Il y'a 75 ans, la Martinique devenait un département
Popularisée sous le nom de loi de départementalisation, la loi d'assimilation votée le 19 mars 1946 mettait en principe fin au statut de colonie de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion. Pourtant, son application ne s'est pas faite sans difficulté.
Le 19 mars 1946, l'Assemblée nationale vote à l'unanimité la loi d'assimilation de quatre colonie : la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane. Le texte porté par Aimé Césaire est en fait la fusion de trois propositions formulée par Léopold Bissol, Gaston Monnervile et Raymond Vergès, députés de la Martinque, de la Guyane et de la Réunion.
Les quatre territoires ne font plus partie de l'Empire colonial français et deviennent en principe des départements.
Selon l’article 3 de la loi de départementalisation, les lois nouvelles applicables à la métropole, le seront dans ces départements sur mention expresse insérée aux textes.
Néanmoins, ce que les promoteurs de la départementalisation désiraient si ardemment, c’était la pleine appartenance de tous les territoires de France à la République. Ce qu’ils réclamaient, c’était la garantie de l'application d’un droit social commun à tous les Français.
Une égalité qui tardera à venir. Ce qui représentera provoquera des fortes tensions sociales dans les territoires concernés. C'est ce qu'explique Mael Lavenaire, docteur en histoire contemporaine qualifié, chercheur associé à l’Université des Antilles et créateur de l’application e-learning RJVERT. Auteur d’une thèse sur le sujet.
La première difficulté de la mise en place de cette loi c'est que le changement attendu n'a pas été considéré à sa véritable hauteur par les différents gouvernements de la IVe République. Cela a généré un mouvement social unique dans l'histoire des Antilles Françaises. Il s'agit d'une action collective qui a réuni à la fois les syndicats du privé, le principal syndicat du secteur public qui s'appelait le "Cartel des fonctionnaires" et puis les élus aussi en Martinique qu'en Guadeloupe. Il s'agissait de mettre fin à un colonialisme d'Etat et d'appliquer les lois sociales métropolitaines, particulièrement sur les salaires et surtout la sécurité sociale
Au niveau administratif, les changements mettent aussi du temps. "Les préfets n’entrent en fonction qu’à partir de juillet 1947. Autrement dit, pendant près de dix-huit mois, alors que la loi est votée, les nouveaux départements restent administrés par l’ancienne organisation coloniale", écrit Jacques Dumont, Professeur d’histoire contemporaine.
Résultat, les grèves se multiplient de 1950 à 1953. Finalement, le rattrapage des différentiels de rémunération est accordé par l'Etat et la Sécurité Sociale de la Martinique voit le jour en 1955.
Dans thèse, "Décolonisation et changement social aux Antilles françaises, De l’assimilation à la « Départementalisation » ; socio-histoire d’une construction paradoxale (1946-1961)" et via son application de e-learning RJVERT, le docteur Mael Lavenaire revient largement sur cette période de transition.
Il faut bien expliquer les lenteurs de l'application de la sécurité sociale. Il faut comprendre le lien entre cette période charnière essentielle de changement dans nos sociétés antillaises et ce qu'on vit aujourd'hui. C'est une période qui fait le pont entre la société de plantation et notre société actuelle. Avec la question des 40% des fonctionnaires qui a été un moteur de ce changement social.
75 ans après, la départementalisation de la Martinique demeure un enjeu du débat public, de part les rejets qu'elle suscite et qui se manifestent parfois violemment et son impact sur notre vie quotidienne.