Météo France compare les pluies de novembre 2020 en Martinique à des précipitations cycloniques
Météo France a établi un rapport précis des fortes précipitations qui ont déferlé sur la Martinique du 6 au 15 novembre 2020. Ces pluies diluviennes sont comparables aux précipitations qui peuvent être enregistrées lors du passage d'un phénomène cyclonique.
Les fortes pluies qui ont arrosé la Martinique du 5 au 16 novembre 2020 ont eu des conséquences désastreuses. On dénombre un mort emporté par une rivière, des dizaines de glissement de terrain, 160 maisons endommagées ou détruites, deux axes routiers détruits partiellement et des milliers de Martiniquais privés d'eau potable.
Le bilan que dresse Météo France de ces pluies diluviennes est édifiant. "Les intensités horaires de pluies lors de ce type d’épisode correspondent à ce que l’on peut enregistrer lors de passages de cyclones pluvieux", peut-on lire.
"Les pluies mesurées à Basse-Pointe Chalvet la nuit du 6 au 7, qui avoisinent les 100mm en 1 heure (97mm), peuvent ainsi être considérées comme exceptionnelles hors cyclone … à priori au 4ème rang, derrière les 2 épisodes cités et les pluies du 25 septembre 2004 sur Grand Rivière (97,2mm en 1 heure)", indiquent également les météorologues.
Dans l'histoire météorologique récente, on peut les rapprocher des épisodes pluvieux du 16 avril 2018 sur le François (125mm en 1 heure – record hors cyclone pour la Martinique et entre 200 et 250mm sur l’épisode) et du 6 novembre 2015 sur Vauclin / Rivière Pilote (101mm en 1 heure à Morne Raquette).
Néanmoins, un autre facteur caractérise ces pluies dangereuses. Il s'agit de "la répétition de fortes pluies sur les mêmes secteurs et des cumuls sur 24 et 48 heures ...voire sur plusieurs jours… qui sont aussi exceptionnels".
"Des cumuls à plus de 250mm en 24 heures sont très rares hors cyclone", précise Météo France. "On peut noter 269 mm en avril 2013 et même 292mm en novembre 1987 à Macouba, 282mm en mai 2004 à Sainte-Marie. L’épisode de pluies très intenses et cumulées sur plusieurs jours, comparable à celui que nous venons de vivre et qui reste en mémoire, est celui de mai 2009, qui était en fait la succession là aussi de 2 épisodes très intenses : 30 avril/1er mai avec des cumuls en 24 heures de 284mm puis 4 et 5 mai avec 313mm en 24 heures … les 2 mesures provenant de Saintte-Marie".
Comment expliquer ce phénomène ?
Pour comprendre ce qui a conduit à cette catastrophe naturelle, il faut expliquer le contexte météorologique sur l'Arc Antillais à partir du 5 novembre.
Les premières fortes pluies sont liées à "une mise en phase entre une atmosphère presque équatoriale, chaude et humide, poussée par des vents de sud dans les couches proches de la surface - et une perturbation froide de très haute altitude (7000-10000m) descendant des latitudes Nord", rappelle Météo France.
Ensuite, intervient une succession d'ondes tropicales qui stagnent sur l'Arc Antillais. Les épisodes pluvieux, brefs mais d'une intensité exceptionnelle, s'acharnent particulièrement sur le nord Atlantique entre Le Robert et Basse-Pointe. Toutes les communes de la bande littorale et le Gros-Morne à l'intérieur des terres enregistrent des dégâts considérables sur l'habitat et sur les infrastructures, notamment le réseau routier.
"Il n’est pas fréquent pour une île de l’Arc Antillais d’être touchée par ce type d’épisode que nous avons connu, surtout avec des intensités aussi fortes", explique le rapport de Météo France.
"Les amas pluvio-orageux actifs qui se développent ne sont pas poussés par un flux d’alizé classique ; ils peuvent stagner de façon souvent localisée, parfois en mer, parfois sur terre, pendant plusieurs heures sur la même région et déverser des quantités de pluie importantes sur une courte durée. En effet, la rencontre de l’air chaud et humide dans les basses couches de l’atmosphère avec l’air froid et dynamique d’altitude favorise les mouvements verticaux au sein des nuages …. ce qui entraîne des précipitations abondantes", peut-on également lire.
Au final, sur cet épisode durable de pluies localement intenses du 6 au 15 novembre, les cumuls (en noir sur la carte) dépassent souvent 400mm sur le Nord-Atlantique.
C'est à Sainte-Marie que l'on enregistre le plus haut cumul de pluie sur l'intégralité de l'épisode. Ce qui explique sans doute pourquoi la commune a été l'une des plus touchées. Ainsi 522mm ont été mesurés sur l’épisode à la station de Pérou. Le Gros-Morne et Marigot approchant les 500mm.
Ces cumuls mesurés sur une petite dizaine de jours sont supérieurs aux moyennes mensuelles habituellement enregistrées en novembre sur ces mêmes sites. Ils sont "supérieurs aux quantités de pluie que l’on peut attendre en moyenne pour un mois entier de novembre, qui est lui-même statistiquement le mois le plus pluvieux de l’année", précise Météo France.