La 38ème conférence du CARICOM : le CSME à la croisée des chemins
Le CSME (Caribbean Single Market and Economie) s’est imposée comme l’un des sujets majeurs de la 38ème conférence du CARICOM, mardi soir à St George’s (Grenade). Plusieurs orateurs ont pointé du doigt une belle initiative aujourd’hui en panne et qu’il faut relancer sous peine de la voir disparaître.
Le CSME, ce beau projet d’intégration caribéenne lancé par les chefs de gouvernement du CARICOM en 1989 à Grand Anse (Grenade), serait-il à la croisée des chemins ? A l’arrêt, voire en voie de disparition ?
Dès l’ouverture des travaux mercredi matin (5 juillet 2017) au Radisson Grenada Beach Resort, le premier ministre de Trinidad and Tobago Keith Rowley a en quelque sorte remis le couvert. Et il n’est pas allé avec le dos de la cuillère appelant ses collègues à cesser de parler et à agir (« Less talk, More action).
«J'ai l'impression, a-t-il dit en substance, que tout ce que nous sommes prêts à faire est de parler de cette question sans fin".
Usant ensuite d’une métaphore médicale,
« nous ne pouvons pas nous attendre à obtenir les médicaments fassent de l’effet si nous refusons de prendre ces médicaments » a-t-il lancé.
Il a proposé la tenue d’une réunion extraordinaire, dont le principe a été accepté, essentiellement consacrée au sort du CSME.
Une réunion spécifique sur la relance du CSME qui débouche sur du concret. Une réunion qui décide si l’on continue sur la voie d’une intégration régionale économique plus large entre les Etats du CARICOM où si on arrête les frais.
Non sans mettre en garde les chefs de gouvernement présents contre toute idée de pause dans le processus d’intégration. Keith Rowley a prévenu. Ce serait dangereux pour le développement et le progrès de la Région.
Le meilleur outil pour une croissance durable dans la Région
Il est vrai que beaucoup de questions restent en suspens sur la poursuite de cette large intégration économique. Si plusieurs chefs de gouvernement ont réaffirmé mercredi leur engagement à poursuivre dans cette voie, ils n’ont pas caché qu’il existait de vrais obstacles.
Une clarification du statut des nouveaux membres comme Haïti, Montserrat et les Bahamas s’avère nécessaire. Il en est de même pour la notion de ressortissant du CARICOM qui doit faire l’objet d’un réexamen.
Pourtant, la veille au Centre d’Affaires de Grenade, lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence, le secrétaire général de l’organisation l’ambassadeur Irwin LaRocque s’était fait le défenseur du marché économique unique caribéen comme la meilleure voie et le meilleur outil pour atteindre une croissance durable dans la Région.
Selon lui, il faut encourager le secteur privé à utiliser toutes les possibilités offertes par le CSME.
« Nous devons garantir à ce secteur économique un environnement plus favorable. (Car) faciliter le commerce et les affaires au niveau régional est au moins aussi important que les incitations fiscales.
Nous devons apporter une réponse aux questions liées aux marchés publics, à l'harmonisation des règles et règlements douaniers et à l’harmonisation transparentes des mesures sanitaires et phytosanitaires ».
Citant un rapport de la banque inter-américaine de développement, le secrétaire général Irwin LaRocque a souligné les bénéfices que l’économie de la Région pourrait tirer d’une relance de l’intégration régionale.
Le commerce interrégional pourrait être doublé en réglant l’épineuse question des transports. Et la compétitivité, le commerce extérieur et la capacité des États membres à attirer des investisseurs s’en trouveraient renforcer.
De même, un nouvel accord aérien multilatéral au sein du CARICOM devrait se traduire par une réduction des tarifs de fret et des billets d’avion et par un accroissement du transport aérien avec de meilleures opportunités de voyage et des ouvertures pour le tourisme interrégional.
Un chemin encore long à parcourir
Ces perspectives encourageantes ne doivent néanmoins pas faire oublier les réalités du terrain… Keith Mitchell, le premier ministre de Grenade les a mises en évidence dans son discours d’ouverture mardi soir.
Le chef du gouvernement de l’île de Grenade s’est dit convaincu que la tâche la plus difficile était de concilier la volonté d’intégration souhaitée par les gouvernements et les exigences et le scepticisme de leurs peuples.
« Je suis sûr, a-t-il dit, que nous comprenons tous comment, cinquante deux ans après, nos électeurs sont devenus sceptiques, quand ils constatent qu’après avoir fait des efforts pour respecter les exigences du Traité, ils ne peuvent pas exporter vers leurs propres pays voisins, le canard du Suriname ou le miel de Grenade. Le même miel est exporté aux États-Unis et en Europe où il a remporté plusieurs prix internationaux pour sa qualité.
Ces actions diminuent les gains attendus de nos efforts d'intégration, à tel point que l’on dit, à propos du CARICOM que «le commerce intra-régional est entravé par des barrières non tarifaires qui affectent notre compétitivité mondiale».
Le premier ministre de Grenade a néanmoins conclu par des paroles d’optimisme. Il a appelé ses collègues chefs de gouvernement à renouer avec l’esprit de la déclaration de Grand Anse et les expériences collectives des 28 dernières années pour reconsidérer leur approche de l’environnement dans laquelle le CARICOM doit poursuivre les idéaux du CSME.