Le renvoi d'Alfred Marie-Jeanne en correctionnelle : Le procureur dans la ligne de mire des avocats

Par 04/02/2016 - 02:39 • Mis à jour le 18/06/2019 - 15:24

Alfred Marie-Jeanne devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France, le 2 mars 2016. Ce procès fait suite à sa mise en examen le 8 février 2013 pour "prise illégale d'intérêt et usage de faux" dans l'affaire "Green Parrot". Elle portait sur les conditions d'attribution d'un marché de construction d'une école à la Dominique. Ses avocats sont montés au créneau pour faire le procès du parquet de Fort-de-France.

    Le renvoi d'Alfred Marie-Jeanne en correctionnelle :  Le procureur dans la ligne de mire des avocats
Dans tout juste un mois, Alfred Marie-Jeanne, député et président de la Collectivité Territoriale de Martinique va comparaître devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France. Ce sera le 2 mars 2016. Son renvoi devant ce tribunal fait suite à sa mise en examen pour prise illégale d'intérêt et usage de faux", le 8 février 2013, suite à l'ouverture (en juin 2012) d'une information judiciaire portant sur la construction d'une école à la Dominique.

Point de départ de cette affaire "Green Parrot", un document diffusé sur Internet début 2010. Ce texte avait été relayé par l'hebdomadaire satirique français le "Canard Enchaîné".
Non sans un certain sens de l'humour, son ou ses auteurs dénonçaient les conditions d'attribution de ce marché à l'architecte Mark Frampton, consul honoraire de la Dominique et compagnon de Maguy Marie-Jeanne, fille du président de Région et en charge du département "coopération" du conseil régional.

Mark Frampton et Maguy Marie-Jeanne ont été mis en examen à la même époque, le premier pour "recel de prise illégale d'intérêt" et sa compagne, pour "prise illégale d'intérêt et usage de faux".


"Un réquisitoire injuste, indigne et inique" Trois ans après ces mises en examen, les avocats des trois ont exprimé leur état d'esprit avant le procès du 2 mars 2016 ce mercredi (02/02/2016) lors d'une conférence de presse à Fort-de-France. Il s'agit en l'occurrence (voir photo) de Mes Alex Ursulet et Dorval Lodéon (Alfred Marie-Jeanne), Corinne Boulogne-Yang-Ting et Daniel Démocrite (Maguy Marie-Jeanne) et Raphaël Constant (Mark Frampton).

D'emblée, Me Alex Ursulet a dénoncé la perspective d'un procès d'opportunité politique. Il par ailleurs mis en cause l'impartialité du procureur de la République Eric Corbaux, signataire d'un réquisitoire qu'il qualifié "d'injuste, d'indigne et d'inique" comme en témoigne la vidéo ci-dessous :






Lors de cette conférence de presse, Me Daniel Démocrite a qualifié de son côté un procès dépassé, décalé, anti-caribéen, qu'on tente de justifier par des arguties qui ne résistent pas au droit. (...) Le but de ce procès à travers Maguy Marie-Jeanne (sa cliente), c'était de rendre inéligible Alfred Marie-Jeanne" or il a été élu par le suffrage universel et il faut avoir le courage de le faire.

De son côté, l'avocat de Mark Frampton estime que son client est en fait "la cinquième roue du carrosse et parce qu'il avait des relations avec Melle Maguy Marie-Jeanne (...) Selon Me Raphaël Constant, il n'est pas établi dans ce dossier que Mark Frampton ait touché un centime de la Région , ait signé un contrat avec la Région. (...) On sait que la Région a signé un contrat avec des Etats et que les Etats ont fait des appels (d'offres) et il n'est qu'une "victime collatérale de la volonté du procureur de la République de rendre inéligible Alfred Marie-Jeanne.





Les prémices d'une ligne de défense
Reste que cette ligne de défense n'est pas nouvelle. Ces dernières semaines, Alfred Marie-Jeanne a lui même laissé entendre en substance (à la télévision) qu'on voulait le déchouker en haut lieu et que le peuple ne devait pas se laisser voler sa victoire.

Appeler à réagir dans le quotidien "France-Antilles" à la démission de Christiane Taubira, il y a quelques jours, le président de la CTM en prenait acte sans oublier d'ajouter : "Maintenant, je ne verserai pas de larmes. Je note qu'elle a nommé à la Martinique un procureur de la République qui a eu pour mission, non seulement de me mettre en examen, mais de me rendre inéligible! » (*)

Des propos qui ont apparemment irrité les magistrats. Bernard Rabatel, le procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France s'était deux jours plus tard fendu d'un communiqué dans le même quotidien regrettant une grave mise en cause l'impartialité du procureur de la République de Fort-de-France.

"Ces propos ainsi rapportés, pouvait-on lire dans "France-Antilles", apparaissent de nature à créer un doute sur la sérénité de l'action de l'institution judiciaire. » Bernard Rabatel, procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France, « entend réaffirmer son soutien au procureur de la République et aux magistrats de son parquet, qui veillent, au nom de la société et dans l'intérêt général, à l'application de la loi en Martinique".

Au vu de la mobilisation des avocats des trois personnalités mises en cause, le procès en correctionnel risque bien, au-delà du fond de l'affaire qu'il faudra bien examiner, de devenir aussi celui des relations entre justice et politique.
Jean-Philippe Ludon avec Cédric Catan.
@jpludonrci.

(*) A la date de la mise en examen d'Alfred Marie-Jeanne (8 février 2013), c'est Claude Bellanger qui exerçait les fonctions de procureur de la République de Fort-de-France. Eric Corbaux lui avait succédé en septembre 2013.

À lire également