Chlordécone : le ministère public requiert la confirmation du non-lieu en appel

Par 22/09/2025 - 15:37 • Mis à jour le 23/09/2025 - 06:13

La Cour d'appel de Paris va-t-elle revenir sur l'ordonnance de non-lieu dans le dossier du chlordécone ? Elle avait été rendue en janvier 2023 par deux juges d'instruction après plus de quinze ans de procédure. Cette décision est contestée par les parties civiles. Le ministère public a demandé sa confirmation.

    Chlordécone : le ministère public requiert la confirmation du non-lieu en appel
@Aline Druelle

L'audience en appel, qui doit durer deux jours, a débuté ce lundi matin (22 septembre), à huis clos, devant la chambre de l'instruction.

Une dizaine d'avocats plaident à tour de rôle pour obtenir l'infirmation de cette ordonnance de non-lieu.

Ce lundi matin, le ministère public n'est pas allé dans ce sens et a demandé qu'elle soit confirmée.

Des avocats critiques

À la sortie de la salle d'audience, les avocats étaient plutôt critiques sur le réquisitoire du procureur, sur le fond comme sur la forme, comme l’explique Maître Olivier Tabone.

On a été assez surpris par sa concision, même déçus après 13 ans d'informations judiciaires de la courté de ses propos et sans reporter à son réquisitoire. On a trouvé ça presque indécent, voire irrespectueux vu la nature et l'enjeu de ce dossier.

L'audience, sur deux jours, permet aux avocats d'exposer tous leurs arguments.

La question de la prescription

Pour Maître Louis Boutrin, qui se veut malgré tout optimiste sur l'issue de cet appel, la prescription ne peut pas être retenue.

Ils partent un postulat qui est tout à fait erroné. Le non-lieu repose une prescription dont la date de départ a été fixée arbitrairement par le procureur et par les juges d'instruction à la date du 30 septembre 1993. Or, nous avons pu démontrer à la barre qu'il y a eu une infraction continue dans le temps et à l'intérieur même du rapport et de l'ordonnance, on retrouve des éléments objectifs qui prouvent qu'on a continué à commercialiser le chlordécone bien au-delà de 1993.

De son côté, Maître Raphaël Constant se montrait plus fataliste.

Ma pratique de la justice française, c'est qu'en général, concernant la mise en cause de l'État et la mise en cause de la caste békée, la justice française ne répond pas présente, historiquement. Donc, on va voir. On ne sait pas, mais je ne suis pas extrêmement optimiste.

« Pas une instruction complète »

Pour Maître Germany, avocat de l'Assaupamar et de plusieurs dizaines de parties civiles, l'instruction n'est pas du tout complète et on ne peut pas s'arrêter à la question de la prescription.

On ne peut pas aujourd'hui dire qu'il y a eu véritablement une instruction complète alors même qu'on n'a pas recherché les vrais coupables sur les lieux. On ne s'est pas intéressé aux victimes sur les lieux. Les magistrats instructeurs ne sont pas venus en Martinique et en Guadeloupe à la rencontre des vivants et des morts, parce qu'ils peuvent même déterrer des gens qui épandaient du chlordécone et qui en sont morts. Ils peuvent consulter tous ces ouvriers agricoles qui ont eu à manipuler ces produits interdits longtemps après l'interdiction, jusqu'au début des années 2000, et se rendre compte qu'il n'y avait pas prescription. Aujourd'hui, la question semble limitée à la prescription, alors qu'en réalité, pour y répondre, il ne faut pas simplement faire du droit, on en a fait, mais il faut aussi rechercher la vérité des faits. Et la vérité des faits, elle n'est pas dans les bureaux parisiens. Elle est sur la terre martiniquaise et sur la terre guadeloupéenne.

Un huis clos difficile à accepter

Pour les parties le huis clos de l'audience, classique devant la chambre de l'instruction, est un peu difficile à accepter.

Pour Malcolm Ferdinand, chercheur en sciences politiques et spécialiste de la question chlordécone, ce processus est problématique à plus d’un titre.

Il ne permet pas de restaurer une confiance, qui plus est quand ce processus a abouti à un non-lieu, voire à une confirmation de son non-lieu. On verra à l'issue de ces deux jours. Mais il reproduit un rapport colonial de la justice française envers les Antilles.

L'audience devant la Cour d'appel se poursuit demain (mardi 23 septembre).

La décision devrait ensuite être mise en délibérée.

 


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