Patrick Chamoiseau plaide en faveur d’une « citoyenneté transnationale » dans les Caraïbes

Par 09/09/2024 - 13:40

« Caraïbes : pour une citoyenneté transnationale », c’est l’intitulé de la tribune publiée le 3e septembre par l’écrivain Patrick Chamoiseau dans le journal « Le nouvel Obs ». L’écrivain martiniquais propose de donner une citoyenneté transnationale caribéenne aux peuples Kalinagos et Arawaks.

    Patrick Chamoiseau plaide en faveur d’une « citoyenneté transnationale » dans les Caraïbes
Patrick Chamoiseau

Une citoyenneté transnationale aux Kalinagos et Arawaks « afin de les reconnaître comme fils aînés de l’archipel », c’est la proposition de Patrick Chamoiseau. Dans sa réflexion l’auteur de « Texaco » nous invite à repenser les relations et interactions avec les îles voisines de la Caraïbe. Dans un entretien accordé à la rédaction, il développe ses arguments à travers trois volets.

Repenser les relations

Dans un premier temps, Patrick Chamoiseau évoque la notion de « nation/relation » entre les îles de la Caraïbe. « Nous, du pays Martinique, avons encore à nous débarrasser des vyé zombis mentaux qui nous lient aux abrutissements de l’outremer français », peut-on lire dans sa tribune.

La difficulté qu'on a, c'est que nous, dans nos pays, ce qu'on appelle l'Outre-mer, nous n'avons pas réussi à prendre le train de la décolonisation. Nous nous retrouvons dans une situation du monde qui est très particulière, où les vieilles notions d'indépendance ou de nation ou d'État-nation tel qu'ils ont été transmis par l'Occident, toutes ces notions-là ne fonctionnent pas très bien. Glissant nous a expliqué que le monde a fait tout le monde, c'est-à-dire que le monde est devenu une sorte de vortex relationnel avec des interactions très puissantes entre les cultures, les civilisations et les individus. Ces interactions très puissantes constituent ce qu'il appelle la relation.

Ainsi pour Patrick Chamoiseau, il faut penser un modèle de relation plus horizontale qu’il appelle « nation-relation ».

C'est une réflexion que nous avons tous à mener en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, tous ceux qui s'intéressent à une nouvelle présence collective dans le monde nouveau. 

La libre circulation

Patrick Chamoiseau évoque ensuite le mode de vie des peuples amérindiens et la libre circulation des personnes entre les îles.

Il nous faut trouver de nouveaux systèmes de relations, de nouveaux liens, de nouvelles trames qui pourraient réunir ces pays qui, apparemment, sont complètement divisés, complètement éparpillés. Cette notion de citoyenneté transnationale pour les Amérindiens est fondamentale, parce que ce qui est intéressant chez les Amérindiens, Kalinagos et Arawaks, les Taïnos, c'est qu'ils vivaient la Caraïbe de manière complètement organique. La notion d'insularité va apparaître avec les colonialistes qui vont débarquer, qui vont planter leur drapeau. Et là, on aura les îles anglaises, les îles portugaises, les îles espagnoles, etc. Alors que les Caraïbes ne connaissaient qu'une continuité de terre, de mer, de ciel, de vent.

Ils avaient un imaginaire complètement caribéen. Et cet imaginaire-là, nous en avons besoin aujourd'hui.

Selon lui, il faut donc construire une « nouvelle Caraïbe » et permettre à ces peuples de « retrouver une circulation totale entre toutes les villes, entre toutes les nations et entre toutes les langues qui constituent aujourd'hui la diversité caribéenne. Ça me paraît quelque chose d'élémentaire ».

La culture caribéenne

Enfin, Patrick Chamoiseau évoque l’idée d’une nouvelle entité régionale inédite à l’échelle de la Caraïbe.

Toutes ces notions CARICOM, enfin, toutes ces organisations auxquelles j'adresse cette lettre ouverte, ont plus une préoccupation économique. La dimension culturelle, elle existe, elle est mineure, mais en plus, il me semble qu'elle est obsolète. Le vrai problème que nous avons, c'est de penser une Caraïbe relationnelle, de penser une identité relationnelle, c'est-à-dire des identités qui trouvent leur énergie dans leur capacité infinie à s'enrichir de la diversité. Pour la nation-relation, ce qui va faire la puissance de la Guadeloupe, de la Martinique, ce n'est pas une sorte d'exclusive économique ou de territoire économique ou d'expansion économique. Ça sera véritablement une capacité rayonnante de transmettre les ressources culturelles de la Guadeloupe, les ressources culturelles de la Martinique, celle de Sainte-Lucie, celle de la Dominique, de toute la Caraïbe, qui puissent se rejoindre s'entremêler et fonder de manière organique une entité régionale complètement inédite. Et ça, ça commencerait par la reconnaissance d'une transnationalité.

 


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