Un ouvrage étudie l'influence des réseaux sociaux sur les mouvements revendicatifs
Benjamin Ferron, sociologue français à l’université Paris-Est Créteil, vient de publier un ouvrage intitulé « La communication des mouvements sociaux, pratiques militantes et stratégies médiatiques ». Il analyse les nouveaux modes de communication au cœur des revendications sociales. Un travail de recherches qui trouve écho dans le contexte de la Martinique. Entretien.
La crise sociale autour de la vie chère, qui a démarré le 1er septembre en Martinique, met en exergue le poids toujours plus important des réseaux sociaux, dans la diffusion des consignes, des blocages, la propagation des discours et des idées.
Beaucoup de Martiniquais se sont d’ailleurs mis à TikTok ces dernières semaines, afin de mieux suivre les actions du RPPRAC (Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéennes).
Des outils « pour une visibilité à l'échelle planétaire »
En début de mois, Benjamin Ferron, sociologue français à l’université Paris-Est Créteil, a publié chez Armand-colin, un ouvrage intitulé : « La communication des mouvements sociaux, pratiques militantes et stratégies médiatiques » qui trouve écho au contexte antillais, même s’il n’est pas directement question du mouvement social en Martinique.
Invité de la rédaction de RCI ce lundi 4 novembre, l’universitaire explique s’interroger depuis longtemps sur la question « de savoir dans quelles conditions la parole de groupes socialement et politiquement dominés peuvent accéder à des formes de paroles publiques à grande échelle ».
Il décrit les réseaux sociaux comme « des outils qui permettent d'effectuer une communication personnelle rapide, à moindre frais et sans limitation de visibilité à l'échelle planétaire ».
Quid des médias dits traditionnels ?
Dans ce contexte, la question du contournement et de la défiance vis-à-vis des médias traditionnels est également posée. Sur ce point, le sociologue, tout en faisant le constat, reste quand même assez nuancé.
Cette idée de contournement mérite d'être prise avec précaution parce que bien souvent, les médias de grande diffusion demeurent des canaux indispensables à l'accès à une parole, non seulement à un très grand public, mais aussi une parole qui acquiert une certaine forme de légitimité aux yeux des auditeurs. C'est-à-dire que consulter le site web d'une organisation très engagée n'offre pas le même contrat de lecture que regarder, par exemple, le journal télévisé du soir. Donc, les médias de grande diffusion restent des lieux stratégiques pour l’expression de points de vue revendicatifs qui vont à contre-courant de l'idéologie dominante des intérêts, des classes possédantes d'une société donnée.
Pour lui, avec ces nouvelles formes de communication, des « porte-parole informels » peuvent émerger des réseaux sociaux, sans avoir forcément la légitimité de leur association associative, ou syndicale.
Ils peuvent faire l’objet de ce qu’un sociologue américain appelle une « certification médiatique ». C’est-à-dire qu’il s’avère être la personne adaptée au format médiatique du moment, capable de s’exprimer dans les formats attendus par les journalistes qui les interviewe. Certaines personnes se retrouvent ainsi « porte-paroles informels », avec comme principal mandat, le fait d’avoir été reconnues comme « bankable » de la part de certains journalistes
À ÉCOUTER L’Entretien intégral avec Benjamin Ferron, au micro de Cédric Catan