La Nouvelle-Calédonie « plus calme » sauf dans certains quartiers, les pénuries inquiètent

Par 17/05/2024 - 10:23 • Mis à jour le 17/05/2024 - 11:19

La crise perdure en Nouvelle-Calédonie même si la situation montre des signes d'accalmie. Certains quartiers sont toujours sous le contrôle des émeutiers.

    La Nouvelle-Calédonie « plus calme » sauf dans certains quartiers, les pénuries inquiètent

"Situation plus calme" : les autorités se sont réjouies vendredi d'un recul des violences en Nouvelle-Calédonie désormais sous état d'urgence, même si certains quartiers de Nouméa restaient hors de contrôle, au cinquième jour des émeutes causées par une réforme électorale contestée par les indépendantistes.

"L'état d'urgence a permis, pour la première fois depuis lundi, de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le grand Nouméa, malgré les incendies d'une école et de deux entreprises", s'est félicité le représentant de l’État dans le territoire français du Pacifique Sud.

Depuis lundi, ces violences, les plus graves survenues en Nouvelle Calédonie depuis la fin des années 1980, ont fait 5 morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés, selon les autorités.

Le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a concédé que trois quartiers défavorisés de la plus grande agglomération du territoire, en majorité peuplés de Kanak, restaient aux mains de "centaines d'émeutiers".

Dans la vallée du Tir notamment, des "centaines" d'entre eux y poursuivent leurs "exactions" et cherchent à en découdre avec les forces de l'ordre, a-t-il détaillé. "Des renforts vont arriver (...) pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers", a assuré M. Le Franc à la presse.

Pour l'essentiel de la population de Nouméa, la priorité allait vendredi au ravitaillement, alors que les pénuries menacent.

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente ne cessent de s'allonger.

"Strict minimum"

"Cela fait plus de trois heures qu'on est là", soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes. "Comme tout le monde, on prend notre mal en patience", commente-t-il, fataliste.

"On fait avec le strict minimum que l'on a", reconnaît le salarié d'une grande surface aux rideaux de fer tirés, qui fait entrer les clients au compte-gouttes. "On devait recevoir un gros stock mardi, mais nous ne l'avons pas eu".

Selon le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nouvelle Calédonie, David Guyenne, les violences ont "anéanti" 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale (magasins, entrepôts, grossistes) de la ville.

Le haut-commissaire a promis la mobilisation de l'Etat pour "organiser l'acheminement des produits de première nécessité", ainsi qu'un "pont aérien" entre l'Hexagone et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire sur l'archipel. "Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins", en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur France Info.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, une nouvelle vague de renforts de policiers et de gendarmes est arrivée de l'Hexagone. Le gouvernement a annoncé l'envoi d'un millier d'entre eux pour épauler les 1.700 déjà sur place.

L'armée s'est également déployée pour sécuriser les ports et l'aéroport du territoire, désormais placé sous le régime de l'état d'urgence décrété par le gouvernement mercredi soir, qui permet d'interdire déplacements et réunions ou de procéder à des assignations à résidence.

"Grande fermeté"

Le couvre-feu décrété dès mardi entre 18h00 à 06h00 locales (9h00 à 19h00 à Paris) reste en vigueur.

A Paris, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a publié une circulaire demandant au parquet "la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions". "Il est temps que tout cela s'arrête", a-t-il répété devant la presse.

Le ministre de la Justice a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les "criminels" arrêtés sur le Caillou en métropole "pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles" et pour "assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires".

Après une nouvelle réunion de crise dans la matinée, le Premier ministre Gabriel Attal doit recevoir vendredi à Matignon, avec son ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un "échange" sur la crise.

Après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi,  Emmanuel Macron espérait lui pouvoir échanger séparément avec eux vendredi.

Accusée par le gouvernement d'avoir soufflé sur les braises du mécontentement, la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), la frange la plus radicale des indépendantistes, a demandé vendredi "un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence".

Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation "n'a pas appelé à la violence et (...) à la destruction", attribuant ces émeutes à une "population majoritairement kanak marginalisée" à Nouméa.

TikTok banni

Gérald Darmanin a dénoncé l'ingérence de l'Azerbaïdjan, où plusieurs leaders indépendantistes calédoniens se sont déplacés ces derniers mois. Des accusations "infondées", selon Bakou.

En Nouvelle-Calédonie, le réseau social TikTok, utilisé par les émeutiers, est banni jusqu'à nouvel ordre.

L'association La Quadrature du Net a annoncé avoir demandé au Conseil d'Etat la suspension de ce blocage.

Ces émeutes ont déjà causé pour 200 millions d'euros de dégâts, selon des estimations locales. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a indiqué qu'il réunira les assureurs "la semaine prochaine" afin de "garantir une indemnisation rapide et juste".

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte devra encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient avant.

La réforme élargit le corps électoral aux scrutins provinciaux, cruciaux sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification va réduire leur poids électoral et marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak".


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