Après le décès de Jacques Martial, les hommages et les réactions se multiplient

Par 13/08/2025 - 15:38 • Mis à jour le 14/08/2025 - 05:47

Le comédien, acteur et homme de culture Jacques Martial est décédé la nuit dernière à l’âge de 70 ans, des suites de maladie. Après l’annonce de sa mort, les hommages et les réactions se succèdent.

    Après le décès de Jacques Martial, les hommages et les réactions se multiplient
@Gilles Morel

Jacques Martial est décédé la nuit dernière à l’âge de 70 ans, des suites de maladie.

Né dans l’Hexagone de parents guadeloupéens, l’homme n’a eu de cesse d’agir pour rendre plus visible la mémoire et la création artistique caribéenne.

Interprète hors pair du « Cahier d’un retour au pays Natal » d’Aimé Césaire, Jacques Martial fut le premier noir à présider le prestigieux Parc de la Villette à Paris, pendant près de dix ans.

Il fut aussi le président du Mémorial ACTe en Guadeloupe, de 2015 à 2020.

Élu au conseil de Paris, il était adjoint à la maire Anne Hidalgo en charge de l’Outre-mer.

 

Audrey Pulvar

La Martiniquaise Audrey Pulvar était son amie et partageait aussi avec lui les bancs du Conseil de Paris.

Très émue, elle revient sur certaines des actions qu’il avait engagées pour promouvoir les artistes ultramarins sur la scène nationale.

Grâce à lui, la Nuit blanche, l'an dernier, a été une Nuit blanche pas seulement parisienne, mais aussi ultramarine, dans tous les océans. Elle a eu lieu à des horaires décalés, évidemment, en fonction de l'heure à laquelle la nuit arrivait. C'était un grand moment. Déjà, dans Paris, cette Nuit blanche a été très fortement ultramarine. Et puis, le fait de décaler comme ça la Nuit blanche de fuseaux horaires en fuseaux horaires, c'était une idée magnifique. Sur les JO, en 2024 aussi, il a été assez présent pour valoriser les athlètes ultramarins parisiens. Cette année, il avait prévu de faire un Paris plage spécial franco-brésilien. Nous étions allés ensemble au Brésil en novembre. J'avais réussi à l'emmener dans un festival auquel je participe régulièrement au Brésil depuis plusieurs années, la fête littéraire, urbaine et périphérique de Rio de Janeiro. Et là, il avait fait une représentation du Cahier d'un retour pays natal qui avait été absolument fabuleuse. Et ça avait été un peu le début d'une histoire puisqu'il devait avoir d'autres dates, continuer dans d'autres villes. Puis bon, ça n'a pas pu être possible à cause de la maladie. Mais les contacts qu'il a noués à ce moment-là, à Rio, lui ont permis de réfléchir à l'idée, puisque c'est l'année croisée France-Brésil, d'un Paris Plages franco-brésilien. Il était passionné par ce qu'il avait découvert de l'influence de la Caraïbe sur le Nord du Brésil. Il voulait imprimer cela dans le Paris Plages de cette année. Mais là aussi, la maladie l'en a empêché. Son équipe a quand même avancé sur le sujet, mais ça n'a pas eu la dimension qu'il aurait voulu lui donner.

 

Dominique Théophile

Le sénateur de Guadeloupe, Dominique Théophile, salue la mémoire d’« un homme de culture profondément engagé, de conviction, un pont entre cultures et mémoires ».

C'est une très grande perte pour la culture guadeloupéenne. Mais au-delà de la Guadeloupe, Jacques Martial était un homme de culture, un homme de théâtre, un homme qui évoluait dans un domaine qu'il connaissait très bien. On se souvient de son passage au MACTe et de ses œuvres. Jacques Martial dépasse la Guadeloupe du point de vue de son talent et de tout ce qu'il a pu apporter à la culture antillaise. C'est vraiment une perte énorme. Il y a à peine un mois et demi, je l'ai croisé au ministère des Outres-mer et nous avons échangé. C'était un homme d'ouverture et qui n'hésitait pas à partager sa passion avec les autres. Je pense que la Guadeloupe a perdu un homme de talent.

 

Georges Brédent

Georges Brédent, élu à la culture de Pointe-à-Pitre et président du conseil d’administration du MACTe de 2016 à 2020, a collaboré avec Jacques Martial lorsqu’il était président du Mémorial ACTe. Durant toutes ces années, ils ont mené ensemble de nombreuses initiatives artistiques, culturelles et patrimoniales.

C’est un grand comédien qui nous quitte, un homme de théâtre, de cinéma… Un acteur culturel majeur de la Guadeloupe et des Outre-mer. Il s’est beaucoup battu pour la reconnaissance des minorités visibles. Au MACTe, nous avons collaboré pour faire valoir cet établissement, le rendre visible à travers le monde. Je me souviens d’une mission que nous avons menée en Afrique de l’Ouest, au Togo, au Bénin et au Ghana. Elle nous a permis de parler du MACTe de manière très convaincante et d’y faire venir le modèle noir dans la peinture, en partenariat avec le musée d’Orsay. Cette exposition a été un des grands succès du MACTe, elle a même dû être prolongée à la demande des visiteurs, des Guadeloupéens et des Caribéens qui affluaient. C’était un homme d’engagement, de conviction, qui avait sa personnalité, son caractère. C’était un militant de la culture et du développement de la culture antillaise en Guadeloupe, dans la Caraïbe et aussi dans l’Hexagone. Son décès nous attriste profondément. Je présente mes condoléances à toute sa famille. A sa sœur Josette en particulier, que je connais très bien. Et aussi à tous les acteurs culturels guadeloupéens et antillais.

 

Isabelle Vestris

Isabelle Vestris, la nouvelle directrice générale du MACTe, explique que c’est avec une profonde émotion que les équipes du Mémorial ACTe, le président du conseil d'administration, l'ensemble des administrateurs et elle-même ont appris le décès de Jacques Martial, qui fut président du Mémorial ACTe de 2015 à 2020.

Jacques Martial a marqué de son empreinte la vie culturelle et mémorielle de notre institution. Par sa vision, sa sensibilité et sa détermination, il a œuvré à renforcer le rayonnement du Mémorial ACTe, en portant haut les valeurs de transmission, de partage et de dialogue entre les peuples. Sous sa présidence, le Mémorial ACTe a consolidé son rôle d'espace majeur consacré à l'histoire de l'esclavage et des traites, tout en affirmant sa place dans le paysage culturel caribéen, national et international. Son humanité et son sens profond de la mémoire ont inspiré chacun d'entre nous. A l'initiative de nombreux projets ambitieux, son mandat au Mémorial ACTe a été marqué notamment par l'exposition « Le Modèle Noir » dont il fût l'un des artisans et commissaire. Il a laissé une trace indélébile au Mémorial ACTe dans les esprits des équipes et dans l'histoire de l'institution. Il nous avait honoré de sa présence et de son amitié en février dernier pour un hommage à Maryse Condé et m'avait confié retrouver avec bonheur l'âme du Mémorial ACTe. Nous perdons un ami et un mentor.

 

Béatrice Bellay

La députée de la Martinique garde de Jacques Martial l’image d’un homme généreux de son temps et de ses idées, fidèle à ses engagements et à ses amitiés.

Homme d’une vaste culture, Jacques Martial savait transmettre son savoir sans jamais l’imposer. Son érudition se mêlait à une personnalité truculente, pleine d’humour et d’humanité. Il parlait avec la même passion de théâtre, de cinéma, de politique ou de la vie quotidienne. Et chacun repartait de ses conversations avec quelque chose à méditer. Attaché aux Pays des océan dits des Outre-mer, il en connaissait les richesses comme les défis et n’a cessé, tout au long de sa vie, de les défendre et de les mettre en valeur. Il en a fait son combat, aux côtés de la maire de Paris, où il a œuvré avec conviction pour que nos cultures, nos histoires et nos enjeux soient mieux connus et reconnus. Face à la maladie, Jacques a fait preuve d’une force remarquable. Il a affronté cette épreuve avec dignité, courage et lucidité, sans jamais perdre son goût pour les échanges et son attention aux autres.

 

Xavier Lefort

Le préfet de la région Guadeloupe exprime sa profonde tristesse à l’annonce du décès de Jacques Martial, survenu ce mercredi (13 août).

Acteur, metteur en scène, homme de culture et de convictions, Jacques Martial a marqué de son empreinte la scène artistique française, tout en portant haut les valeurs de justice, d’égalité et de mémoire. Son rôle emblématique dans la série Navarro, sa voix reconnaissable entre toutes, et son engagement dans le théâtre et le cinéma ont fait de lui une figure familière et respectée du grand public. Mais au-delà de l’artiste, c’est l’homme engagé que la Guadeloupe pleure aujourd’hui. Président du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre de 2015 à 2020, Jacques Martial a œuvré sans relâche pour faire vivre la mémoire de l’esclavage et valoriser les cultures ultramarines. Il a su faire dialoguer les arts et l’histoire, avec une sensibilité rare et une exigence constante. Adjoint à la maire de Paris chargé des Outre-mer depuis 2022, il a porté avec force les voix des territoires ultramarins dans la capitale, contribuant à leur visibilité dans l’espace public et à leur reconnaissance dans le récit national. Jacques Martial a été fait chevalier de la Légion d'honneur en 2006, une décoration qui est venue récompenser ses 29 années d'activités artistiques. Il a été ensuite promu au grade d'officier de l'ordre des Arts et des Lettres en 2015. La Guadeloupe perd aujourd’hui l’un de ses plus fervents ambassadeurs.

 

Ary Chalus

Le président de Région salue la mémoire d’un humaniste engagé.

Un grand Guadeloupéen, une figure marquante de la culture, du théâtre, du cinéma, et un citoyen engagé, s'en est allé après un courageux combat contre la maladie. Jacques Martial était bien plus qu’un acteur reconnu, c'était un homme aux multiples facettes et un ardent défenseur de la mémoire et de la culture. Sa voix, que l'on connaissait tous pour avoir doublé de grands acteurs tels que Denzel Washington, a porté des messages puissants, notamment son combat pour la dignité humaine, la lutte contre le racisme et toutes les formes de discriminations. Il a consacré sa vie à l'art et à l'humanisme, et a œuvré sans relâche pour une meilleure représentation des artistes noirs sur la scène culturelle française. Sur les planches, il a incarné avec une intensité rare les plus grands auteurs, de Racine à Aimé Césaire, dont il a porté l’œuvre magistrale « Cahier d’un retour au pays natal » à travers le monde. A la tête du Mémorial ACTe de 2015 à 2020. Il a su faire de ce lieu emblématique un espace vibrant de création et de mémoire, honorant l'histoire de la traite négrière et de l'esclavage. Son travail sur des expositions comme « Le Modèle Noir » avec le concours de la Région Guadeloupe et en collaboration étroite avec les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris, et en partenariat avec la Miriam et Ira D. Wallach Art Gallery, New York a permis de mettre en lumière la contribution des personnalités noires à l'histoire de l'art occidental, un sujet trop souvent ignoré. Visionnaire, il a toujours défendu la place des Outre-mer, qu'il considérait comme « le bout de la France », des fenêtres ouvertes sur le monde. Son héritage, tant artistique que politique, restera une source d'inspiration pour tous ceux qui aspirent à une société plus juste et fraternelle, où l’histoire est regardée avec courage et où les racines sont célébrées.


Tags

À lire également