Chlordécone : « Il n’y a pas de prescription car l'infraction s'est prolongée dans le temps » (Louis Boutrin)
L'avocat de l'association Écologie Urbaine, Louis Boutrin, a porté plainte dès 2007 dans le dossier de l’empoisonnement au chlordécone aux Antilles. Il explique pourquoi, selon lui, il ne peut y avoir de non-lieu.
L’appel du non-lieu rendu par les juges d’instruction dans le dossier du chlordécone est audience le 10 juin prochain. C’est la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris qui aura la charge d’examiner ce dossier.
Cette semaine, le parquet général a fait savoir le sens de ses réquisitions. Pour lui, il y a lieu de confirmer en tous points l’ordonnance rendue le 2 janvier 2023.
16 mois plus tard, 17 ans après l’ouverture d’une information judiciaire, cette annonce n’est pas une surprise. Mais, pour de nombreuses parties civiles, la justice fait durer les choses volontairement.
C’est ce que pense Louis Boutrin. L'avocat de l'association Ecologie Urbaine, présidée depuis 2012 par Genya Jos, a été, en 2007, le premier à déposer plainte en Martinique au nom de l'association, avec l’Assaupamar. Un an plus tôt, la première plainte émanait de la Guadeloupe.
L’autorité judiciaire ruse avec ses propres lois. Nous avons fait appel de l’ordonnance de non-lieu dans les délais et ce n’est que maintenant que le procureur général informe qu’il y aura une audience. Nous ne sommes même pas sûrs d’avoir gain de cause
Selon lui, l’instruction, malgré les nombreuses années, a été survolée : « il n’y a jamais eu de mise en examen dans ce dossier, les juges d’instruction ne sont jamais venus aux Antilles, où 95% de la population est contaminée ».
Comme lors de l'instruction judiciaire, il conteste la prescription telle qu’elle est avancée par la justice. « Et pour cause : nous sommes face à une infraction qui s’est prolongée dans le temps depuis l’autorisation de mise sur le marché du produit en 1972 alors que, déjà, il y avait déjà des rapports scientifiques évoquant la toxicité du chlordécone et que la commission des toxiques avait donné un avis défavorable ».
« Dans un dialogue de sourds »
Pour lui, l’infraction a continué après 1993 -date officielle du retrait du marché ».
Des stocks ont été retrouvés dans des hangars à bananes jusqu’en 2007, comme l’attestent des procès-verbaux de la DGCCRF (l’ex Répression des Fraudes). La prescription est fixée de façon arbitraire. Nous sommes dans un dialogue de sourds, nous avons proposé des témoins, des ouvriers agricoles, des manutentionnaires qui vendaient des sacs de chlordécone chez les békés. Leurs plaintes ont été écartées
Depuis l’ordonnance de non-lieu rendue début 2023 par deux juges d’instruction parisiennes, environ 850 personnes se sont constituées parties civiles en Martinique et regroupées, sous l’impulsion de différents collectifs. « On espère arriver à 1000 d’ici juin », assure un membre du Gaoulé Kont Chlordécone.
Selon Raphaël Constant pourtant, l’un des avocats des parties civiles, l’audience du 10 juin pourrait être une simple audience de fixation, compte tenu de l’ampleur du dossier et du nombre de parties civiles (une douzaine).
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