Chlordécone: l'Etat doit indemniser les victimes démontrant un préjudice d'anxiété, dit la cour administrative d'appel

Par 11/03/2025 - 12:00 • Mis à jour le 12/03/2025 - 11:18

La cour d'appel administrative de Paris est allée à rebours de la décision prise en première instance. La juridiction juge l'Etat fautif d'avoir autorisé la commercialisation du chlordécone. Ce qui peut être à l'origine d'un préjudice moral d'anxiété, lorsqu'il est démontré.

    Chlordécone: l'Etat doit indemniser les victimes démontrant un préjudice d'anxiété, dit la cour administrative d'appel

L'Etat doit indemniser les victimes démontrant un préjudice moral d'anxiété pour avoir été exposées au chlordécone, un pesticide utilisé en Guadeloupe et Martinique ayant massivement pollué les sols et l'eau, a tranché mardi la cour administrative d'appel de Paris.

Saisie par près de 1.300 requérants, tous représentés par Maître Christophe Lèguevaques, la Cour a estimé dans un arrêt pris mardi que « l'Etat a commis des fautes en accordant des autorisations de vente » de chlordécone malgré les alertes sur sa nocivité, et qu'il devait en conséquence réparer, « lorsqu'il est démontré, le préjudice moral d'anxiété des personnes durablement exposées à cette pollution ».

Comme en première instance, la reconnaissance de la responsabilité de l'État est établie par la juridiction, mais cette dernière n'est plus uniquement symbolique puisqu'elle ouvre cette fois la possibilité d'une indemnisation pour certains cas seulement et dans un volet bien précis de ce combat judiciaire emblématique.

Une dizaine de requérants concernés

Selon la décision, consultée par RCI, une dizaine de personnes sont concernées par cet arrêt.

Ce qui compte dans ce volet, ce sont les indemnisations que la justice aurait à prononcer. Sur ce point, la Cour a en grande partie suivi l'interprétation de la rapporteure publique qui, lors de l'audience du 3 février, avait souligné que 9 des 1 286 plaignants avaient été en mesure de présenter des rapports médicaux suffisamment circonstanciés pour admettre un préjudice dans l'empoisonnement au chlordécone.

En conséquence, cette dernière avait proposé des indemnisations à hauteur de 10 000 euros pour cinq d'entre eux et 5 000 euros pour les quatre autres. Au final, ils seront onze à bénéficier d'indemnisations, six à hauteur de 5 000 euros et cinq pour des montants allant de 8 000 à 10 000 euros, sur décision de la Cour. 

Pas de réparation globale pour les 1300 requérants

Dans la décision publiée ce mardi, il est ainsi précisé que dans ces cas précis uniquement, et lorsque le lien avec le pesticide peut clairement être établi, l'État est condamné « à réparer le préjudice d'anxiété qui résulte de la conscience de courir un risque élevé de développer une pathologie grave, voire lorsqu'il est démontré un préjudice moral résultant des conséquences avérées de cette exposition ».

Même s'il s'agit d'une avancée, la condamnation reste donc très limitée pour l'ensemble des 1286 plaignants constitués qui demandent réparation.

Maître Lèguevaques envisageait d'ailleurs de saisir le Conseil d'État si la reconnaissance n'était que partielle et évoque également la Cour de justice européenne comme recours possible, dans un communiqué publié ce mardi. Ce volet administratif, à différencier du combat au pénal pour faire reconnaître la culpabilité de l'État, des ministres, des instances ou des acteurs économiques, pourrait donc avoir encore de nouvelles suites judiciaires.

La reconnaissance du préjudice moral d'anxiété résultant d’une pollution de l’environnement serait néanmoins une première alors que celui-ci a déjà été reconnu dans le cadre professionnel et dans le domaine médical.


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