Le rapport de la commission chlordécone met en avant la responsabilité de l'Etat
Le rapport de la commission d'enquête sur le chlordécone doit être présenté demain à l'Assemblée Nationale avant d'être rendu public le 2 décembre 2019. Le quotidien Le Monde a cependant pu se procurer le document qui charge l'Etat.
Au terme de 6 mois d'enquête et après avoir auditionné 150 personnes, la commission d'enquête parlementaire sur l'usage du chlordécone aux Antilles a rendu un rapport sans concession envers l'Etat.
Pour les députés, l'Etat est le premier responsable de ce désastre sanitaire et environnemental. "L’Etat a fait subir des risques inconsidérés, au vu des connaissances scientifiques de l’époque, aux populations et aux territoires de Guadeloupe et de Martinique ", pointe le rapport selon Le Monde, qui souligne que " le maintien de la production bananière a trop souvent pris le pas sur la sauvegarde de la santé publique et de l’environnement ".
Au regard des archives mises à la disposition de la commission, le gouvernement était au courant de la dangerosité du chlordécone dès 1969, soit 3 ans avant l'autorisation de commercialisation du chlordécone. "Le 26 novembre 1969, le comité d’étude des produits antiparasitaires à usage agricole, instance rattachée au ministère de l’agriculture, s’y oppose, en raison de son caractère « toxique et persistant »", écrit le Monde. Toutefois deux ans plus tard, le même comité rétrograde le chlordécone de toxique à dangereux et permet sa mise en vente sur le marché. L'Etat par l'intermédiaire des ministres Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson, autorisera sa commercialisation jusqu'en 1993 aux Antilles alors que le produit avait été interdit en France en 1990 et banni aux Etats-Unis dès 1975.
Une attention politique qui fait écho à un lobbying intense des groupements de planteurs et des industriels. Si le quotidien ne s'étend pas sur la question, il relève que les archives disparues puis retrouvées de la direction générale de l'alimentation du ministère de l’agriculture "permettent toutefois de reconstituer l’intense lobbying des groupements de planteurs et des industriels, les interventions de certains élus et le soutien explicite des services locaux du ministère de l’agriculture en faveur d’une « molécule miracle » jugée indispensable pour l’équilibre de l’économie antillaise."
L'Etat a fermé les yeux après l'interdiction
La gestion du chlordécone post interdiction est également pointée du doigt par le rapport de la commission. Utilisé à cette époque sous le nom commercial de Curlone (anciennement Képone), le produit anti parasitaire est resté entre les mains des agriculteurs. Ce n'est qu'en 2002 qu'il a été récupéré par les services de l'Etat. Ce sont pas moins 9,5 tonnes qui ont été collectées en Martinique et 12 tonnes en Guadeloupe.
Il en va de même pour la contamination de l'eau. Constatée dès 1999, il aura pourtant fallu 9 ans pour que l'Etat prenne des mesures à travers un premier plan chlordécone.
Le rapport dénonce "une prise de conscience beaucoup trop tardive par l’Etat" et le financement insuffisant des trois plans chlordécone successifs.
En guise de préconisation, les membres de la commission d'enquête demandent une loi d’orientation et de programmation pour « sortir du chlordécone ». Il s'agit notamment d'ériger la recherche sur le chlordécone comme une priorité stratégique de la recherche nationale, avec des financements fléchés. Le président de la commission, Serge Letchimy, appelle aussi à la création d’« un fond d’indemnisation de l’ensemble des victimes » financé par l’État et les producteurs et utilisateurs du chlordécone, au nom du « principe pollueur-payeur ».
L'accueil de ce rapport et de ses conclusions par Emmanuel Macron sera particulièrement scrutée. En 2018, il avait assuré que l'Etat devait prendre sa part de responsabilité dans cette pollution avant de nier quelques mois plus tard le caractère cancérigène de la molécule.
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