La Martinique bataille à Riyad pour sa reconnaissance internationale à l’Unesco

C'est un week-end décisif que vit la Martinique à Riyad, capitale de l'Arabie saoudite et ville de superlatifs, bâtie au beau milieu du désert. Dans la fournaise de l'été, sous les 45 degrés d'un soleil invariable, les dossiers chauds du moment se jouent pourtant dans la grande fraîcheur climatisée de l'immense hall des conférences de la Tour Al-Fasailiah, qui accueille l'un des hôtels de luxe les plus emblématiques du pays.

Ici, hors session, règne une effervescence silencieuse. C'est plein et ça discute beaucoup, entre les tables et les délégations, pour décider du destin des différentes candidatures. On se croirait à l'ONU, 195 pays réunis, avec des bureaux déployés en lignes successives face à la scène où se trouve les représentants de l'Unesco et la présidence de session, et devant laquelle siègent les 21 États parties membres du Comité du patrimoine mondial, qui est renouvelé tous les 4 ans, et qui est actuellement présidé par l'Arabie saoudite. C'est ce comité qui sera décisionnaire ce week-end. La France n'y figurant pas en ce moment, elle est installée aux côtés des autres nations, dans la salle, et le destin martiniquais dépendra d'autres représentants internationaux.

Depuis le 10 septembre, cette 45e session est réunie sur place, mais jusqu'ici, elle a surtout fait le point sur les différents sites matériels et naturels déjà classés, pour dresser un état des lieux des 1157 lieux d'exception figurant sur la liste de l'instance internationale. Ce vendredi a d'ailleurs été consacré aux derniers dossiers, avant de passer aux nouvelles candidatures, dont celles de la Martinique à partir de demain, samedi, dans l'après-midi. 

Discussions actives et stratégiques

C'est donc à compter de ce week-end que va se dérouler la phase la plus intense de cette 45e session, en tout cas concernant la Martinique, avec l'examen de l'inscription de la Montagne Pelée et des Pitons du Nord. En tout, une cinquantaine de dossiers sont candidats, ils seront présentés l'un après l'autre, probablement jusqu'à mardi soir, mais le Comité rendra sa décision après chaque examen. Tous peuvent être retenus, comme aucun.

Dans les coulisses, on s'active. La délégation martiniquaise, composée de représentants du Parc national et de la CTM, et accompagnée d'agents ministériels, est arrivée jeudi soir à Riyad, dans l'objectif de préparer le moindre imprévu. Il faudra être prêt à répondre à toutes les questions possibles et imaginables pour réussir le passage. En plus de cela, se jouent aussi des instants diplomatiques, et donc stratégiques.

Le dossier martiniquais est très crédible, puisqu'il a été retenu, il peut donc constituer une Valeur Universelle Exceptionnelle, une VUE, critère essentiel de sélection par le Comité. Seulement, la délégation de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) - l'ONG de l'Unesco qui est chargée d'analyser les candidatures de sites naturels - qui est venue sur l'île, a préconisé de différer l'inscription pour compléter la demande, notamment sur un éventuel élargissement du périmètre.

En général, l'avis de l'UICN est suivi, sauf si un des États membres du Comité dépose un amendement. Dans ce cas-là, la Martinique pourra appuyer un peu plus son dossier, répondre aux remarques des experts et espérer obtenir son inscription. Et la bonne nouvelle, c'est que ce sera le cas, puisque l’Égypte a effectué le dépôt d'un amendement dans la soirée de ce vendredi, ce qui pourrait tout changer, car le Comité est souverain. Concrètement, si la défense est convaincante, les 21 représentants pourraient décider par consensus d'intégrer la Montagne Pelée et les Pitons du Nord à la liste des 1157 sites déjà inscrits jusqu'ici. Certaines discussions en coulisses ont probablement payé et dans les rangs de la délégation, on est certains d'avoir les arguments pour changer la donne. 

Examen samedi ou dimanche

La session des nouvelles nominations doit débuter ce samedi à 16h30 et normalement, c'est dimanche matin en heure locale que la Martinique présentera son dossier, car il a été placé en 4e position par l'Unesco. Ce sera par la voix de Serge Letchimy, le président du conseil exécutif de la CTM, et Philippe Franc, l'ambassadeur de France à l'Unesco, qui seront accompagnés par le reste de la délégation. L'élu martiniquais n'a d'ailleurs pas caché son émotion à son arrivée dans la capitale saoudienne ce vendredi soir. 

C'est un rendez-vous tellement important pour nous. On est partis pour cela et il faut être extrêmement vigilant, persuasif, ne pas bégayer, trouver les bons mots... On a fait un beau travail technique, c'est un dossier ancien, la population a suivi et n'est pas contre, au contraire, les maires aussi ont été entendus, donc c'est un défi terrible pour la Martinique et il faut gagner ! On a bon espoir. 

Mais le timing reste incertain, car un examen peut prendre 15 minutes s'il y a consensus rapide, comme trois heures si le dossier doit être amendé et défendu. À Riyad, il se murmurait que cela pourrait traîner sur les premières candidatures et repousser l'échéance à dimanche mais dans l'après-midi, sauf changement de programme, et ce n'est pas non plus impossible. Un examen ce samedi ne serait d'ailleurs pas à exclure, même si tout cela sera confirmé par l'agenda actualisé qui sera publié dans la matinée.