Nouvelle-Calédonie : « C'est assez déchirant de voir son île imploser »
Depuis plus d’une semaine déjà, la Nouvelle-Calédonie connait une crise majeure en raison de la réforme du corps électoral. Les scènes de violences se sont multipliées et 6 morts sont à déplorer. En ce début de semaine, la situation semble s’être quelque peu apaisée. Les écoles, collèges et lycées restent fermés jusqu’à nouvel ordre et la situation alimentaire et sanitaire est au cœur des préoccupations.
En attendant l’arrivée du président Emmanuel Macron annoncée ce mardi 21 mai, la situation semble s’être quelque peu apaisée, par en endroit, en Nouvelle-Calédonie. Un sentiment que confirme Maëlys Vésir, journaliste calédonienne à Caledonia, la deuxième chaîne de télé de l'île. Basée à Nouméa, elle est confrontée de près aux événements qui secouent le caillou depuis plus d’une semaine.
Une semaine après les émeutes, la situation, de manière globale, s'est légèrement apaisée, notamment depuis l'arrivée de plusieurs centaines de renforts de forces de l'ordre et de militaires. Ils ont multiplié les interventions. Il y a eu de grosses opérations de déblaiement des routes pour enlever, par exemple, les carcasses de voitures brûlées.
Encore des tensions
Toutefois, la tension demeure dans certains quartiers. Maëlys Vésir, journaliste calédonienne :
Il y a encore des bâtiments qui prennent feu. On entend, c'est un peu notre quotidien, aux alentours, dans les quartiers dits plus chauds, des détonations, le son de grenade de désencerclement, parfois des tirs. La situation, elle est quand même toujours imprévisible, même si petit à petit, elle est de mieux en mieux gérée.
Une centaine de conteneurs de denrées alimentaires et de médicaments ont été pris en charge par les douanes, mais leur acheminement reste compliqué.
Il y a pas mal d'axes qui ne sont pas encore tous débloqués. Il y a encore beaucoup la question d'accès aux soins. Il y a encore beaucoup de gens dans le besoin qui ont des difficultés à se faire soigner.
Des messages de paix
Du côté des habitants, c'est la solidarité qui se met en place, malgré les barrages.
Il y a des barrages de toutes parts à chaque entrée des quartiers et avec de plus en plus aujourd'hui des petits drapeaux blancs qui ont fleuris sur les barrages avec des messages de paix et d'amour. Et à l'heure actuelle, c'est vrai qu'il y a de beaux élans de solidarité qui sont mis en place.
Alors que des journalistes de Calédonie la première et de l’AFP ont été pris pour cibles la semaine dernière, Maëlys Vésir, journaliste à Calédonia, rappelle comme il est important d’informer au mieux la population dans ces moments de chaos.
On essaye au mieux d'informer la population parce qu'il y a des barrages indépendantistes, pacifistes, qui n'ont rien à voir avec les émeutiers. Les fake news pullulent dans les moments de crise.
« On aurait dû laisser le temps au débat »
En tant que Calédonienne, pour elle, cette situation a mis à mal 30 ans de stabilité sur l’île et fait ressortir une vraie crise sociale, ainsi que des blessures plus anciennes.
C'est assez déchirant de voir son île imploser. Que l'on soit pour ou contre le dégel du corps électoral, j'ai le sentiment qu'on aurait dû laisser le temps au débat, à la discussion, plus au dialogue et que l'État a voulu accélérer les choses et aurait dû, selon moi, mettre en pause ce texte.
Le sentiment que la situation se tendait ces derniers mois était indéniable, mais cela n’a pas empêché la stupéfaction au moment du vote à l’Assemblée qui a entrainé des scènes de violences sur l’île.
Je n'aurais jamais imaginé que ça dégringole aussi vite. C'est vrai que je rappelle que les émeutiers, ils ont entre 15 et 25 ans. Qu'est-ce que ça nous dit de notre jeunesse, de la jeunesse kanak ? Que ces colères extrêmes et injustifiables, elles sont potentiellement explicables aussi par un manque total de repères, une misère sociale, énormément de difficulté d'accès aux études, à l'emploi. Ce conflit fait ressortir ça aussi.
Ce conflit fait également ressortir des blessures encore vives des années 80’ en Nouvelle-Calédonie qui a déjà connu une guerre civile. Maëlys Vésir poursuit : « Ce qui est navrant, c'est les discours qui redeviennent très binaires, où il faut choisir un camp. Il y a aussi, je trouve, un racisme décomplexé qui refait surface. Il y a des rondes aussi de pick-up armés qui veulent se faire justice et en découdre avec les émeutiers, qui a déjà eu un mort et que c'est extrêmement grave. On parle de meurtre, donc c'est vraiment une situation assez désespérante ».
Une situation qui a retenu l’attention d’Emmanuel Macron. À ce stade, c’est un retour au calme qui est espéré sur l’île.