancêtres. "Cela donne de la force de savoir que tous ces gens qui sont morts pour nous, en vivant l'enfer, ils ont souhaité qu'il y ait la vie, je viens leur dire merci", explique-t-elle.

Aujourd'hui nous sommes cet héritage, beaucoup plus forts parce qu'on on a cette force qu'ils avaient en eux et on porte en nous l'espoir qu'ils avaient de s'en sortir

En avril dernier, le mémorial aux 213 noms d'esclave inauguré en 2013 avait fait l'objet d'une polémique suite à son déplacement décidé par la Ville et effectué sans prévenir les associations qui avaient œuvré pour son installation. Aujourd'hui il a été rénové et replacé non loin, avec l'ajout d'un une plaque explicative.

Lors de la cérémonie nationale qui s'y est tenue plus tôt dans la journée, les premiers mots du discours maire de Saint-Denis Mathieu Hanotin ont d'ailleurs été des excuses pour une erreur de communication.

"Il y avait eu à l'évidence un malentendu, a expliqué l'élu à l'issue de la commémoration.  Ce déplacement était travaillé depuis deux ans et on le voit bien, ici la stèle est magnifiée, mise en valeur et c'était ça notre objectif. Elle a été restaurée, avec toutes ces plaques de couleur, sa flèche et placée dans un lieu ou des élèves, des passants vont la voir chaque jour".

Des mots appréciés par la présidente de l'association Sonjé, Guilaine Mondor : "Tout a été résolu  ! Là on est satisfait, c'était essentiel pour nous car cette stèle n'est pas seulement une sculpture, c'est beaucoup plus que ça, c'est un lieu de recueillement et de mémoire".

Le monument qui porte les noms de 213 esclaves, restauré et déplacé à Saint-Denis
Le monument qui porte les noms de 213 esclaves a été restauré avant d'être déplacé un peu plus loin (©AD)

Quelle transmission de l'Histoire ?

Au fil des années, le 23 mai a pris de plus en plus d'ampleur, devenant officiellement en 2017 une journée nationale, comme le 10 mai. La dernière circulaire envoyée par Matignon aux préfectures mentionnait d'ailleurs les deux dates, au même niveau. Mais derrière cette reconnaissance, il y a encore un travail à mener pour la transmission et l'implication des premiers concernés selon le président du CM98, Emmanuel Gordien.

"Aujourd'hui la communauté antillaise ne sait pas ce qu'elle est, déplore-t-il. La première génération, les Enfants de la canne, sont en train de partir tout doucement, nos amis militants sont morts, malades ou ne peuvent plus militer. La deuxième génération ne comprend souvent pas le  pas créole et nous traite d'arriérés quand on leur dit des choses. Alors comment fait-on ?"

Le seul facteur d'unité fondamental de cette communauté c'est son Histoire, celle de la traite et de l'esclavage, qui l'a construite en tant que peuple, en tant que groupe

Cette histoire connaîtra un nouveau moment majeur dans les prochaines années avec l'installation tant attendue d'un mémorial national aux victimes de l'esclavage dans les jardins du Trocadéro. "Ne vous inquiétez pas, avant la fin du mandat d'Emmanuel Macron il sera inauguré. Nous sommes dans une étape de sélections de candidats, mais nous voulons faire les choses bien, parce qu'à une histoire dramatique, si l'on fait un mémorial il faut qu'il soit beau", a détaillé Serge Romana, co-président du comité de pilotage.

Plus de 200 000 noms de victimes de l'esclavage colonial devraient figurer sur ce monument. Rendez-vous est donc pris pour le 23 mai 2025...ou 2026.

 


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