Affaire des « viols de Mazan » : « avec la publicité des débats, la honte doit changer de camp »

Par 07/10/2024 - 17:36

L'affaire des « viols de Mazan » fait écho en Martinique, alors qu'une nouvelle session d'Assises s'ouvre, avec notamment deux affaires de viol, dont une affaire de viol sur concubin. Ce qui marque, c'est la publicité des débats. Me Catherine Carderot explique en quoi cela peut être important pour marquer les esprits.

    Affaire des « viols de Mazan » : « avec la publicité des débats, la honte doit changer de camp »

C’est une affaire judiciaire qui choque tout le monde dans l’Hexagone et jusqu’en Martinique. Il s’agit de l’affaire dite des « viols de Mazan ».

Au cœur de ce procès hors normes, une victime, Gisèle Pélicot, a été droguée par son mari puis abusée par une cinquantaine d’hommes. Une affaire emblématique qui pourrait avoir un impact sur la perception de ces faits de violences et agressions sexuelles, notamment intra-familiales.

Une affaire qui fait aussi écho en Martinique, alors que s’ouvre une nouvelle session d’Assises, avec deux affaires d'assassinat, mais aussi deux affaires de viol, dont une affaire de viol sur concubin.

Ce qui frappe dans le traitement de cette affaire dite des « viols de Mazan », c’est la publicité des débats, peu habituelle pour ce type de faits, comme le reconnaît Me Catherine Carderot, avocate, invitée de la rédaction de RCI, habituée à plaider dans ce type de dossiers.

La publicité des débats n'est pas commune. On peut saluer le courage de Gisèle Pélicot d'avoir accepté que les débats soient publics. Très souvent, les victimes, par honte, honte qu'elles ne devraient pas avoir, mais honte qu'elles ont malheureusement toujours, ne veulent pas qu'il y ait ni médias, ni personnes du public pour assister à ce qu'elles ont vécu, parce qu'il faut qu'elles rentrent dans les détails, il faut qu'elles expliquent souvent pendant de nombreuses heures ce qu'elles ont vécu. Et pourtant, elles n'acceptent pas ce huis clos.

« La honte doit changer de camp »

Pour Me Carderot, « la honte doit changer de camp » : « il faut qu’on sache ce qu’ont fait ces agresseurs et ces violeurs, comment ils l'ont fait et quels sont leurs arguments pour justifier ou en tout cas expliquer ces actes pour lesquels ils sont poursuivis ».

En Martinique, de très nombreuses affaires de viol, d'inceste ou de viol sur le concubin sont jugées chaque année aux Assises. Mais la très grande majorité se passe à huis clos. 

Donc il n'y a pas de publicité, on ne peut pas beaucoup en parler 

Pour l’avocate, cette publicité restreinte peut aussi contribuer à minimiser les affaires de viols ou d’agressions sexuelles sous nos latitudes.

Très souvent, les personnes disent : « Mais non, mais ça, c'était avant. On est en 2024, il n'y a pas ce genre d'affaires-là encore. On en parle trop. Détrompez-vous. Il y a toujours des victimes, il y a toujours des enfants qui sont victimes de leur père, de leur beau-père, de leur oncle, de leur mère, quelquefois aussi. Et il y a toujours aussi des affaires de viol par concubin ».

Au cours du procès de ses agresseurs, Gisèle Pélicot a expliqué comprendre pourquoi beaucoup de femmes n’osent pas porter plainte après une agression ou un viol

Une posture que Me Carderot constate, elle aussi, très souvent.

Le parcours d'une victime de viol est très long, très lourd. Il faut qu'elle soit très entourée, parce qu'effectivement, au moment du procès, elle est quasiment considérée comme la coupable et elle peut rester très longtemps à devoir répondre à des questions pour justifier, par exemple, pourquoi elle n'a pas crié, pourquoi elle n'a pas fait ci, pourquoi elle n'a pas fait ça. Donc c'est vraiment quelque chose de difficile, mais ça vaut le coup d'aller jusqu'au bout pour que les violeurs soient sanctionnés.

À ÉCOUTER L’entretien complet avec Catherine Carderot, recueilli par Cédric Catan


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