[SÉRIE 5/5] 20 ans après le crash de la West Caribbean : guérir même 20 ans après

Il est à peine 1 heure du matin en Martinique, le 16 août 2005, lorsque le vol 708 de la West Caribbean explose au sol après une chute de 10 000 mètres. Dans les heures qui suivent, l'île est d'abord frappée de sidération puis plonge dans un long deuil collectif.

Des familles entières sont décimées par le crash de ce vol qui ramenait 152 Martiniquais d'un séjour de vacances au Panama. 8 membres d'équipages colombiens perdent la vie également.

Depuis, le combat judiciaire, les cérémonies d’hommage, les stèles, les discours se sont égrenés. Des moments et des symboles qui participent à la construction du deuil mais qui ne sont souvent pas suffisants.

Pour affronter un tel choc, un appui est souvent nécessaire. Le dernier volet de notre série spéciale consacrée au triste 20e anniversaire de cette catastrophe aérienne se penche l'accompagnement psychologique aux victimes d'un tel traumatisme.

Espoir et reconstruction

C’est une autre étape du chemin : prendre soin de soi, même longtemps après. Le psychiatre Docteur Alex Bottius était l'un des premiers soignants à arriver à l'aéroport lorsque la catastrophe a été annoncée aux familles.

20 ans après, il évoque la nécessité de se faire accompagner, et de trouver, même tardivement, un chemin vers une mémoire vivable.

Ces soins participent à une démarche d’espoir et de reconstruction qui appelle à ne pas laisser la douleur s’installer.

Moi, ce que je dirais à l'occasion de ce 20ᵉ anniversaire, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour prendre en charge les personnes. Celles qui ont le sentiment d'être accablées de douleurs, de souffrances dont le deuil n'est pas fait, il faut qu'elles se fassent connaître auprès des centres médico-psychologiques, qu'elles demandent de l'aide. L'expérience de ce deuil-là, c'est un crash aérien qui touche des personnes de manière subite, brutale, des gens qui étaient partis en vacances, associés à une image de gaieté et de joie, brutalement plongés dans la mort

Les circonstances d'une telle expérience démultiplient son impact sur ceux qui la vivent

Les personnes qui avaient de la famille, ils sont passés de la joie à une tristesse profonde. C'est comme si on est pris en traitre. On est extrêmement ébranlé du fait de n'avoir pas été préparé, d'avoir mis en place des mécanismes pour amortir. Des deuils multiples à faire. Généralement, on perd un membre de sa famille, c'est déjà une expérience douloureuse qu'on surmonte avec les moyens que l'on a. Là, l'expérience est démultipliée

Un élément pèse lourdement dans le deuil des proches des victimes du crash du 16 août 2005. Au regard de la violence de l'accident, les familles n'ont jamais pu voir les corps des défunts.

Ce qui peut expliquer, en plus du profond sentiment d'injustice lié à l'absence de procès, que de nombreuses blessures soient encore ouvertes.

Ecoutez l'entretien accordé par le docteur Alex Bottius à Erika Govindoorazoo :

Série spéciale

Chaque matin retrouvez l'extrait de l'entretien du jour dans le journal de 7 heures puis un sujet long format dans le journal de 13 heures.

Épisode 1 – Simone Joachim Arnaud, la vie avec l’absence (lundi 11 août 2025)

Vingt ans après avoir perdu neuf proches, dont son fils, Simone a créé un monde rien qu’à elle pour continuer à lui parler chaque jour, un monde que personne ne peut lui voler. Un témoignage bouleversant sur l’amour qui traverse le temps.

Épisode 2 – Alain-Claude Lagier, les hibiscus de maman (12 août 2025)

Alain-Claude et ses deux frères avaient offert un voyage au Panama à leur mère. Elle ne reviendra jamais. Aujourd’hui, ce sont les fleurs de son jardin qui portent sa mémoire.

Épisode 3 – Clarisse, orpheline à 16 ans (13 août 2025)

Elle a perdu ses deux parents dans le crash. Aujourd’hui elle arrive au terme de sa quatrième grossesse et elle redoute que la date fatidique du 16 août s’invite dans sa maternité.

Épisode 4 – 20 ans de combat judiciaire (14 août 2025)

Trois non-lieux. Pas de procès. Mais l’AVCA et ses avocats refusent d’abandonner. Direction la Cour européenne des droits de l’homme pour prouver que leurs droits ont été bafoués.

Épisode 5 – Guérir, même après 20 ans (15 août 2025)

Pour le Dr Alex Bottius, psychiatre, il n’est jamais trop tard pour demander de l’aide. Parce que la douleur peut s’alléger, et la vie reprendre.

Exposition et conférence

Tout le mois d'août, une exposition à l'initiative de l'AVAC, consacrée aux 20 ans du crash de Maracaïbo, est visible à la bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France.

Ce vendredi 15 août, l’AVCA organise une conférence exceptionnelle avec Jacques Iztueta, expert aéronautique, à la Médiathèque du Lamentin. L’occasion de revenir sur les circonstances de ce drame et de partager avec le public les avancées du combat judiciaire.