Plan Chlordécone aux Antilles : des progrès, mais « l'heure n'est pas à l'auto-satisfecit »
L'application du plan chlordécone IV doit se poursuivre jusqu'en 2027. À mi-parcours, la coordinatrice des actions dresse un premier bilan et rappelle que la priorité absolue est de réduire l'exposition au pesticide.

« L'heure n'est pas à l'auto-satisfecit » malgré des avancées dans la lutte contre les effets du chlordécone, a déclaré ce mardi (11 février) Edwige Duclay, coordinatrice du plan Chlordécone IV, en présentant son bilan à mi-parcours en Guadeloupe.
Priorité absolue, explique-t-elle : réduire l'exposition à ce pesticide toxique, qui contamine encore plus de 90 % de la population antillaise.
Le chlordécone, utilisé contre le charançon du bananier, a été interdit en France en 1990, mais maintenu aux Antilles par dérogation de l'Etat malgré les connaissances sur sa dangerosité.
Impact sur la santé
Son impact sur la santé, notamment dans la prévalence du cancer de la prostate, est largement documenté.
« Notre priorité reste la lutte contre l'exposition à ce pesticide pour toutes les personnes concernées », a estimé Edwige Duclay, selon qui « si beaucoup de chemin a été parcouru » depuis le premier plan Chlordécone en 2008, « l'heure n'est pas à l'auto-satisfecit ».
Doté de 130 millions d'euros sur six ans contre 92 millions pour le précédent, le plan Chlordécone IV (2021-2027) du gouvernement a déjà engagé 36 millions, a précisé Edwige Duclay.
Contrôles renforcés de l’eau et des aliments
Pour limiter l'exposition, qui se fait par l'alimentation, plusieurs dispositifs existent : analyses sanguines et de sols gratuites, prévention ciblée pour les femmes enceintes ou les personnes au taux de contamination dépassant 0,4 microgrammes par litre de sang, le seuil de surexposition fixé par les autorités.
« On a aussi renforcé les contrôles des aliments et de l'eau potable et l'accompagnement des éleveurs et des pêcheurs », assure Edwige Duclay.
Des résultats limités
Le fonds d'indemnisation des victimes a commencé à fonctionner, avec 13 dossiers acceptés fin janvier, selon l'association de défense des victimes des pesticides Phytovictimes.
Mais les résultats restent limités. « On constate que la colère, compréhensible, autour de ce sujet est un frein aux actions de prévention », déplore Edwige Duclay.
Moins de 5 000 personnes ont effectué un test de chlordéconémie en Guadeloupe et seuls 20 éleveurs ont rejoint le programme en 2024.
La suite du plan prévoit le financement de davantage d'études sur la santé des femmes et l'évolution de l'exposition au produit, tandis que la dépollution des sols, encore expérimentale, reste un défi majeur.
Selon un rapport publié par l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) en 2023, près de 90 % des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone.