Chlordécone : Pour une écologie urbaine va saisir la Cour d'appel de Paris
Aux côtés de quatre autres associations, Pour une écologie Urbaine avait déposé plainte en 2007, pour mise en danger de la vie d’autrui et administration de substances dangereuses dans le dossier du Chlordécone. Mais face au risque de non-lieu, l'association annonce ce vendredi qu'elle va saisir la Cour d'appel de Paris.
Près de deux mois après les auditions des parties civiles, la plainte déposée en 2007 par cinq associations Martiniquaises et Guadeloupéennes risque d'aboutir à un non-lieu. Une annonce qui ne passe pas auprès des parties civiles, parmi lesquelles l'association Pour une écologie urbaine, qui va saisir la Cour d'appel de Paris.
D'après les juges parisiens, cette plainte déposée sur les motifs de mise en danger de la vie d’autrui et administration de substances dangereuses pourrait être sous le coup des dix ans de prescription. En effet, le retrait du chlordécone date de 1993, alors que la plainte a été déposée en 2007.
Une décision qui a provoqué la colère des Antillais, et notamment ici en Martinique, où plus de 10 000 personnes ont manifesté samedi 27 février, contre la possibilité d'un non-lieu.
Fortes de ce soutien populaire et politique, les associations sont déterminées à aller jusqu'au bout. Ce vendredi matin, l'association « Pour une écologie urbaine », l'une des parties civiles dans cette procédure, a annoncé qu'elle allait saisir la Cour d'appel de Paris à la possibilité de ce non-lieu.
Le rendez-vous était fixé à l’hôtel Impératrice à Fort-de-France, où les trois avocats de l'association ont fait part de leur action à la chambre d’instruction de la cour d’appel.
Sur la prescription des faits, tout d'abord, si le retrait du Chlordécone date de 1993, plusieurs actes interromptifs de la prescription ont été constaté : en 2002 d'abord, lorsque 9,5 tonnes de chlordécone ont été découvertes dans un hangar en Martinique, puis en 2006 en Guadeloupe, où des stocks de Chlordécone ont de nouveau été découverts. Des faits, qui selon eux, suffisent à valider le dépôt de plainte, puisque la prescription est relancée pour dix ans à partir du moment où ces découvertes ont été faites.
Mais selon les juges parisiens, les procès-verbaux effectués lors de ces découvertes auraient disparu : des preuves indispensables pour relancer la prescription.
Afin de contrecarrer cette éventualité, le bâtonnier Raphaël Constant envisage quatre actions pouvant débloquer la situation :
1) Faire une note auprès du juge d'instruction pour que nous puissions poser la problématique de l'existence et d'une enquête sur le crime d'empoisonnement.
2) Poser une note disant qu'il n'y a pas prescription en tenant compte du droit français.
3) Demander au juge d'instruction d'entendre un certain nombre de personnes qui peuvent témoigner, qui assurent que de 93 à 2006, on a utilisé du Chlordécone en Martinique et nous lançons un appel à toutes les personnes en Martinique et en Guadeloupe qui peuvent établir cela par un témoignage. Je dis cela parce qu'on nous explique que les documents ont disparu.
4) Nous allons contester aussi la constitution de la participation de l'Union des producteurs de Bananes parce que nous estimons que l'on ne peut pas être à la fois parmi ceux qui ont empoisonné et en même temps se présenter comme victime.
Par ailleurs, les avocats souhaitent que le crime d'empoisonnement soit retenu dans cette procédure, comme l'explique Maitre Corinne Boulogne Yang Ting.
Là où il faut aller plus loin, c'est d'expliquer aux Martiniquais c'est que ce qui davantage les intéresse c'est l'empoisonnement, et que au jour où nous parlons, ce crime n'est toujours pas visé en ce qui concerne le chlordécone. Or, c'est précisément la préoccupation du Martiniquais, à savoir qu'il est empoisonné tous les jours quand il utilise ces produits du sol et que, nous sommes en 2021 et que ce crime il n'est toujours pas visé. Donc c'est ça la difficulté du dossier, et c'est la raison pour laquelle nous devons nous battre pour que le juge d'instruction saisisse le parquet aux fins de prendre un supplétif pour que ce crime puisse enfin être visé.
Enfin, les avocats de l'association dénoncent les accusations à leur encontre d'avoir laissé courir la plainte sans l'avoir relancé depuis 2007.
Selon eux, une lettre a été adressée une lettre à Rosine Bachelot, ministre de la Santé, en faveur d'une veille sanitaire pour les agriculteurs, demandant également le recensement de ceux qui ont manipulé le pesticide et le financement d'un suivi médical. Par ailleurs, ils demandaient le lancement d'une étude épidémiologique pour toute la population.
En 2012, ils ont également interpellé Christiane Taubira, garde des Sceaux, sur la lenteur de la procédure, mais ils déclarent n'avoir jamais reçu de réponse.
C'est pourquoi aujourd'hui, le bâtonnier Raphaël Constant demande à toute personne ayant manipulé le pesticides, que ce soit dans les champs, dans les commandes, ou dans les entrepôts, de se manifester, afin de fournir des témoignages sur leur utilisation après l'arrêt officiel de l'usage du Chlordécone, en 1993.