Harcèlement à la plage : un phénomène récurent sous nos latitudes
Respecter les limites de l'autre : un concept qui semble échapper à certains hommes dans l'espace public et notamment à la plage. Dans ces lieux où l'on est plus vulnérable, les harceleurs n'hésitent pas se montrer plus instant encore envers les femmes.
C'est une vidéo qui angoisse. Durant trois minutes, une jeune femme enregistre un échange avec un jeune homme qui tente de l'aborder. Malgré ses refus nets et clairs, l'individu ne cesse d'insister. "Comment tu t'appelles ?", "tu as quel âge ?", "si tu n'es pas mineur, c'est légal".
La scène se déroule sur une plage de Martinique. Malgré une patience qui suscite l'admiration, la jeune femme et son amie sont contraintes de quitter le lieu où elles étaient venues se détendre toutes les deux.
Sous prétexte de drague, les harceleurs quant à eux tentent jusqu'au dernier moment d'engager une conversation non désirée.
Un scénario courant
Ce scénario n'est pas isolé. Plus globalement, pour les jeunes femmes, un déplacement dans l'espace public s'accompagne d'une réflexion tactique pour éviter de se faire importuner. C'est d'autant plus le cas à la plage où elles peuvent se retrouver dans une situation de vulnérabilité.
C'est le cas de cette trentenaire rencontrée sur une plage de Sainte-Luce :
Quand je vois un groupe de gars, je dis bonjour. Quand ils font des remarques, je réponds par politesse. Je pense que ça marque le coup et le respect. C'est pour ça que ça ne va pas plus loin selon moi
Un jeune homme rencontré sur cette même plage raconte quant à lui une scène de harcèlement à laquelle il a assisté :
Il y a 5 ou 6 mecs qui ont entouré 2 ou 3 filles. J'étais à côté avec ma mère. On entendait tout. Ce qu'ils disaient était sale. Elles ont commencé à parler fort. À dire qu'elles ne voulaient pas leur parler. Quand elles ont parlé fort, tout le monde les a regardées
La place des femmes dans l'espace public
La question du harcèlement de rue ou à la plage conduit inévitablement à s'interroger sur la place de la femme dans ces espaces publics et leur droit à la tranquillité.
Nadia Chonville, docteur en sociologie, connaît bien le sujet.
À la plage ou dans la rue, cela pose la question du droit des femmes à se déplacer et à exister, à être là. Car le moment où les femmes sont le plus exposé à des intimidations ou des interpellations dans l'espace public, c'est le moment où elles cessent de se déplacer, où elles ne semblent pas être affairées à quelque chose. Alors qu'un homme, c'est très peu probable qu'on l'importune
En Martinique, 57% des femmes sont touchées par le harcèlement rue selon une étude récente. C'est 2,5 fois plus que la moyenne nationale.
Malgré les actions de prévention et de pédagogie menées autour de ce sujet, la prise de conscience ne semble pas encore au rendez-vous.