Les femmes noires moins prioritaires aux Urgences selon une étude

Par 18/01/2024 - 11:09 • Mis à jour le 19/01/2024 - 09:40

La couleur de peau ou le genre ont une influence sur le triage des patients aux urgences selon une étude coordonnée par le CHU de Montpellier. Pour de mêmes symptômes, le cas d'une femme noire est jugé grave dans 40% des cas contre 60% des cas, pour un homme blanc. C'est la première étude aussi vaste menée en Europe. Explications.

    Les femmes noires moins prioritaires aux Urgences selon une étude
Patiente noire. Photo d'illustration

Plus de 1500 soignants issus de plusieurs villes de l'Hexagone, de Belgique, de Suisse et de Monaco ont dû se prononcer sur un cas factice via des questionnaires.

Il s’agissait de déterminer s’il existe une incidence sur le triage aux urgences, selon que l’on est un homme ou une femme, selon que la personne vient d’une ethnie variée ou est de couleur blanche.

Et, pour un même cas d’un patient se plaignant de symptômes associés au syndrome coronarien aigu comme des douleurs au thorax, la conclusion est frappante.

Le professeur Xavier Bobbia, chef du service des urgences du Chu de Montpellier et coordinateur de cette enquête, en dit davantage. Pour lui, les conclusions de l’étude ont provoqué une prise de conscience.

Quand l’image montre un homme, on évalue plus grave que lorsque l’image montre une femme. Quand l’image montre une femme d’apparence noire, on évalue moins grave qu’une autre image avec d'autres apparences ethniques, blanc, maghrébin ou asiatique.

Des pistes pour changer les choses

Et surtout, il n’existe aucune différence que le diagnostic soit posé par un soignant ou par une soignante. Pour le professeur Bobbia, les conclusions de l’étude ont provoqué une prise de conscience.

Il n'y a pas de raison médicale à ça. Pour moi, la principale raison, c'est que les soignants vivent dans des sociétés et qu'ils ont les préjugés associés à leur société. Ce qui est sûr, c'est que les résultats ont un peu surpris tout le monde dans leur amplitude. Les soignants sont assez étonnés mais ils sont plutôt contents de le savoir pour essayer de travailler dessus, c'est-à-dire de travailler sur ces préjugés qui, je le répète pour moi, sont clairement inconscients ».

De ces constats, les chercheurs ont commencé à dégager des solutions à apporter.

Pour moi. il y a trois solutions. La première, c'est l'information. Le deuxième axe, c'est l'enseignement. Il faut qu'on enseigne aux plus jeunes ces facteurs humains et leurs préjugés. Et puis, il y a le fait que les soignants doivent s'appuyer sur des éléments objectifs. C'est-à-dire votre pression artérielle, votre fréquence cardiaque, etc. De donner un niveau de gravité et donc une échelle de priorité 

Faire des études ethniques en France est interdit par la loi en se basant sur des cas réels. C'est grâce à l'imagerie générée par l'intelligence artificielle que cette vaste enquête a pu être réalisée.

INFOS +

. Réalisée en France hexagonale

Les personnes interrogées en France l’ont toutes été sur le sol hexagonal. « On s’est dit que si on interrogeait des gens qui vivaient dans un milieu où les apparences ethniques n’avaient pas le même taux, c’est-à-dire avec autant de personnes d’origines ethniques différentes, ce serait probablement des réponses différentes », indique le professeur Xavier Bobbia.

Pour lui, la question de savoir, par exemple, si en Martinique ou en Guadeloupe, les symptômes chez personnes d’apparence noire seraient aussi sous-évalués est aussi « très intéressante mais on ne s’y est pas attaqué ».

« Sur l’Europe francophone et sur le continent, je pense que c’est représentatif. Ailleurs, je ne sais pas ».

. Une étude grâce à l’intelligence artificielle

Cette étude coordonnée par le CHU de Montpellier a été réalisable grâce à l'intelligence artificielle. « On est arrivé à la faire car ce sont des images créées par l’intelligence artificielle et qu’il n’y a personne derrière. Il n’y a pas de gens que l’on qualifie d’apparences blanche, noire, maghrébine etc… », précise le professeur Bobbia.

En France, contrairement à l’Amérique du Nord et aux États-Unis singulièrement, les études comportant des données ethniques sont interdites.

Le professeur Bobbia se dit convaincu de « l’utilité du machine learning et de l'intelligence artificielle ».

On est en train de faire une étude multicentrique dans laquelle on rentre sur une base de données, l'ensemble des paramètres des gens qui consultent aux urgences pour douleurs thoraciques, la base de données leur évolution et ce qui leur est arrivé derrière 

Pour lui, l'idée, c'est de créer des réseaux de neurones d'intelligence artificielle qui vont pouvoir prédire le devenir des patients, en mettant des alertes aux soignants. « Avec l'ensemble des données du patient qui vient d'arriver, on sera capable de dire : « voila la probabilité qu'il fasse quelque chose de grave ». Donc, faites attention ».

 

 

 


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