« Complexe », « ambigu », « illisible »... La Cour des Comptes préconise la reforme de l'Octroi de mer
La Cour des Comptes se positionne à son tour en faveur d'une réforme de l'Octroi de mer. Ce 5 mars, son président, l'ancien ministre et commissaire européen, Pierre Moscovici, a présenté un rapport initié par l'instance en 2022, en partenariat avec les chambres régionales, qui recommande une “réforme profonde, systémique, pilotée, mais concertée” dans un horizon proche.
Après le gouvernement dans le cadre du CIOM ou encore le CESE dans son dernier avis consultatif Outre-Mer, c'est désormais la Cour des Comptes qui recommande de suivre cette piste de la réforme de l'Octroi de mer. L'instance de la rue Cambon a toutefois tenu à insister sur le fait qu'elle s'était saisie de ce dossier depuis 2022, avant cette actualité, en partenariat avec ses chambres régionales.
À l'issue de ces deux ans de travaux, ressort un rapport de près de 200 pages qui n'épargne pas cette recette fiscale des collectivités locales. Si la juridiction reconnait l'importance qu'elle représente pour leur financement, et appelle d'ailleurs à préserver cette ressource, elle plaide pour une réforme globale et profonde.
Sur le constat, Pierre Moscovici, premier président de la Cour a notamment insisté sur les manques relevés.
On observe d'importantes distorsions ou des effets pervers. Cela privilégie la section de fonctionnement par rapport à l'investissement, et donc ça n'est pas une incitation à faire des économies de fonctionnement et ça n'est pas non plus une aide à investir. L'Octroi de mer ne compense pas les handicaps de développement. Il a un impact incontestable sur la cherté de la vie. Il ne permet pas enfin l'insertion des Outre-Mer dans l'échelle de valeur mondiale alors que nous avons beaucoup d'atouts pour faire plus.
Horizon 2027
À la lumière de cette analyse, la Cour des Comptes a esquissé divers scénario. Elle écarte celui d'un statu quo, elle ne privilégie pas celui d'une "rupture" par un remplacement par une TVA locale, qui aurait le mérite de taxer aussi les services, mais préfère donc orienter sa réflexion sur cette réforme de ce dispositif avec divers objectifs précisés par Pierre Moscovici.
Il est extrêmement peu transparent, donc contrôle, pilotage, transparence, c'est le premier point. Ensuite, nous pensons qu'il doit être plus simple, c'est une fiscalité beaucoup trop complexe, qui en plus est instable, qui est souvent modifiée en cours d'année, ce qui n'est pas une bonne chose. Troisièmement, nous proposons une réorientation vers l'investissement, aujourd'hui 95% va vers le fonctionnement et on ne fait pas d'investissement, alors qu'il y a besoin de tellement d'investissements structurants, notamment dans les hôpitaux et les missions régaliennes. Enfin, dernière orientation, c'est la cherté de la vie, cela concourt pour 10 à 15% de l'augmentation des prix et notamment pour les produits de première nécessité qui sont souvent importés.
L'ancien ministre socialiste a par ailleurs insisté sur la nécessité d'agir vite. Si le gouvernement s'est fixé l'horizon du PLF 2025 pour porter cette réforme, Pierre Moscovici plaide pour un démarrage rapide de ce chantier, afin de donner des garanties d'ouverture à l'Europe, qui a prolongé le dispositif jusqu'en 2027, lors de négociations difficiles auxquelles avait participé M. Moscovici, alors commissaire européen aux Affaires économiques.
Il faut donner des signaux très forts, car c'est en 2027 que sera prise une nouvelle décision. D'expérience, il y a une forme de lassitude par rapport à un conservatisme en la matière à Bruxelles et donc je crois que la réforme, à tous égards, est vertueuse.
Accueil mitigé
Si la Cour des Comptes se veut ambitieuse dans l'ampleur de la réforme qu'elle propose, celle-ci pourrait toutefois ne pas être accueillie avec enthousiasme en Outre-Mer. Les réponses reçues par l'instance, qui ont été jointes au rapport, ne partagent pas le constat posé et s'inquiètent des conséquences. La Région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique ont notamment alerté sur un risque de perte d'autonomie locale en matière de fiscalité face aux contrôles suggérés.
À l'inverse, le gouvernement, par un courrier adressé par Bruno Le Maire, félicite le travail réalisé dans le cadre de cet avis et assure partager le constat dressé, les recommandations ainsi que les objectifs. En dehors de quelques remarques, l'exécutif semble s'inscrire dans le même esprit que la Cour des Comptes, tout en indiquant ne pas exclure des réflexions interministérielles le scénario d'une "rupture" avec l'Octroi de mer, au profit d'une nouvelle taxe locale.