Assises de Bobigny : « Je ne sais pas pourquoi Jacques Sion est mort »
La cour s'est de nouveau intéressée aux faits, d'escroquerie et d'assassinat, avec la poursuite de l'interrogatoire de l'accusée, Christelle C., guadeloupéenne.
Christelle C. a enfin pu livrer sa vérité aujourd'hui devant les Assises de Bobigny, où elle est jugée depuis mardi. Pour débuter son propos, elle a tenu pour la première fois à s'adresser directement aux parties civiles, qui à tour de rôle à la barre, ont fait part de leur désarroi et de leur incompréhension face à la mort d'un frère, un oncle, un parrain...leur pilier "Jacky". "J'ai entendu ce que vous avez dit. J'ai des regrets, a déclaré Christelle C. depuis son box, et il n'y a pas un jour où je ne pense pas à vous. Je suis vraiment désolée pour ça".
« L'objectif c'était juste de prendre des sous »
Puis la quadragénaire guadeloupéenne a livré son récit des faits, pour lesquels elle est aujourd'hui jugée. D'abord l'escroquerie de leur ancienne voisine Dina Passerieux, à laquelle plus de 90 000 euros ont été soutirés par chèque ou retraits bancaires, sur plusieurs mois en 2019. C'est son ex-mari, Richard Alexis, policier municipal, qui s'occupait des courriers de la vieille dame placée en Ehpad et qui aurait vu un jour des relevés bancaires et les montants sur les comptes de leur voisine. "Il me disait qu'on ne craignait rien, il m'a motivé dans ça", raconte-t-elle à la cour. "L'objectif c'était juste de prendre des sous". Aux questions de la présidente, Christelle C. répond qu'elle ne sait plus vraiment à quoi l'argent a servi et où se trouve le reste aujourd'hui, ni l'or acheté par Richard Alexis.
Est-ce parce qu'il avait découvert ces malversations que Jacques Sion a été tué ? La présidente s'interroge sur une expertise sur ces abus, lancée à la maison de retraite de sa tante, justement deux jours avant sa mort. "Je pense que Richard a dû voir que Monsieur Sion avait remarqué pour l'escroquerie", acquiesce alors Christelle C.
« Je comprends qu'il veut lui faire du mal mais je n'y crois pas »
Sur le jour des faits, si elle avait affirmé lors de sa première garde à vue ne pas avoir été présente, aujourd'hui la mère de famille reste sur une même version.
Le 31 janvier 2020, Christelle C. affirme ainsi voir retrouvé Richard Alexis à la demande de ce dernier, pour l'accompagner "chercher un meuble" et remettre "des documents" à Monsieur Sion. Ce dernier l'avait contactée trois jours auparavant mais elle ne sait plus pourquoi. L'accusée affirme n'avoir été "que le lien" entre lui et Richard Alexis, qui ne souhaitait pas que Jacques Sion ait son numéro de téléphone.
Le jour des faits, son ex-mari lui aurait ensuite demandé de venir avec lui acheter des vêtements "pour ne pas être reconnu", de se garer non loin du pavillon et d'attendre.
Son projet criminel, Christelle C. affirme le deviner petit à petit. "Il est en boucle sur Monsieur Sion", "Je comprends qu'il veut lui faire du mal mais je n'y crois pas". A la cour, elle assure encore avoir tenté de le dissuader. "Je lui ai dit de ne pas y aller, qu'il pouvait encore changer d'avis", assure l'accusée.
Richard Alexis serait ensuite allé seul à la rencontre de Jacques Sion avant qu'elle ne le rejoigne un peu plus tard. Quand Christelle C. serait finalement entrée dans le pavillon, "un bruit sourd" l'aurait poussé à monter à l'étage. C'est là qu'elle aurait vu Richard Alexis en train d'essayer de tirer le corps au grenier. "Sur le moment je ne comprends plus que ce qui se passe, je suis complètement désorientée, dépassée", affirme Christelle C. qui, à la demande de son ex-mari, finit par se changer pour l'aider à monter le corps, puis à nettoyer les lieux et simuler un cambriolage. La mère de famille se débarrassera aussi un peu plus tard des armes du crime. "Il peut me faire du mal si j'exécute pas ce qu'il me dit de faire", craint alors la quadragénaire.
L'ombre de cet ex-mari plane en permanence sur ce procès. "Nous comprenons quand même que c'est quelqu'un qui avait un compagnon qui la contrôlait, cela semble assez évident", déclare l'avocat de la défense Maître Arneton.
Des vidéos de Richard Alexis adressées à leur fille avant son suicide ont été diffusées en ce quatrième jour d'audience. "J'ai pas de mot, c'est touchant", réagit Christelle C., les yeux rivés sur les écrans de la salle. Dans les images diffusées, Richard Alexis y parle d'un "sacrifice" que leur fille "comprendra plus tard". "Je ne sais pas pourquoi il dit ça", "il n'y a jamais eu de pacte entre nous", affirme-t-elle quand on l'interroge dessus.