Homosexualité aux Antilles : pourquoi, le sujet est-il toujours aussi sensible ?

Par 06/02/2024 - 10:58 • Mis à jour le 07/02/2024 - 05:24

En fin d’année dernière, le Vatican a autorisé la bénédiction des couples dits en « situation irrégulière », parmi lesquels figurent les couples homosexuels. Une avancée en apparence dans l’acceptation des personnes homosexuelles au sein de la religion catholique très présente aux Antilles. Pourtant, peut-on considérer la Guadeloupe comme un territoire « gay-friendly », c’est-à-dire bienveillant envers la communauté LGBT ? C’était la question posée dans l’émission « Aller plus loin » de ce mardi 6 février.

    Homosexualité aux Antilles : pourquoi, le sujet est-il toujours aussi sensible ?
Image d'illustration

L’homosexualité est un sujet qui reste encore très tabou chez nous aux Antilles. Si les mentalités évoluent, il y a encore des a priori ou certaines réticences concernant l’homosexualité.

Une situation parfois difficile à vivre

Nous avons rencontré Antoine et David, en couple depuis 1 an et demi. Antoine confie :

C'est vrai que depuis mon départ à mes 17 ans et aujourd'hui à 30 ans, les choses ont évolué dans le bon sens. Les personnes sont un peu plus ouvertes d'esprit. Mais j'avouerais qu'on n'est pas encore dans l'état d'esprit d'une grande ville, ce qui est normal puisqu'on reste une petite île et qui a quand même un esprit insulaire. Donc oui, les choses avancent, mais pour l'instant pas comme je l'aurais souhaité.

Une situation difficile au quotidien comme en témoigne son compagnon David.

Ici j'ai une image d'un a priori sur l'homosexualité qui est plus présente et qui me pousse d'autant plus, tout en étant naturellement discret, à rester justement dans cette discrétion puisque c'est quelque chose qui, j'ai l'impression, peut gêner.

Pour toutes ces raisons, Antoine et David ont fait le choix de se marier à l’étranger, explique David.

Avec ces regards, même s'ils sont peut-être un peu moins présents, se marier dans une mairie guadeloupéenne avec une foule… On avait un ressenti de ne pas être suffisamment à l'aise et aussi peut être par rapport à certains administrés qui auraient pu être là pour devoir célébrer le mariage. On imaginait que si c'était quelque chose qui était un peu dérangeant pour eux, que la cérémonie manque un peu de beauté, tout simplement. Et pour ces deux raisons, on a en effet choisi d'aller se marier à l'étranger.

La position de l'Eglise 

Alors qu’en décembre dernier le Vatican a décidé d’accorder la bénédiction des couples de catholiques en situation irrégulière, c’est-à-dire les divorcés remariés et les couples de même sexe, Monseigneur Philippe Guiougou, évêque de Guadeloupe explicite cette démarche.

Notre déclaration redit à la fois ce que dit le pape, c'est-à-dire qu'il est très clair que nous n'allons pas vers une bénédiction sacramentelle, c'est-à-dire lors d'une liturgie, lors d'une messe de couple en situation irrégulière. Maintenant, le pape attire notre attention sur le fait de bénir l'autre, c'est aussi l'encourager, l'encourager et l'aider aussi dans son chemin. Donc on peut avoir ceux et celles qui sont dans une difficulté de vie. Est-ce que nous rejetons ces personnes ou au contraire on dit bénir, c'est encourager à faire le bien.

Il s’agit donc bien d’une bénédiction et non de la célébration d’une union. D’ailleurs, les positions sont toujours divergentes à l’intérieur même du clergé français. Les représentants des évêques de France rappellent que « le mariage désigne l’union exclusive, stable et indissoluble, entre un homme et une femme ».

Qu’en pense notre société ?

Dans un territoire comme la Guadeloupe, c’est justement la question de la religion qui est en premier lieu soulevée. Comme en témoignent ces quelques anonymes interrogés.

Comme je crois tout bêtement à la Bible, c'est écrit que c'est interdit, pas de mariage.

Je suis contre parce que je n'ai pas grandi dans ça, je n'ai pas eu ces valeurs-là.

Non ce sont seulement les femmes et hommes qui se marient, mais pas femme et femme et pas homme et homme.

Vers un changement des mentalités ?

Caroline Musquet, est ancienne journaliste et auteur du livre « Être homosexuel, aux Antilles ». Elle a enquêté sur le sujet pendant environ 5 ans et selon elle il existe trois leviers d’action possible pour faire changer les mentalités.

Le premier, c'est la visibilité du sujet sur la place publique et ça progresse. Les médias antillais font de plus en plus de reportages sur la question de l'homosexualité. Ça rend le sujet moins tabou et ça permet de faire évoluer les mentalités. Le deuxième levier pour moi qui est essentiel, c'est l'éducation des interventions dans les collèges, dans les lycées, ça me semble vraiment important parce que c'est souvent là où se déclarent les premiers émois amoureux. Ça permet de faire évoluer les mentalités chez les plus jeunes, d'ouvrir la parole, de la libérer. Et puis surtout, ça permet de lutter contre le harcèlement dont sont souvent victimes les jeunes. Le troisième levier, c’est celui de mettre les élus locaux, les autorités publiques locales face à leurs responsabilités. Ils ont le devoir de protéger tous leurs concitoyens sans distinction.

Caroline Musquet le rappelle, le droit est là pour protéger ceux qui en ont besoin :

Le droit français protège les homosexuels et punit ceux qui tiennent des propos homophobes, et ça, il faut le rappeler.

Le droit est là pour protéger, et l’humanité sans doute pour faire preuve de tolérance.


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