Le budget de la Sécurité sociale adopté de peu à l'Assemblée nationale
Les députés ont adopté de peu, ce mardi soir (9 décembre), le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026. Une victoire importante pour le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui gagne son pari dans une Assemblée sans majorité et sans recourir à une adoption sans vote.
La chambre basse a adopté le projet de loi, qui contient la suspension de l'emblématique réforme des retraites de 2023, par 247 voix contre 234, emblématique du second mandat du président Emmanuel Macron.
Après un dernier passage au Sénat (la chambre haute, ndlr) vendredi, il devra revenir une dernière fois à l'Assemblée pour être adopté définitivement.
L'issue du vote était particulièrement incertaine du fait du refus affiché par les partis de droite Les Républicains (LR) et du centre-droit Horizons, bien que membres du camp gouvernemental, de soutenir un texte qui, à leurs yeux, fait trop de concessions à la gauche.
Soutenu par le Parti socialiste
Le projet de budget a en revanche été soutenu par le Parti socialiste, un scénario longtemps considéré comme improbable pour un groupe d'opposition, mais rendu possible par les concessions accordées.
Le gouvernement de centre-droit de Sébastien Lecornu a aussi multiplié les gestes ces derniers jours pour obtenir la clémence des écologistes, qui ont finalement annoncé s'abstenir peu avant le scrutin.
Outre les socialistes, Renaissance (majorité présidentielle), le MoDem (centre), et le groupe indépendant Liot avaient annoncé voter majoritairement pour le texte. La France insoumise (LFI, gauche radicale) et l'alliance entre le rassemblement national (RN, extrême droite) et l'UDR (droite) avaient prévenu qu'ils s'y opposeraient, tout comme la majorité du groupe communiste.
Comment ont voté les députés ultramarins ?
Jusqu'au bout, le gouvernement a donné des gages pour convaincre, notamment les élus d'Outre-mer, avec l'adoption d'une augmentation de 100 millions d'euros du Fonds d'intervention régional pour des actions médicales dans nos territoires.
Les députés Martiniquais du groupe socialiste et apparentés l'avaient annoncé peu de temps avant le vote. Béatrice Bellay et Jiovanni William ont estimé que le bras de fer engagé avec l'exécutif avait porté ses fruits et qu'un budget transformé vaut mieux qu'un chaos certain. Leur vote favorable au PLFSS assumait une position utile.
Même logique pour les députés de Guadeloupe, Christian Baptiste et Elie Califer. Max Mathisain, chez LIOT, où les voix étaient très scrutées, a aussi décidé, «avec pragmatisme et bon sens », de soutenir le budget de la Sécurité sociale après avoir obtenu notamment le maintien de LODEOM.
En revanche, toujours chez LIOT, Olivier Serva a, de son côté, décidé de s'abstenir. Abstention aussi pour le député de Martinique, Marcellin Nadeau, au sein du groupe GDR, qui avait donné une consigne de vote contre. Plusieurs élus d'outre-mer du groupe ont d'ailleurs aussi choisi de s'abstenir. Enfin, chez LFI, Jean-Philippe Nilor a, lui, suivi la consigne et voté contre le budget.
Dernière lecture nécessaire
Nommé il y a trois mois, Sébastien Lecornu sort clairement renforcé de ce scrutin à haut risque. Plusieurs ténors de son camp l'avaient même pressé d'activer l'article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.
Alors que la question de son départ aurait immanquablement été posée par un rejet, sa méthode des « petits pas », élaborant des compromis au jour le jour pour passer les obstacles un par un, s'est finalement montrée payante mardi.
Pour l'Assemblée, qui fonctionne sans majorité absolue depuis 2022, il s'agit aussi d'une étape dont beaucoup doutaient qu'elle puisse être franchie, alors que l'examen s'est fait dans des délais contraints et un hémicycle ultra-fragmenté.
« Évidemment, ce budget n'est pas parfait, mais un budget parfait en pareille circonstance ne peut exister. C'est un compromis réaliste », a estimé le député Renaissance Pierre Cazeneuve.
Au-delà de la Sécurité sociale, qui célèbre ses 80 ans cette année, l'enjeu porte aussi sur toute la séquence budgétaire.
Au gouvernement, on considère que l'adoption du budget de la « Sécu » pourrait entraîner une dynamique positive pour le budget de l'État, actuellement examiné au Sénat et sur lequel députés et sénateurs devront ensuite tenter de s'entendre lors d'une commission mixte paritaire.
Déficit à 19,4 milliards
La suspension de la réforme des retraites, concédée par le gouvernement pour s'assurer la non-censure des socialistes, figure dans la partie « dépenses » du texte, qui a été adoptée juste avant le vote sur l'ensemble du budget.
Le projet de loi adopté ce mardi contient une autre concession à la gauche : une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur le capital, taxe finançant la protection sociale prélevée par exemple sur les dividendes.
Le gel des retraites et des minima sociaux n'y figure plus, après l'opposition d'une large majorité de l'hémicycle.
Si le texte est définitivement adopté, le déficit de la Sécurité sociale prévu l'année prochaine est estimé à 19,4 milliards d'euros, selon la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
Le gouvernement n'a cessé d'avertir que sans texte, ce déficit flamberait à 30 milliards d'euros en 2026 (contre 23 milliards en 2025).








