Accès à l'eau et Chlordécone aux Antilles : le Conseil de l'Europe rejette la requête d'associations
Le Conseil de l'Europe a jugé « irrecevable » la requête d'associations qui exigeaient de la France l'amélioration de l'accès à l'eau en Guadeloupe ainsi que des réparations pour le scandale de pollution au chlordécone aux Antilles, selon une décision rendue publique hier (lundi 31 mars).
Le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) botte en touche sur deux problématiques majeures aux Antilles. Cette institution chargée de s'assurer de l'application de la Charte sociale européenne avait été saisie l'an dernier par des ONG et associations sur une réclamation collective contre la France, concernant ses manquements dans l'accès à l'eau et l'empoisonnement au chlordécone dans nos îles.
Mais dans une décision rendue ce lundi, le CEDS a refusé de se pencher sur le fond de ces dossiers, confirmant là une injustice déjà bien ancienne.
Depuis 1961 et la ratification de la Charte sociale européenne qui protège les droits des habitants des pays signataires, la France a toujours sciemment exclu ses Outre-Mer du champ d'application, leur réservant ainsi un statut bien à part.
Sans même se pencher sur les manquements dénoncés, le Comité européen garant de l'application de la charte estime tout simplement ce lundi qu'il n'est pas compétent, car ces territoires ultramarins ne sont, de fait, pas intégrés à cette même charte.
« Un niveau de protection inférieur »
Par leur requête, la Fédération internationale des Droits humains, la Ligue des Droits de l'Homme et l'association Kimbé Red French West Indies espéraient contraindre la France à investir pour combler les retards dans l'accès à l'eau et réparer les dégâts de la pollution au chlordécone,
Pourtant, dans le détail de sa décision, le CEDS reconnait que cela constitue « un niveau de protection nettement inférieur [de ces citoyens] ... par rapport à leurs concitoyens métropolitains å et note même plus loin que la situation d'accès à l'eau est « particulièrement préoccupante… ».
Mais, malgré l'injustice avérée, rien n'est fait. C'est évidemment une douche froide pour les ONG et associations qui étaient conscientes de cette inégalité initiale, mais voulaient faire reconnaitre une intégration de facto des Outre-Mer.
Cela dit, les choses pourraient évoluer, car le 19 mars dernier, lors des questions aux gouvernement à l'Assemblée, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean Noël Barrot s'était dit « prêt à réparer cet écart ».
Si tel est le cas, la France devra alors assumer ses éventuels manquements dans nos territoires.
INFOS +
Les réactions à la décision du CEDS
« Cette décision va à l'encontre des fondements du droit international des droits humains qui repose sur l'universalité, l'inaliénabilité, l'indivisibilité et l'interdépendance des droits humains », a réagi la présidente de la FIDH Alice Mogwe, citée dans un communiqué commun avec les autres associations à l'initiative de la requête.
En Guadeloupe, de nombreux dysfonctionnements dans la gestion du réseau de distribution et des eaux usées entraînent une situation catastrophique de la distribution d'eau potable, et de très nombreuses coupures chez les usagers.
Le chlordécone, un pesticide utilisé jusqu'en 1993 malgré les alertes sur sa dangerosité, a lui durablement contaminé les sols et les eaux de Martinique et Guadeloupe. Il est encore aujourd'hui détecté chez 90% de la population.
Le CEDS prive les populations de Guadeloupe et Martinique de la possibilité d'obtenir justice, réparations et indemnisation concernant deux problématiques majeures qui stagnent depuis des décennies en France », a commenté Sabrina Cajoly, directrice de l'association Kimbé Rèd FWI, citée dans le communiqué
La France « ne peut pas continuer à revendiquer sa souveraineté sur des territoires ultramarins, en niant le fait colonial, tout en continuant à traiter ses habitant.es comme des sous-citoyen.nes » qui « subissent non seulement cette discrimination mais aussi les conséquences sanitaires de l'empoisonnement », estime, pour sa part, Nathalie Tehio, présidente de la LDH.








