En Guyane, remous autour de l'absence du président de la collectivité

Par 15/02/2025 - 13:02

Absent depuis trois mois pour raisons de santé, le président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) Gabriel Serville continue à distance d'exercer certaines de ses fonctions. Mais son absence et le manque de communication suscitent interrogations et critiques.

    En Guyane, remous autour de l'absence du président de la collectivité

Un bref communiqué disant que M. Serville était parti pour l'Hexagone afin "d'y suivre des soins médicaux", mais que tout était mis en œuvre pour assurer "la continuité du pouvoir exécutif": c'est ainsi que les 300.000 Guyanais ont découvert le 25 novembre 2024 la maladie et le départ du président divers gauche de la CTG, âgé de 65 ans.

Départ discret, mais absence remarquée tant la CTG, issue de la fusion en 2015 du département et de la région Guyane, gère de vastes compétences qui vont de la commande publique au transport intérieur en passant par la lutte contre les maladies vectorielles.

Depuis, le département français d'Amérique du Sud évolue sous un régime de délégation de fonction, qui permet à Gabriel Serville de déléguer ce qu'il juge utile aux élus de son assemblée. Dès le 11 novembre, la CTG avait pris un arrêté en ce sens, attribuant une délégation de fonction au premier vice-président de la collectivité Jean-Paul Ferra.

Juridiquement, tout est en règle, assure-t-on à Cayenne. La délégation de fonction permet d'agir "dans un cadre clair", explique le directeur général des services (DGS) de la CTG, Grégoire Muchai, à la différence d'autres régimes comme celui de la suppléance, qui n'autorise que la gestion des affaires courantes.

"Le 1e vice-président peut représenter la collectivité et signer les actes sans que cela ne retire au président sa propre faculté de le faire", poursuit Grégoire Muchai.

Patrick Lingé, avocat au barreau de Cayenne et spécialiste en droit public, abonde: "La délégation de signature est toujours faite sous l'autorité de celui qui délègue".

Même éloigné de Guyane, M. Serville, connu pour peu déléguer, participe donc toujours au fonctionnement de la CTG. Depuis l'Hexagone, il signe "de manière quasi-quotidienne" des documents grâce à "un système de signature électronique par clé d'authentification certifié de niveau 4, le niveau maximal", selon le DGS.

Opposition inquiète

Au sein de la majorité, peu d'élus abordent le sujet. Jean-Paul Ferra reste injoignable, le deuxième vice-président ne s'exprime pas sur l'affaire.

"Il n'y a pas de désordre", assure toutefois son troisième vice-président et porte-parole de la CTG, Thibault Léchât-Vegas, un proche de Gabriel Serville. Selon lui, les échanges sont quotidiens, le travail se poursuit sans faiblir.

Mais l'opposition critique la gestion de cette absence prolongée. "Le fait que Gabriel Serville signe encore des délibérations pose un problème juridique", estime le chef de file de l'opposition à la CTG, Rodolphe Alexandre, évoquant une "cacophonie", lui qui préfèrerait un régime de suppléance.

Dénonçant "plusieurs dossiers en souffrance", l'élu cite le budget 2025 de la collectivité guyanaise, toujours pas adopté, et la Programmation pluriannuelle d'investissements dont aucun chantier n'a été amorcé, bloquant les commandes publiques dans un territoire qui en dépend fortement.

Par ailleurs, l'absence de Gabriel Serville pèse sur le projet d'évolution statutaire de la Guyane vers une plus grande autonomie. Finalisé localement en avril 2024, le processus doit être négocié avec le gouvernement mais risque l'enlisement en l'absence de celui qui porte le projet.

Les textes ne fixent pas de limite à la situation. Mais si celle-ci se prolongeait, une nouvelle élection est à envisager, selon Me Lingé.

Signe que le sujet est sensible, la branche Force ouvrière de la collectivité a demandé la suspension de l'arrêté du 11 novembre et des actes signés depuis, ainsi qu'une clarification des modalités et prérogatives liées au remplacement temporaire de M. Serville.

Requête rejetée le 15 janvier par la justice administrative, selon une décision consultée par l'AFP. Mais face aux critiques, la CTG a reconnu un flou dans l'arrêté, promettant un nouveau texte plus détaillé.

Gabriel Serville, lui, n'a pas dévoilé la nature de sa maladie et n'est toujours pas rentré en Guyane. "Je suis très malade et très souffrant, mais je ne suis pas mort", a-t-il dit mi-janvier dans une rare intervention sur le média local Radio Peyi.


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