Le Groupe GBH assigné au tribunal de commerce avec « injonction » de publier ses comptes

Par 21/11/2024 - 03:00 • Mis à jour le 21/11/2024 - 04:08

Quatre « lanceurs d'alerte », deux en Martinique et deux dans l'Hexagone, ont initié une procédure contre le Groupe GBH (Groupe Bernard Hayot) lui demandant de publier expressément ses comptes annuels, en se conformant à une obligation légale. Une démarche qui trouve écho dans le contexte de lutte contre la vie chère.

    Le Groupe GBH assigné au tribunal de commerce avec « injonction » de publier ses comptes
GBH. Photo d'illustration

Quatre citoyens font injonction au Groupe Bernard Hayot de publier ses comptes annuels au greffe du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France.

Ils ont fait appel à l'avocat Me Renaud Portejoie à la mi-septembre.

Ces lanceurs d’alerte ont constaté avec stupéfaction que les comptes du groupe GBH (Groupe Bernard Hayot) n’ont pas été publiés depuis 2018. Ils se sont rapprochés de moi pour voir ce qu’il était possible de faire et nous avons décidé de mettre en place une procédure devant le tribunal de commerce de Fort-de-France, dont dépend territorialement le groupe GBH afin de lui faire une injonction de publier ses comptes dans les meilleurs délais, sous astreinte financière

À peine 24% des entreprises déclarent leurs comptes en Martinique

Ce type de procédures, peu connue, n’est pas forcément exceptionnelle. Plusieurs audiences de ce type ont déjà eu lieu ces derniers mois, initiées directement par le président du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, qui lancé de lui-même plusieurs injonctions aux entreprises qui ne sont pas en règle.

À la Martinique, en effet, très peu de sociétés déclarent leurs comptes, ce qui est pourtant une obligation légale. Elles sont à peine 24% à le faire, contre 85% au niveau national.

Pour Me Portejoie, l’assignation de GBH prend tout son sens dans le contexte de lutte sociale contre la vie chère en Martinique.

Il y a quelques semaines, il y a eu des tables rondes avec les représentants de la grande distribution et de l'agroalimentaire sous l'égide de Serge Letchimy, du représentant de l'État, et ces grands groupes ont signalé avoir fait des efforts et être allés maximum de ce qu'ils pouvaient faire.

« Des sanctions civiles ou pénales »

C'est dans ce contexte-là qu'il a été saisi par les quatre requérants « afin que  la situation financière du groupe GBH soit mise en lumière ».

Que gagne-t-il concrètement ? Quelle est sa santé financière ? Il a indiqué il y alors des tables rondes qu'ils avaient fait le maximum pour faire baisser les prix. Moi, je veux bien croire sur parole ses représentants, mais j'ai besoin de savoir. Nous avons besoin de savoir et je crois que le peuple martiniquais a le droit le plus légitime de savoir réellement ce que gagne ce groupe. C’est-à-dire de savoir quels efforts financiers ils peuvent faire pour contribuer à l'effort global de baisse de la Vie Chère en Martinique

Et pour l’avocat, le premier effort à faire, « c’est de déclarer, de respecter la loi concernant le dépôt des comptes ».

La publication des comptes est une obligation légale, sauf exceptions. Les grands groupes sont tenus de publier annuellement leurs comptes, c’est-à-dire de les déposer auprès du tribunal de commerce. Concrètement, il s’agit de faire savoir quelle est leur situation financière, de publier leur bilan, leurs comptes de résultats, savoir combien ils ont gagné, comment ces dividendes ont pu être affectés… Toutes ces informations, il est obligatoire en France de les publier de façon annuelle, afin que tout un chacun puisse y accéder. Lorsque vous ne respectez pas cette obligation, vous vous confrontez à des sanctions qui peuvent être civiles ou pénales

Un manquement déjà dénoncé par Johnny Hajjar

Dans son rapport parlementaire sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, l’ancien député Johnny Hajjar a pointé « un manque de transparence », notamment des acteurs de la grande distribution. Pour lui, « la transparence vient avec le dépôt des comptes ».

À ce jour, aucun des grands acteurs locaux de la grande distribution n’a déposé ses comptes. Mais, lors des tables rondes qui se sont tenues en septembre et octobre dernier, à la Collectivité Territoriale de Martinique, ils se sont engagés à le faire. Et notamment le groupe GBH.

Sans attendre l'issue de la procédure engagée, Me Renaud Portejoie veut croire à la bonne volonté de GBH.

Évidemment que ce groupe est tenu de publier et de déposer ses comptes. Mais la question que tout le monde peut se poser : Pourquoi ne les publie-t-il pas ? Moi, j'ai l'habitude du pénal. C'est uniquement des gens qui ont une chose à cacher, qui ne sont pas dans la transparence. Pourquoi ne souhaiteraient-ils pas publier leur compte ? J'ai bon espoir que le groupe GBH n'attende même pas l'audience et la décision à intervenir pour publier ses comptes afin que nous puissions tous, où que nous soyons, accéder à ses comptes et les analyser.

Une « transparence totale vis-à-vis des autorités », selon GBH

Contacté hier soir, le groupe GBH assure déposer, chaque année, « l’ensemble des comptes de (ses) entreprises aux services de l’État.

Dans le cadre du protocole sur la vie chère, les comptes de nos magasins alimentaires ont été communiqués à la DEETS. Ces documents ont également été déposés auprès du greffe de la Martinique. Nous rappelons que ces mêmes documents ont déjà été transmis dans le cadre des enquêtes menées par l’Autorité de la concurrence ainsi qu’à la commission d’enquête parlementaire sur la vie chère. Nous faisons donc preuve d’une transparence totale vis-à-vis des autorités en charge des contrôles des marchés 

Ce jeudi, devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, il sera, en tout cas, question pour GBH de se conformer à une obligation légale concernant le dépôt des comptes sociaux annuels (Articles R232-1 à R232-24 du code de commerce).

 


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