Paris se souvient d'Eddy Louiss

Par 01/07/2015 - 15:23 • Mis à jour le 18/06/2019 - 15:34

Décédé au CHU de Poitiers des suites d'une énième opération qui a mal tourné, l'organiste de jazz Eddy Louiss, 74 ans, fils du feu guitariste martiniquais Pierre Louise, fut un pilier de la scène du jazz parisien pendant plusieurs décennies. Il y jouait une musique épicée ici et là de sonorités venues d'ailleurs, Antilles, Afrique. Sur TSF Jazz à Paris ou sur Jazz à Fip, des fréquences bien connues à Paris des amateurs de cette musique, les hommages musicaux ont été nombreux après l'annonce de sa mort.

    Paris se souvient d'Eddy Louiss
A Paris, il avait ses habitudes. Vu comme un poète qui ne s'en laissait pas conter musicalement parlant, dixit l'accordéoniste Richard Galliano ; Eddy Louiss est un personnage qui était à Paris, dans « le circuit » comme on dit dans le milieu.

Ce qui le fit côtoyer et enregistrer avec les plus grands. Ses enregistrements témoignent de ses rencontres avec Johnny Griffin, Art Taylor, Dizzy Gillespie, Stan Getz (avec qui il a tourné un an), le batteur Kenny Clarke ou encore le célèbre groupe vocal français Double Six.
Le Saint Germain des Prés des années 60 et 70 n'avait pas de secret pour lui , comme les scènes plus « déjantées » ou plus à périphérie du jazz ( festival Banlieues Bleues dans les années 90).
La grande variété française qui lorgnait alors vers le jazz, l'a souvent sollicité. Il fut le musicien attitré de Claude Nougaro pendant treize ans (entre 1964 et 1977), mais aussi de Jane Birkin, Henri Salvador, Barbara, Serge Gainsbourg, Jacques Higelin et bien d'autres.

Généreux musicalement, ne dédaignant pas s'éloigner des rives « confortables » d'un jazz « académique », il fonde dans les années 80 son big band, le "Multicolor Feeling", orchestre-fanfare à géométrie plus que variable, capable de drainer dans les rues de Saint-Denis ou de Montreuil des classes entières de lycéens enchantés, ou un Dédé Saint Prix pour donner du sax alto et de la corne de lambi à l'occasion.

Fin connaisseur de tous les styles de jazz, on se souvient de deux ou trois duos improbables à Paris. Avec notamment l'organiste Jimmy Smith ou le pianiste Michel Petrucciani avec qui il enregistra l'album conférence de presse.
Il s'est aussi abondamment aventuré vers les musiques caribéennes, africaines (l'album "Histoire sans parole") ou même électroniques ("Sang mêlé" et "Wébé").
A la fin des années 80, à l'instar de Miles Davis, il s'est montré très intéressé par le "new sound". C'était l'époque où Kassav et Zouk Machine engrangeaient succès sur succès à la télévision.

Il avait de qui tenir.


De père trompettiste et guitariste, Eddy Louiss a étudié lui-même la trompette et le piano avant de se mettre à l'orgue. Adolescent, Eddy Louiss accompagnait son père dans les casinos en jouant au piano de la rumba, du jazz, du tango, tout ce qui se prêtait au swing et à la danse en général.

Les clubs de jazz sur Paris devraient lui rendre hommage dès ce mois de juillet.

Au Petit Journal Montparnasse, André Robert, patron des lieux depuis trois ans, n'a pas caché son émotion. Alors qu'il n'a pas connu Eddy Louiss quand il se produisait au Petit Journal dans les années 90, on sent une douleur palpable chez lui.

"Nous allons fêter, dit-il, les trente ans du Petit Journal en décembre, et nous avions prévu des concerts avec Eddy Louiss..."

Rue des Lombards dans le 1er arrondissement, autre temple du jazz à Paris avec pas moins de trois clubs dédiés à cette musique, on s'apprête à lui rendre aussi un bel hommage dans les jours qui viennent.
Fthomas @fthomasRCI
photo Fthomas



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