Kareen Guiock-Thuram :  "Cette distinction, c’est un clin d’œil, pas un aboutissement"

RCI : Que représente pour vous cette distinction nationale ?

Kareen Guiock-Thuram : C’est évidemment très émouvant. Je suis profondément touchée qu’on ait pensé à moi. Rien que ça, déjà : que l’on ait regardé mon parcours et que l’on ait estimé qu’il faisait sens. Cette distinction, c’est d’abord cela qui m’émeut.

On avance dans la vie, on travaille, on fait de son mieux. Et puis, un jour, de l’extérieur, des gens observent votre chemin et se disent : « Ah, c’est pas mal, ça peut représenter quelque chose, ça peut inspirer. » C’est cette reconnaissance-là qui me bouleverse.

Justement, ce rôle d’être une source d’inspiration pour les femmes, et notamment les femmes guadeloupéennes, c’est un message fort ?

Oui, bien sûr. Mais je crois que nous avons toutes ce rôle-là, les unes envers les autres. Moi, je suis très inspirée par ma mère, par ma belle-mère, par plusieurs de mes amies… et bien sûr aussi par des figures publiques.

Ce qui m’inspire le plus, ce sont les gens qui font des choix et qui les assument avec droiture et détermination. Si je peux, à mon tour, inspirer d’autres personnes, alors j’en suis extrêmement heureuse. Mais cela reste quelque chose d’humble, de simple : c’est un relais que l’on se transmet.

Comment considérez-vous cette promotion de chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur ? Est-ce un aboutissement ou une étape ?

Ni l’un ni l’autre, en vérité. C’est avant tout une surprise. Vous savez, on ne vous prévient pas. J’ai appris la nouvelle parce que mon mari, qui n’était pas à Paris ce jour-là, m’a appelée le matin pour me dire : « Félicitations ! » Quelqu’un qui avait lu le décret l’avait contacté. Donc on découvre cela un peu comme tout le monde, dans la presse.

Pour moi, cette distinction, c’est un clin d’œil. C’est l’idée qu’on observe ce que vous faites et qu’on considère que cela a de la valeur. Mais cela n’a rien d’un aboutissement. Il ne faut jamais penser qu’on est arrivé. Il ne faut jamais se satisfaire de ce qu’on a accompli, car cela n’a pas de sens. Il faut continuer à avancer, à se développer, à grandir, à s’améliorer, à travailler. Une récompense, quelle qu’elle soit, ne doit jamais marquer une fin.

Vous évoquiez les femmes inspirantes. Dans votre promotion, on retrouve notamment Gisèle Pélicot, symbole fort du procès de Mazan. Quel regard portez-vous sur sa distinction ?

Gisèle Pélicot, c’est bien plus qu’une femme forte. Elle incarne un combat absolu : un combat pour la dignité, pour l’humanité. Elle est le témoignage d’une époque d’une violence inouïe, où certains hommes ont cru pouvoir s’arroger une forme de propriété sur le corps des femmes.

Elle représente quelque chose de très grand et de profondément universel. Qu’elle soit honorée, c’est la moindre des choses. Ce qui est terrible, c’est qu’il ait fallu qu’elle vive ce qu’elle a vécu. Qu’elle ait eu à traverser cela, comme tant d’autres femmes, est inimaginable. Aucun mot n’est assez fort.

Quels sont les mots que vous aimeriez adresser aux jeunes femmes guadeloupéennes qui vous écoutent ?

Ce que je veux dire d’abord, c’est que je suis extraordinairement fière d’être guadeloupéenne. Je crois qu’on ne mesure pas à quel point nous venons de loin, d’une histoire lourde. Et pourtant, nous continuons à honorer la vie, à avancer, à célébrer.

Je suis fière de nous, fière de ces femmes guadeloupéennes qui portent cette énergie de vie, de joie, d’espoir. J’ai une confiance absolue en elles. Les femmes de Guadeloupe sont belles, grandes, brillantes, intelligentes. Elles le prouvent chaque jour.

Mon message, c’est : continuez. Continuez à avancer, à créer, à croire en vous. Et ne laissez personne vous faire douter de votre force.