Cinq choses à savoir sur l’abolition de l’esclavage en Martinique

Par 22/05/2023 - 07:00 • Mis à jour le 24/05/2023 - 11:18

Savez-vous pourquoi le 22 mai a été choisi comme jour férié en Martinique ? Voici 5 choses à retenir sur les événements qui ont conduit au décret d'abolition et au choix de cette date, comme jour de recueillement et de célébrations dans l'île.

    Cinq choses à savoir sur l’abolition de l’esclavage en Martinique
La place du 22 mai a été inaugurée à Trénelle en 1971 par Aimé Césaire, avec une sculpture de Khokho René-Corail.

25 mars 1848

La libération des esclaves sur l’île, c’est d’abord l’histoire d’une révolte qui gronde pendant presque 3 mois.

La première première chose à retenir c’est une date : le 25 mars 1848. L’annonce de la révolution à Paris.

À Saint-Pierre, un navire à vapeur arrive dans la baie. À chaque arrivée de bateau, c’est jour de fête. Les lavandières, les prostitués, les jobeurs ont bien l’intention de tirer des sous des poches des voyageurs.

Saint-Pierre bateaux à vapeur.

Les journalistes sont là aussi. Ils attendent des nouvelles de la Métropole. Et la nouvelle qu’ils apprennent ce jour-là est énorme. En France c’est la Révolution. Louis Philippe qui s’opposait à l’abolition de l’esclavage est tombé un mois plus tôt, dans le gouvernement des Républicains et des abolitionnistes !

François Arago ministre des colonies écrit alors : « il faut que les populations des colonies attendent avec calme et confiance la solution que le gouvernement définitif ne peut manquer de donner promptement àa la question de l’abolition de l’esclavage »

La mèche est allumée !

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La lettre de Husson

Un feu, entretenu par un vent liberté, souffle sur la colonie. Thomas Husson, directeur provisoire de l’intérieur pour la République française, attise lui aussi les braises. Il est arrivé par le bateau à vapeur le 25 mars. Le 6 avril, il adresse un courrier « aux cultivateurs esclaves » et les met en garde contre les libres de couleurs qui voudraient les pousser à la révolte.

Mais, dans son texte, on lit aussi : la bonne nouvelle est bien vraie, la liberté va venir ! Il conclut par : « je viendrai vous dire que la loi est arrivée, vive la liberté » .

La missive est publiée dans le journal officiel mais aussi sous forme d’affiche.

Mais, le plus important, la lettre est rédigée en créole. Fait très rare pour l’époque.

Forcément, l’impatience gagne les esclavagisés. Et, à partir de là, chaque bateau venu de France est surveillé de près. Tous espèrent qu’il transporte le décret d’abolition.

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Pierre-Marie Pory-Papy

Pierre-Marie Pory-Papy.

C’est un des personnages de ce moment historique. Il illustre très bien Le rôle des libres de couleurs. Donc Pierre-Marie Pory-Papy est ce qu’on appelle un mûlatre, métisse. C’est le premier de sa catégorie sociale à devenir avocat. Il est très estimé et se présente comme un ami de Perrinon. On le soupçonne de correspondre avec l’abolitionniste Victor Schoelcher.

Il est donc quelqu’un d’influent et, le 29 mars, il entre au conseil municipal de Saint-Pierre où il devient adjoint au maire.

Pory-Papy travaille activement à ce que l’abolition se passe dans le calme. Pendant le week-end de Pâques, il calme les esprits alors que la situation est très tendue à Saint-Pierre et Case-Pilote. Les esclaves impatients font signer sous la menace une pétition en faveur de Cyril Bissette un abolitionniste.

Pory-Papy jouera encore ce rôle de pacificateur lors de la révolte du 22 mai. C’est lui qui fera libérer l’esclave Romain.

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L’esclave Romain

C’est une figure incontournable de la révolte de la libération en Martinique. Pour raconter le rôle de Romain dans la grande histoire, il faut remonter au 13 mai 1848. C’est un samedi, au Prêcheur. Les esclaves de l’habitation Léo Duchamp gragent du manioc au son du tambour. C’est Romain qui en joue. Le maître, Léo Duchamp n’aime pas les chansons qu’il entend. En colère, il somme Romain d’arrêter de jouer. Mais l’esclave lui désobéit. L’esclavagiste abime le tambour et fait fermer la case à farine.

esclave romain

Le samedi d’après, le 20 mai, le scénario se reproduit. Cette fois-ci, Léo Duchamp ne parvient pas à ses fins. En colère, il jure de faire punir Romain. Le maître de l’habitation fait donc arrêter Romain le 22 mai au matin. Les esclaves qui n’ont pas réussi à empêcher l’arrestation suivent l’escorte jusqu’à Saint-Pierre.

La foule grossit. C’est là qu’intervient Pory-Papy qui fait libérer Romain dans la journée. La tension ne redescend pas. En fin de journée, une fusillade éclate au Prêcheur. Huc, esclavagiste et maire de la commune, fait tirer sur la foule qui revient du chef-lieu. Lorsque les esclaves restés à Saint-Pierre apprennent la nouvelle, la révolte éclate totalement. Des maisons sont incendiés, la violence d’une liberté trop longtemps interdite éclate dans le « Petit Paris des Antilles ».

Le lendemain, sous la pression de la rue et du conseil municipal, le gouverneur Rostoland proclame l’émancipation des esclaves et l’abolition de l’esclavage.

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Le choix du 22 mai 

Désormais, c’est un jour férié mais ça n’a pas toujours été le cas. La France a longtemps retenu comme date de l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848. C’est la promulgation de la loi qui abolit l’esclavage. Le texte n’est arrivé en Martinique que le 4 juin, bien après la révolte populaire.

Les premières mentions du 22 mai comme un jour important dans l’histoire de la Martinique remontent à 1947 et 1950. Le professeur et dirigeant du Parti Communiste, Gabriel Henry, en parle lors de deux conférences. Il faut également souligner l’important travail de l’historien Armand Nicolas. Au début des années 60 il multiplie les conférences sur le sujet et contribue à faire connaître cette date majeure.

Dans les années 70, Aimé Césaire reprend le flambeau. Il inaugure la place du 22 mai à Trénelle en 1971 avec une sculpture de Khokho René-Corail. La révolte des esclaves entre dans l’espace public.

Les syndicats aussi s’impliquent pour la reconnaissance du 22 mai. Ils font fermer les magasins ce jour-là, manifestent.

Le 23 novembre 1983, il y a 40 ans cette année, un décret de François Mitterrand fait du 22 mai un jour férié. Depuis, c’est un jour officiel de recueillement mais aussi de célébrations.

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