Michel Bussi : « Je suis tombé amoureux de la Guadeloupe et de sa complexité »

Par 05/11/2024 - 07:20 • Mis à jour le 05/11/2024 - 07:23

Dans son dernier livre « Les Assassins de l'Aube », l'écrivain français Michel Bussi installe l'intrigue en Guadeloupe, sur fond de meurtres énigmatiques de touristes commis à l'aube dans des mises en scène macabres. Celui qui figure parmi les « best-sellers » au niveau national a accordé un entretien à RCI.

    Michel Bussi : « Je suis tombé amoureux de la Guadeloupe et de sa complexité »

L'un des auteurs français les plus prolifiques, Michel Bussi, a décidé de s'intéresser à la Guadeloupe dans son dernier roman, paru le 14 octobre dernier, aux Presses de la Cité. Figurant chaque année parmi les meilleures ventes nationales, l'auteur originaire de Normandie est connu pour ses livres qui embarquent le lecteur dans des aventures intenses avec des « twists » renversants.

C'est encore le cas avec « Les Assassins de l'Aube », qui évoque de mystérieux meurtres de touristes au fusil harpon, commis à l'aube, avec des mises en scènes sur des lieux historiques. Cette enquête policière haletante est menée par un trio d'enquêteurs, dont un commandant guadeloupéen récemment de retour sur son île, qui navigue aussi à travers son propre passé trouble qui le lie à l'archipel.

Michel Bussi a accordé un entretien à RCI pour expliquer cet intérêt pour la Guadeloupe, ainsi que ces intentions à-travers cet ouvrage qu'il viendra présenter aux Antilles en début d'année 2025.

Bonjour Michel Bussi. Question très simple pour commencer, pourquoi la Guadeloupe ?

Michel Bussi : Il se trouve que je suis allé en Guadeloupe deux fois. La dernière fois, c'était en 2021 au moment du Covid, ce moment particulier où la métropole était sortie et où la Guadeloupe, elle, est redevenue confinée. C'est à ce moment que je me suis dit que ce territoire avait quelque chose de particulier, d'intéressant à creuser, et j'ai eu envie de comprendre, quelque part, pourquoi cela c'était produit en Guadeloupe.

Donc ce n'est pas une attirance initiale, mais plutôt la découverte du territoire qui a inspiré ce roman ?

M.B. : L'intrigue des "Assassins de l'Aube", c'est une intrigue policière avec un tueur en série et trois enquêteurs qui vont chercher ce qui relie toutes les victimes. Cette intrigue, je l'ai depuis une trentaine d'années, mais je ne savais pas dans quel territoire je la placerai, et en étant en Guadeloupe, je me suis dit que ce serait un cadre assez génial. Donc j'ai placé mes actions en fonction des endroits que je découvrais, ou parfois j'allais chercher à découvrir un endroit parce que je me disais que ce serait un cadre idéal pour une des scènes de mon roman. 

Il y a la promesse d'un voyage, il y a un frisson car c'est un thriller, mais c'est aussi un voyage, presque touristique. 

Ce n'est pas votre première en Outre-Mer, il y avait eu l'île de La Réunion dans "Ne Lache pas ma main" et les Marquises dans "Au Soleil redouté". Est ce que vous avez une fascination ultramarine ?

M.B. : Oui c'est vrai, ce sont trois îles françaises, mais trois îles qui ont une histoire très particulière. Le défi est de comprendre un microcosme. Comment une île, qui est française, va avoir son histoire propre, et donc c'est un peu comme un personnage complexe qu'il faut creuser. Cela m'intéresse, en tant qu'ancien géographe, de comprendre, de m'instruire, de lire beaucoup sur ces îles. Après, il y a aussi un jeu car les polars sont souvent des livres qui vont dans des endroits froids : en Scandinavie, près du cercle polaire... J'ai un peu innové avec la Réunion avec un polar tropical et je me suis aperçu que j'adorais ça et que les lecteurs aimaient bien. Il y a la promesse d'un voyage, il y a un frisson car c'est un thriller et qu'il y a des morts, mais c'est aussi un voyage, presque touristique. 

Il y a des mots qui comptent aussi, jusque dans le titre « Les Assassins de l'Aube », que vous empruntez à Aimé Césaire. Quel rapport avez-vous avec la culture antillaise ? 

M.B. : J'ai beaucoup lu. Quand je parle d'un lieu, je me rends sur place, j'observe, je prends des photos, je parle aux gens, mais quand je rentre chez moi, je lis beaucoup. Je pense que j'ai lu une cinquantaine d'ouvrages sur la Guadeloupe. Quand on est touriste, je constate qu'il y a des choses qu'on ne va pas forcément voir. Le rapport entre les communautés, la dimension historique, politique, la vie chère... Ces choses-là, on peut aussi les apprendre dans des livres, ou par des études, cette connaissance théorique est importante même si elle disparait ensuite dans le roman. Pour l'instant, les gens me disent que j'ai à peu près compris ce qui se jouait dans ces territoires, sans doute parce que j'ai beaucoup lu ce que des grands spécialistes de ces îles, avaient à dire. 

J'ai appris beaucoup et j'espère que les lecteurs aussi en apprendront beaucoup.

Vous êtes un spécialiste des retournements des « twists », c'est encore le cas ici, le lecteur est baladé entre l'histoire, les traditions, les croyances. Est ce qu'il y a eu une forme de plaisir à jouer avec la Guadeloupe comme ceci ?

M.B. : Il y a un plaisir de faire un roman un peu choral. J'espère que c'est un roman drôle aussi. Alors évidemment il y a des meurtres, donc ça ce n'est pas très drôle, mais après, je mets en scène un sous-préfet qui débarque de la métropole, qui ne comprend absolument pas ce qui se passe, plus il parle, moins on l'écoute, donc il est complètement largué ! Je me suis amusé à en faire un personnage un peu burlesque, mais qui correspond à ce que je voyais à la télé dans cet été du Covid, où l'on voyait des préfets ou sous-préfets qui donnaient des injonctions à se vacciner, on comprenait bien qu'ils parlaient dans le vide et que personne ne les écoutait. Il y a aussi toute une galerie de personnages, notamment une journaliste, on ne sait pas trop quel rôle elle joue, si elle est comploteuse ou lanceuse d'alerte. C'est quelque chose que j'ai senti dans l'île, cette idée qu'on n'a pas envie de croire tout ce qu'on nous dit. À quel moment on bascule dans le complotisme ? Ou on est juste dans une vigilance citoyenne qui fait qu'on n'accepte pas une vérité uniquement parce qu'elle est énoncée par quelqu'un qui a le pouvoir institutionnel ? C'était intéressant de faire des personnages qui sont sur cette nuance là.

Ce livre résonne aussi avec l'actualité. Il parle de vie chère, de colère sociale, de chlordécone, de revendication identitaire et du blocage des ronds points. Est-ce que cela conforte l'écrivain de voir que ce qui se passe dans ces territoires colle avec ce qu'il a écrit ? 

M.B. : Je ne prenais peut-être pas un gros pari, car ce sont des événements récurrents. On a des ministres de l'Outre-Mer qui passent, il y en a eu beaucoup ces derniers temps, et je ne pense pas qu'ils arrivent à résoudre quoi que ce soit. D'ailleurs, ce sont des ministres qui n'ont pas l'air de connaitre grand-chose de l'Outre-Mer. Je ne prends pas position, mais ce qui m'a le plus surpris, c'est l'histoire de l'île qui est très méconnue. La question notamment des patronymes donnés aux esclaves lors de l'abolition de l'esclavage, je n'ai encore jamais vu quelqu'un qui savait que ces noms avaient été donnés par des officiers de l'état civil. J'ai appris beaucoup et j'espère que les lecteurs aussi en apprendront beaucoup. Quand on voyage vers l'Outre-Mer, c'est important de connaître cette histoire très particulière. 

J'ai essayé de faire [de la Guadeloupe] un personnage complexe, attirant, parfois contradictoire, mais très très attachant.

Vous venez de nous dire ce que vous espériez vis-à-vis des lecteurs au sens large, mais pour ceux de Guadeloupe et de Martinique, qui connaissent déjà leur histoire, quel retour attendez-vous de leur part ?

M.B. : Je serai sans doute en Guadeloupe en février, j'irai à la rencontre des lecteurs et j'ai hâte d'avoir ce vrai retour. Je ne suis pas le premier à écrire sur la Guadeloupe, d'ailleurs j'ai lu beaucoup de romans qui traitaient de la Guadeloupe, donc je ne revendique rien par rapport à cela. Si ce roman peut inciter les gens à comprendre leur histoire et se poser des questions, au-delà de passer un bon moment, j'aurais réussi mon pari. En tout cas, c'est un pur hommage, si j'ai eu envie d'écrire sur la Guadeloupe, c'est parce que je suis évidemment tombé amoureux de la Guadeloupe, de ses paysages et sans doute de sa complexité. J'ai essayé d'en faire un personnage complexe, attirant, parfois contradictoire, mais j'espère très très attachant. 

Il y a eu six adaptations télévisuelles de vos œuvres depuis 2018. Est-ce que les Assassins de l'Aube et la Guadeloupe feraient un beau décor de film?

M.B. : Oui je l'espère. J'ai de la chance, pratiquement tous mes romans font l'objet de cessions audiovisuelles, donc je sais qu'il y a beaucoup de producteurs très connus qui veulent acheter les droits. Est-ce que ça ira jusqu'au tournage ? Je croise les doigts pour que ça se fasse, car il y a les ingrédients pour faire un film ou une série qui soit à la fois très grand public et très distrayante. On n'utilise pas la Guadeloupe comme un décor, on essaye de l'utiliser plus en profondeur. 


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