La motion de censure votée par l’Assemblée Nationale, le gouvernement Barnier est renversé
Par 331 voix alors que 288 étaient requises, les députés ont voté ce mercredi (4 décembre) la première motion de censure du gouvernement, dans le cadre de la présentation du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2025.
Les députés ont censuré le gouvernement en place depuis à peine trois mois ce mercredi à Paris. Une première historique en France depuis 1962 qui aggrave l'incertitude politique et économique dans un pays pivot de l'Union européenne.
331 députés ont voté la première motion du censure du gouvernement, qui était présentée par le Nouveau Front Populaire, 288 voix étaient requises.
Après trois heures et demi de débats très agités dans un hémicycle comble, les députés ont voté. Le résultat a été rendu public à 19h25 (15h25 aux Antilles), par Yael Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée Nationale.
🔴🏛️ [Alerte info] Le gouvernement de @MichelBarnier est censuré par l'Assemblée nationale.
— LCP (@LCP) December 4, 2024
➡️ La motion de censure du Nouveau Front populaire a été votée par 331 députés, soit plus que la majorité absolue nécessaire pour contraindre le gouvernement à la démission.#DirectAN pic.twitter.com/5m6BsF3SEB
La séance de l'Assemblée Nationale a été ajournée.
Suspens limité
Le suspense était limité : les blocs de la gauche et du parti d'extrême-droite Rassemblement national, ont réitéré leur censure du gouvernement sur des questions budgétaires, alors que la France est très fortement endettée, réunissent largement plus que la majorité des voix nécessaires.
La réaction de Mathilde Panot, députée de la France Insoumise :
🔴⚡️ Le gouvernement Barnier est renversé grâce la motion de censure LFI-NFP.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) December 4, 2024
Cet événement historique est un signal puissant : quoiqu’il arrive les peuples peuvent changer le cours de l’histoire.
Maintenant Macron doit s’en aller. #MacronDemission pic.twitter.com/kTIVPkmeQy
Les chefs de file de cette alliance de circonstance ont clairement laissé entendre qu'au-delà de l'actuel gouvernement de centre droit de Michel Barnier, c'était Emmanuel Macron qui était dans leur viseur, même si le sort du président français, dont le mandat court jusqu'en 2027, n'est pas lié en droit à celui du gouvernement.
La cheffe de l'extrême droite française Marine Le Pen a estimé que le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier devait chuter car il perpétue « les choix technocratiques » du président Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, actuellement au plus bas dans les sondages.
La triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle, dont deux fois face à M. Macron, a ajouté que celui-ci devait « lui-même conclure s'il (était) en mesure de rester (président de la République) ou pas ».
Avant Mme Le Pen, Éric Coquerel avait, au nom des élus de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP), appelé pour sa part à "sonner le glas d'un mandat: celui du président" Macron.
M. Barnier a pris la parole avant le vote, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour prendre date en cas de renversement de son gouvernement. La France consacre 60 milliards d'euros par an à payer les intérêts de sa dette, soit plus que pour sa défense ou son enseignement supérieur, a-t-il rappelé.
On peut dire ce qu'on veut, c'est la réalité. Croyez-moi: cette réalité ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure", a-t-il mis en garde.
Appel à la responsabilité
Cette censure suit des mois de crise, déclenchée par la dissolution de l'Assemblée nationale voulue par le chef de l’État après la déroute de son camp aux européennes face à l'extrême droite.
Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d'une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macroéconomistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé début septembre.
La chute de l'exécutif après seulement trois mois aux affaires constitue un record de brièveté depuis l'adoption en 1958 de la Constitution française.
Les deux motions ont été déposées après que le Premier ministre a déclenché mardi l'article 49.3 de la Constitution permettant de faire adopter un texte sans vote, sur le budget de la Sécurité sociale.
Une décision prise à l'issue de plusieurs jours d'âpres discussions budgétaires, au cours desquelles M. Barnier a cédé à plusieurs demandes de l'extrême droite, qui en réclamait toujours davantage, selon lui.
Signaux au rouge
Depuis l'Arabie saoudite, où il était en visite d’État, le président français avait de son côté affirmé qu'il ne pouvait « pas croire au vote d'une censure » du gouvernement. M. Macron devait être de retour à Paris mercredi soir, à temps pour recevoir la démission de Michel Barnier si ce dernier était renversé.
Avec cette censure, il revient à M. Macron de désigner un nouveau Premier ministre, sur fond d'endettement croissant du pays. Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public ratera son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.
Autant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s'entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.
Marine Le Pen a, elle, les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars. Elle risque cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.
L'instabilité politique explique en partie la nervosité des marchés, dans un contexte de lourd endettement : le taux d'emprunt à 10 ans de la France est même passé, le 27 novembre, très brièvement au-dessus de celui de la Grèce, traditionnel mauvais élève en la matière dans l'UE.