Un séminaire universitaire consacré au phénomène des mules
Les universitaires se penchent aussi sur la géographique du trafic de cocaïne dans notre région. Ce matin, lors d'un séminaire, chercheurs et spécialistes se sont penchés sur le phénomène des mules.
Une conférence sur le phénomène des mules transportant de la cocaïne en passant par les Antilles Françaises était organisée ce samedi à Fouillole au département Sciences Juridiques. Une initiative du CAGI et du CORECA, avec l’intervention par visioconférence de Cayenne, de Thierry Nicolas maitre de conférences en géographie notamment sur les questions de sécurité.
Depuis deux ans, les interpellations de mules à Pôle Caraïbes sont en augmentation. Une recrudescence des tentatives de passage liée aux mesures du 100% contrôle en Guyane.
Désormais les transporteurs sont de plus en plus nombreux à ingurgiter la drogue. Un mode opératoire qu'ils appliquent au péril de leur vie.
L'ancien chef du détachement OFAST de Guadeloupe, aujourd'hui en disponibilité, Stéphane Oliéric, livre sa vision de la situation
Des mules, il y en a toujours eu depuis que je travaille ici. Sauf que là où ça a évolué, c'est notamment depuis que en Guyane, on a mis le 100% contrôle, en Guadeloupe et a priori à Fort de France aussi, beaucoup plus de mules in corpore, c'est-à-dire qui ingurgitent plutôt que les transports traditionnels qu'on avait avant, dissimulations à corps ou dans les bagages, mais le nombre en lui-même de mules, il a toujours été fluctuant entre les îles de Martinique et de Guadeloupe. Sur deux, trois ans, il y a un lissage qui doit s'opérer
Le traitement des mules est particulièrement chronophage. Il nécessite par ailleurs des besoins logistiques :
Le particularisme de la procédure pénale fait que c'est beaucoup plus difficile à gérer avec des gens à l'hôpital, avec des transports à faire, avec des chambres à prévoir, qu'ici, en Guadeloupe et en Martinique, on n'était pas habitué à faire par rapport à la Guyane. Pour la mule, c'est sûr que le transport est plus risqué. La quantité est moindre aussi que ce qu'on peut mettre dans des bagages, mais il y a tellement de mules envoyées. Des Nigérians. puisqu'il faut savoir que la communauté nigériane est la plus grosse communauté du Vénézuéla. Ce sont les gens les plus pauvres, je pense, du Vénézuéla. On envoie ces gens-là tellement et tellement. On surcharge les services de sécurité, les services judiciaires et qu'on arrive plus à suivre
Géopolitique de la drogue
Julien Mérion, directeur du CAGI et président du CORECA (association Contacts et Recherches Caraïbes) et organisateur de ce séminaire s'explique sur la nécessité de ces échanges :
C'est un phénomène qui est très important aujourd'hui, il y a une amplification du phénomène. Ça concerne la Guyane dans un premier temps, mais surtout les Antilles maintenant, puisqu'il y a un déplacement de la Guyane vers les Antilles. Ça provoque des dégâts très importants dans les populations et ça provoque des drames. Donc, il est important d'en parler. C'est l'internationalisation de la drogue, c'est dans le monde. Les Antilles sont dans le monde et tout ce qui se passe dans le monde nous touche également. Principalement la jeunesse, mais surtout la jeunesse désoeuvrée, à travers le crack, notamment, ce qui provoque, je répète, des catastrophes dans les sociétés
Il rappelle que dans la géopolitique de la drogue, nos îles se trouvent sur une route majeure :
La géographie joue un rôle important, la géopolitique aussi. Vous avez bien remarqué dans la conférence qu'il y a des pays d'Amérique latine qui sont producteurs de cocaïne, mais qui sont également consommateurs. Le Brésil, par exemple, l'Equateur, on n'en parle pas beaucoup, le Costa Rica. Je crois que la proximité des Antilles avec l'Amérique latine explique certainement l'importance du trafic de drogue, mais aussi l'importance des mules. Parce qu'en 2021, par exemple, il y a eu près de 1 000 personnes qui ont été arrêtées dans les aéroports de Guyane, des Antilles et de France
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