[DOSSIER] Victimes des pesticides : le parcours du combattant de Robert (*), indemnisé

Par 23/07/2024 - 15:00 • Mis à jour le 26/07/2024 - 16:44

TÉMOIGNAGE RCI. Robert fait partie des 180 travailleurs martiniquais et guadeloupéens à avoir envoyé une demande au Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP). Il est aujourd’hui indemnisé et raconte son histoire.

    [DOSSIER] Victimes des pesticides : le parcours du combattant de Robert (*), indemnisé
« C’est un soulagement d’être reconnu comme étant atteint d’une maladie »

RCI l’a évoqué la semaine dernière : en Guadeloupe, un premier cas de cancer de la prostate suivi par l'association Phyto-Victimes a été reconnu comme maladie professionnelle.

Ce dossier est un premier pas vers l’indemnisation des victimes exposées aux pesticides. Car la démarche est longue et fastidieuse.  Fiches de paie et certificats médicaux doivent être rassemblés avant une éventuelle reconnaissance, puis indemnisation.

Pour comprendre ce parcours, Robert (*), un ancien ouvrier agricole, a accepté de témoigner en gardant l’anonymat.

12 ans à manipuler les pesticides

Il a travaillé pendant 12 ans dans les bananeraies à manipuler du curlone (le nom commercial du chlordécone), des herbicides et des insecticides. À 53 ans, il doit vivre avec une leucémie.

J’ai demandé au médecin mais il m’a dit que cela n’entre pas dans les critères donc j’ai laissé tomber. Et, à certain moment, j’ai entendu l’annonce de Phyto-Victimes. J’ai appelé, je suis tombé sur une petite dame. Elle m’a conseillé, m’a demandé toutes mes expositions, d’emmener tous mes documents. On a essayé et on est parti dans des démarches

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S’engage alors un parcours administratif du combattant. C’est là qu’intervient l’association Phyto-Victimes, comme l’explique Aline Fournet, la directrice.

Il faut reconstituer le parcours médical, le parcours professionnel, voir l’exposition, combien de temps, avec quels produits, constituer le dossier avec des pièces administratives. On ne préfère pas donner de temps car cela peut aussi donner de faux espoirs.

Huit mois d'attente 

Il aura fallu 8 mois à Robert pour obtenir une réponse. Le fonds a donné un avis favorable à sa demande. Sa leucémie est enfin reconnue comme maladie professionnelle

C’est un soulagement d’être reconnu comme étant atteint d’une maladie. Je sais que je suis malade, mais ce n’est pas facile à dire…

Pour lui, le premier pas est franchi vers l’indemnisation.

Edwige Duclay, chargée de la coordination du plan chlordécone IV, livre davantage de détails sur le process.

Cette indemnisation pour les adultes, elle se traduit par une rente mensuelle versée tous les mois à vie et dont le montant est entre 1500 et 20 000 euros par an, en fonction du degré de maladie et l’impact qu’elle peut avoir.

Pour sa part, Robert est indemnisé de 882 euros mensuels : soit plus de 10 500 euros par an. Même s’il juge cette rente convenable, pour lui l’argent n’achète malheureusement pas la santé…

(*) Le prénom de la victime a été modifié, à sa demande, pour préserver son anonymat.

À ECOUTER Le Magazine de la rédaction signé Florence Treuil


LE CHIFFRE

137 reconnaissances aux Antilles

À ce jour, en Martinique et en Guadeloupe confondues : sur 180 dossiers reçus par le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, 137 ont été reconnus comme maladie professionnelle (concernant la prostate, hémopathies et maladie de Parkinson).

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A SAVOIR

4 ans d’existence pour le FIVP

Ce fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) existe depuis 4 ans. Il a été créé pour indemniser tous les travailleurs exposés aux pesticides dans le cadre de leur travail (agriculture, espaces verts, éliminations des nuisibles, etc...). L’association Phyto-victimes accompagne ces victimes dans leur démarche depuis plus de 10 ans en Hexagone. Elle s’est implantée fin 2021 en Martinique, et début 2024 en Guadeloupe.

Une polémique déclenchée fin mai par le collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides dénonçait le détournement de dossiers par l’association Phyto-victimes. Elle a rappelé que les travailleurs et exploitants agricoles souhaitant faire une demande d’indemnisation peuvent passer directement par le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (Fivp), un avocat, l’association phyto-victimes, ou en déposant un dossier auprès de la CGSS.


INFOS +

Tableau des maladies professionnelles : 3 maladies reconnues

Trois maladies sont aujourd’hui reconnues dans le tableau des maladies professionnelles en lien avec une exposition aux pesticides : parkinson, les hépatites (maladies du sang) et le cancer de la prostate, dernier à y être inscrit depuis fin 2021.

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Les précisions d'Edwige Duclay, directrice de projet en charge de la coordination interministérielle Plan Chlordécone IV : 

Il y a des commissions indépendantes, paritaires qui travaillent sur ces tableaux et décident des maladies sur la base d’une expertise scientifique. Le tableau permet d’accélérer et de faciliter la reconnaissance. Il peut y avoir des maladies non-inscrites au tableau sur la base d’analyses au cas par cas qui peuvent quand même être reconnues comme maladies professionnelles. Il y a certains cancers du cerveau qui ont pu être reconnus. C’est politique et scientifique aussi. Il faut arriver à définir le périmètre des victimes et de l’indemnisation. Il y a des travaux de recherches engagés, l’étude Karu Fertil, en Guadeloupe, qui a été retenue dans un appel à projets financé par le plan chlordécone et, à venir, il y a aussi un projet plus large sur l’exposition chimique aux polluants chimiques, dont les pesticides, dont la chlordécone, à certains troubles d’infertilité ou d’endométriose


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