En Guadeloupe, le nombre d'oiseaux tropicaux en chute libre

Par 14/09/2025 - 09:23 • Mis à jour le 15/09/2025 - 05:34

Les oiseaux tropicaux de Guadeloupe connaissent un fort déclin, alertent scientifiques et associations. Parmi les plus concernés, le vulnérable pélican brun, qui ne niche plus au Gosier, là où il y avait la plus grosse colonie de toutes les Petites Antilles. Et d'autres espèces plus communes sont aussi menacées.

    En Guadeloupe, le nombre d'oiseaux tropicaux en chute libre

Les ailes repliées, le gros oiseau qui planait au-dessus des vagues du Gosier plonge soudain dans l'eau. « On ne voit plus les pélicans bruns qu'en vol », regrette Béatrice Ibéné, présidente de l'Association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles.

Jusqu'en 2020, la plus grande colonie de pélicans bruns des Petites Antilles nichait pourtant en Guadeloupe, singulièrement au Gosier, au point que l'espèce emblématique a donné son nom (« Gwan Gosyé » en créole) à cette commune de la Riviera du Levant.

« Aux XVIIIe et XIXe siècles, l'animal était très chassé, ce qui a conduit à sa quasi-extinction », rappelle Béatrice Ibéné. Redevenue commune au XXe siècle, l'espèce décline de nouveau avec les pesticides comme le DDT, avant de repartir à la hausse dans les années 1990.

Au milieu des années 2010, la colonie du Gosier atteint son apogée. Plus d'une centaine de couples nichent sur les falaises qui entourent la ville et jusqu'à 175 jeunes s'envolent lors des meilleures saisons de reproduction.

Las, les riverains, gênés par leur nombre et leurs déjections, ont chassé les oiseaux de cette station balnéaire prisée.

Perte d'habitat

« Ils ont coupé les arbres où nichaient les oiseaux, ils les chassaient à coup de cailloux, on en a même retrouvé pendus », déplore Mme Ibéné, rappelant que les pélicans bruns sont une espèce « très sensible au dérangement ».

Béatrice Ibéné est revenue plus en détails sur la destruction de la colonie de pélicans bruns du Gosier.

La grande colonie du Gosier qui a été détruite, on va dire ça comme ça, dans les années 2020, n'est toujours pas revenue sur le Gosier. C'était vraiment la plus grande colonie des Antilles françaises et même des Petites Antilles, puisqu'à l'apogée de cette colonie nous pouvions compter jusqu'à 175 poussins à l'envol. Cette colonie a été dévastée par les riverains, qui ont détruit la végétation sur lesquels les couples faisaient leur nid, qui ont détruit des individus en leur lançant des cailloux. On a eu aussi une mortalité des jeunes du fait de ces sévices. Là, on a encore quatre colonies sur l'archipel Guadeloupéen, mais ce sont de plus petites colonies et on n'a pas du tout retrouvé les effectifs que nous avions jusqu'en 2020, malheureusement.

Une petite colonie s'est, notamment, installée aux Saintes, mais la majorité a quitté le territoire. « L'oiseau était protégé, mais pas son habitat », rappelle l'écologiste.

La perte d'habitat, combinée au changement climatique, est une des causes principales de la disparition des oiseaux dans le monde, soulignent les scientifiques.

Chaleurs extrêmes

Début août, une étude parue dans la revue scientifique Nature Ecology & Evolution expliquait que les chaleurs extrêmes liées au changement climatique dans les régions tropicales y avaient entraîné, entre 1950 et 2020, la réduction de 25 à 38 % des effectifs d'oiseaux.

En janvier, l'agence guadeloupéenne de la biodiversité a publié un indicateur sur l'état des oiseaux dans l'archipel. Le constat est sans appel : sur 295 espèces recensées, 18 % sont menacées, selon le document.

« Même sur les espèces non menacées, on constate une diminution », note Anthony Levesque, ornithologue en Guadeloupe, notant des baisses de 20 % à « plus de 40 % » sur plusieurs espèces communes.

Parmi elles, deux espèces de colibris, le sucrier à ventre jaune et la paruline jaune, affectés par « le changement des régimes de pluie, la disparition des insectes », la déforestation ou la prédation des chats.

Chasse

La chasse accentue encore la pression, ajoute-t-il. Les « oiseaux de rivages » sont prisés des chasseurs. "L'espèce des bécasseaux maubèches (désormais totalement protégée, ndlr) a diminué de 95 % en 50 ans », note le scientifique.

En 2024, un conflit avait éclaté autour de l'autorisation de chasse de certains oiseaux accordée par la préfecture, dont l'arrêté avait été suspendu par le tribunal administratif.

Le ministère de la Transition écologique avait finalement autorisé à nouveau la chasse, malgré l'inscription sur la liste rouge de l'UICN de certaines espèces et les suivis de populations montrant leur diminution. Au grand dam des scientifiques.

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