Airbags défectueux : les victimes réclament justice
Les victimes et proches de victimes d’accidents de la route dans lesquels des airbags défectueux seraient impliqués attendent beaucoup de l’instruction judiciaire annoncée par le procureur général ce mardi. Plusieurs d’entre eux ont décidé d’entamer une action collective et tiennent aujourd’hui à témoigner des drames personnels qu’ils ont vécus.
Ce mardi 26 juin 2023, le procureur général Eric Maurel a déclaré à RCI Guadeloupe que la justice s’emparait du dossier des airbags défectueux. Plusieurs procédures menées par le parquet de Pointe-à-Pitre et celui de Basse-Terre sont en cours.
Cette instruction judiciaire de grande ampleur était réclamée par les victimes d’accidents dans lesquels ces matériels défectueux seraient impliqués.
Six familles ont ainsi choisi de s’unir dans un combat qu’ils devinent de longue haleine. Des victimes et proches de victimes ont décidé d’entamer une action collective en justice pour obtenir la lumière sur les drames qu’ils ont vécus.
Entre 2020 et 2023, ces familles ont vu leur vie basculer à la suite d’un accident de la route.
Dans chacun de ces drames, un même modèle de véhicule serait impliqué selon elles : un ancien modèle de C3 de la marque Citroën. Sollicités, le constructeur et le concessionnaire n'ont pas répondu pour le moment.
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D’après ces familles, ces destins funestes auraient pu être évités si les pouvoirs publics et toute la chaine du secteur automobile, des constructeurs aux assureurs en passant par les services de contrôles des véhicules, avaient pris la mesure de la dangerosité de ces voitures dotées d’airbags défectueux encore en circulation en Guadeloupe.
Depuis le 22 mai 2022, Marie-Denise Joseph Lockel vit avec la douleur et un grand sentiment de culpabilité. Celle d’avoir prêté son véhicule à sa fille pour aller faire une course. Un déplacement qui devait être rapide et qui s’est avéré mortel pour la jeune femme de 26 ans.
Simona Joseph Lockel circulait sur la route de l’Alliance quand l’airbag de son véhicule se serait déclenché, projetant violemment un projectile dans son thorax.
« Elle était consciente mais perdait beaucoup de sang »
Ce jour-là, malheureusement, les secours mobilisés sur plusieurs interventions, ont tardé à venir.
Contactée par sa fille qui était consciente dans son véhicule accidenté, la mère s’est rendu rapidement sur les lieux, a patienté avec elle et l’a soutenue jusqu’à leur arrivée.
Prise en charge et conduite au CHU, la jeune femme a malheureusement succombé à ses blessures le lendemain.
Rien ne lui rendra désormais son enfant mais aujourd’hui, Marie-Denise Joseph Lockel veut des réponses. Elle dit n’avoir jamais reçu de courriers dans le cadre des campagnes de rappel mises en place par le constructeur automobile.
La douleur est également encore très vivace pour Murielle et Bruno Guérin. Cela fait moins de deux mois qu’ils ont perdu leur fils dans un accident de la route. Le jeune homme qui avait grandi en Guadeloupe, était rentré depuis peu et souhaitait faire découvrir son archipel à sa compagne.
Le 16 mai dernier, la vie de Tristan, 26 ans, s’est brutalement interrompue sur la route de la Riviera au Gosier. Le jeune homme serait décédé sur le coup. Les premières conclusions de l’enquête évoquent un projectile qui l’aurait atteint au niveau de l’œil.
« On ne reconnait pas son enfant »
Compte tenu de l’état du corps de leur fils, Murielle et Bruno Guérin ont dû attendre les obsèques avant de pouvoir voir leur enfant. Un corps mutilé que la mère dit ne pas reconnaitre.
Interpellés par les conclusions du rapport d’autopsie, ils entament des recherches et découvrent le scandale des airbags défectueux Takata. Ils sont alors contactés par d’autres victimes, des personnes qui présentent de graves traumatismes comme des paralysies du bras ou des mâchoires fracturées. Des proches de personnes décédées dans des conditions similaires à celles de l’accident de leur fils les approchent également.
Le 12 juin dernier, Murielle et Bruno Guérin ont lancé une pétition en ligne sur le site change.org. A ce jour, elle recueille plus de 1000 signatures. Le couple souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics sur la problématique des véhicules dotés d’airbags défectueux encore en circulation et leur dangerosité pour la population.
A ECOUTER Le témoignage de Murielle Guérin
Ils ont porté plainte contre X et attendent les conclusions de l’expertise.
Au-delà de la douleur, les parents ressentent une immense colère contre les institutions et contre la lenteur des procédures. Ils sont inquiets pour tous ceux qui circulent encore à bord de véhicules non contrôlés et dont la vie pourrait, comme pour leur fils, brutalement s’arrêter.
Ils ne peuvent plus rien pour leur fils mais, selon Bruno Guérin, contrairement aux victimes grièvement blessées qui doivent trouver la force de se reconstruire, le couple peut désormais investir son énergie dans ce combat contre les airbags défectueux.
« J'ai été sauvée par ma fille de 8 ans »
Raissa Lancrerot, elle, a survécu à son accident mais aujourd’hui, elle porte les stigmates physiques et psychologiques de la nuit d’horreur qu’elle a vécue.
Malgré l’émotion que provoque l’évocation de ces terribles souvenirs, elle tient à témoigner.
La vie de Raissa Lancrerot a basculé le 24 octobre 2021 à une intersection à Pointe d’Or aux Abymes. Ce jour-là, alors qu’elle circule avec sa nièce et sa fille de 8 ans à bord, sa voiture est percutée par un autre véhicule. Elle entend alors une immense déflagration. Raissa ne le sait pas encore mais elle est grièvement blessée. Elle a en effet reçu un projectile dans le visage qui lui a arraché une partie de la mâchoire. Sa petite fille, bien qu’elle-même en état de choc, descend interpeller les passants pour demander de l’aide.
S’entame alors un long parcours du combattant. Après une première intervention au CHU dans la nuit, la jeune femme de 33 ans est transférée en urgence vers l’Hexagone où elle subira plusieurs opérations chirurgicales pour reconstituer son visage. Aujourd’hui, Raissa a pu regagner la Guadeloupe et retrouver sa famille mais son quotidien est désormais jalonné de soins. Son visage porte irrémédiablement les traces du drame et elle a perdu une partie de son audition. Il faut se reconstruire physiquement et psychologiquement.
La jeune femme a le soutien de son compagnon et de ses proches mais elle ne peut plus exercer son métier et doit faire face à des difficultés financières. Sa fille qui a aujourd’hui 10 ans, garde elle aussi les séquelles de ce drame. Comme les autres victimes, Raissa réclame justice.
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Les six victimes et proches de victimes ont porté plainte. Représentées par le cabinet d’avocats Coppet, spécialisé en droit du dommage corporel, les familles espèrent que leur combat sera entendu et que leurs tragédies personnelles serviront à protéger d’autres.
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