Olivier Lucenay raconte son parcours dans un livre
"L’éclosion du Malfini, Chronique d’une métamorphose" : c’est le titre du premier livre d’Olivier Lucenay, disponible en librairie dès ce samedi. Dans ce récit autobiographique, l’ancien prêtre de 40 ans raconte son parcours, de son enfance à aujourd’hui, sa rencontre avec Dieu, les raisons de son renoncement au sacerdoce. Il nous a accordé un entretien.
L'éclosion du mal fini, Chronique d'une métamorphose est votre premier ouvrage, publié en auto-édition. C'est un récit autobiographique. Pourquoi avoir eu envie de raconter votre histoire dans un livre ?
Ce n'était pas une envie. Je l'ai pris comme une mission parce que ça fait des années depuis 2012, que j’y pense. Je n'étais pas encore prêtre, mais par rapport à mon témoignage de vie, un sociologue m'avait dit : « ce serait bien qu'un jour tu penses à écrire ton histoire parce que tu as des choses à partager ». Et puis, quand je suis devenu prêtre par la suite, au fil des années, j'avais toujours des personnes qui me demandaient des traces de ce que je disais et puis aussi un peu ma réflexion. Et puis on va dire que là, c'était le kairos (référence au dieu grec de 'l'occasion opportune' ndlr), c'était le moment favorable. Parler de moi, c'était une thérapie aussi, puisque je me suis découvert en relisant mon histoire. Et puis j'ai envie de dire que c'est un terreau facile pour faire le lecteur entrer dans ma pensée sur les différentes thématiques que j'aborde dans le bouquin.
Ce mal fini, c'est donc vous ?
C'est ça, c'est moi. C'est ce mal fini. C'est mon animal totem et j'ai plaisir à m'identifier à lui.
C'est aussi un clin d'œil à l'un de vos auteurs favoris, Patrick Chamoiseau, auteur du livre Les 7 consciences du Mal fini . Il est une source d'inspiration pour vous ?
Ah oui, complètement. Et d'ailleurs, je l'ai contacté à l'époque puisque j'ai commencé le bouquin en 2019 et il m'a encouragé à commencer à écrire. Il m'a dit qu'on a toujours quelque chose à dire, donc il m'a boosté et il y a eu la connexion avec l'animal, avec l'auteur lui-même. Et voilà, ça a donné ça. Il a été l'une de mes sources d'inspiration.
Parlons maintenant de ce parcours singulier qui est le vôtre et dont ce livre se fait l'écho. Vous avez été un jeune à fond dans son époque musique, sport, sensations fortes ... avant d'intégrer les ordres en 2014. Dans le livre, vous racontez votre rencontre avec Dieu.
On a tendance à dire que Dieu écrit droit sur des lignes courbes. Ben je pense que la vie matérialise bien ce dicton. La vie d'un enfant, d'un adolescent, d'un jeune, avec tout ce que j'ai vécu de bon et de moins heureux, je suis devenu prêtre, rentré dans le sacerdoce . Et c'est ce qui a coloré ensuite ma fonction et la façon de l'exprimer.
Effectivement, vous avez été un prêtre assez atypique. Et puis l'an dernier, vous avez renoncé finalement à vos charges ecclésiastiques. Est-ce qu'on vous a signifié que vous preniez trop de place ou est-ce vous qui vous sentiez trop à l'étroit dans la soutane ?
C’est plutôt la deuxième option. Je me sentais trop à l'étroit. Ça n'a jamais été très facile de trouver le bon alignement entre l'exigence de l'institution avec ses codes et puis mon côté intuitif qui s’appuyait sur ma personnalité. Pendant des années, j'ai essayé de composer avec joie. Je tiens à préciser que je suis vraiment un reconnaissant parce que j'ai vécu de très belles choses. Je ne suis pas parti sur une crise ou je ne sais pas quoi, mais c'est vraiment un moment de ma maturation. Je sentais que l'arbre que j'étais était un peu à l'étroit dans ce pot et avait besoin d'être plantée en pleine terre et du coup, hors de hors du pot mais pour continuer la mission entamée avec plus de peps, plus d'alignement intérieur, plus de vibration personnelle quoi, avec ceux chez qui ça résonne.
Dix mois plus tard, pas de regrets, c'était le bon choix ?
Les semblants de regrets, c'était juste après, avant et après. Parce que j'ai pris le temps de discerner quand même. J'ai pris du temps avec mon père spirituel aussi. Ma seule crainte, c'était "Seigneur, je ne veux pas me tromper parce que je fais ça, parce que je veux te servir avec plus de plus de cohérence avec ce que tu as mis en moi comme comme vie, comme énergie." Après, je constate que step by step, c'était vraiment ça et ça se voit en terme de paix, de d'intuition et d’énergies nouvelles.
Quand vous croisez vos anciens paroissiens, que vous disent-ils ? Ceux qui se posent des questions sur vos choix auront-ils la réponse dans le livre ?
Déjà, je tiens à préciser que je n'ai pas écrit le livre après ma démission parce qu'on m'a posé la question. J'ai commencé le livre en 2019 et il était déjà fini en 2021. Donc après ma démission, j'ai juste rajouté un chapitre et puis modifié un peu la conclusion. Donc le livre était déjà fini avant ça. En général, quand je rencontre d'anciens fidèles, ils me disent : "Père, vous nous avez abandonnés" . Je dis "ben non, je ne vous ai pas abandonnés, je suis là et je ne vous tenais pas non plus". Mais oui, dans le bouquin, on va trouver aussi évidemment, non pas les raisons de ma démission parce que ce n’est pas un livre pour m'expliquer, mais on va comprendre les raisons de ma démission, puisque cette démission s'inscrit dans une croissance qui a commencé depuis plusieurs années.
Vous exprimez clairement, viscéralement, votre attachement à votre île, à votre culture martiniquaise. Quel est aujourd'hui le combat ou quels sont les combats d'Olivier Lucenay ?
Déjà moi-même vérifier mon alignement avec mon attachement à mon peuple et puis apporter mon grain de riz quand je peux. Déjà, le livre est une invitation à la réflexion puisque j'aborde les thématiques de façon assez caricaturale parfois dans le bouquin pour justement créer des lieux de conférences, de débats, pas juste de dédicaces, mais bien de rencontres et de réflexion avec différentes personnes. Donc c'est mon souhait. Je ne sais pas où je vais, mais en tout cas c'est un souhait. Mais j'ai envie de dire avant tout dans le livre, je dis, si je bouge, tout bouge. C'est un de mes leitmotiv. Si la Martinique doit aller bien, Olivier Marie doit aller bien. Du coup voilà. C’est vérifier aussi ma cohérence avec ce que je souhaite pour le peuple en lui-même. Sachant que je ne suis pas un sauveur, hein, je suis un martiniquais qui apporte son grain de riz avec les autres qui veulent que ça bouge quoi!
Parfois, les personnes destinées à une carrière politique commencent par un livre, souvent une autobiographie. Vous verriez-vous vous engager en politique ?
Non… Je suis plutôt dans la polis (cité en grec ndlr) , la vie de la cité. Pas la police municipale (rires). La vie de la cité, oui. Engagé dans la vie de la cité. La politique, je collabore mais je ne me vois pas moi, y êtr , après on ne sait pas, mais a priori non.
Olivier Lucenay sera en séance de signature le 13 janvier 2023 de 9 heures à 11 heures au Camp Tourtet à Balata et de 18 heures à 19 heures au centre culturel du Bourg du Lamentin. Le 14 janvier 2023, il sera à la librairie Présence Kreol à Fort-de-France de 10 heures à 13 heures et à Cultura au Lamentin de 15 heures à 18 heures.
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