Une fièvre antillaise a fait vibrer les Eurockéennes de Belfort
Ce vendredi 30 juin, cinq artistes antillais étaient programmés dans l'un des plus gros festivals de musique de France : les Eurockéennes de Belfort. Dancehall, rap et shatta ont embrasé les scènes, prouvant que ces styles ont su trouver leur public à l'échelle nationale.
Les Antilles ont débarqué en force à Belfort, dans l'hexagone, hier soir. À l'occasion des Eurockéennes, la 33e édition de l'un des plus importants festivals de France, la programmation accueillait cinq artistes issus de nos îles.
Une visibilité inédite, avec notamment un plateau "World of Shatta" en deuxième partie de soirée, avec le beatmaker Natoxie et les chanteuses Shannon et Shaydee's. Avant cela, Meryl était venue présenter son dernier EP Ozoror et Maureen avait ouvert la soirée, dans le cadre de sa première tournée des festivals de l'hexagone.
Pour Meryl, désormais l'une des chefs de file de la musique caribéenne dans l'hexagone, dans la foulée de sa signature chez Universal en fin d'année 2022 et en préparation de son Zénith en 2024, la rappeuse fait le plein sur tous les plus gros festivals de France en ce moment avec Ozoror et se réjouit de ce succès national.
J'en reviens pas et ça fait du bien, même pour nos territoires! Guadeloupe, Martinique, Guyane... mais surtout Martinique, car je suis avant tout Martiniquaise (rires). Il n'y a pas que moi, on est tous des soldats et je suis contente de ce qui se fait. C'est inédit! Les programmateurs voient qu'on est force de proposition, donc ça annonce que du bon.
La force de ces artistes est aussi de réussir à imposer le créole à un public hexagonal qui ne le comprend pas forcément.
Un argument de force pour Meryl, qui sera de retour aux Antilles avec la All Day In en aout et trois dates à Tropiques-Atrium en septembre.
On baisse pas nos frocs quoi ! On est Martiniquais, on est fiers et c'est bien pour l'île!
Le créole n'est donc pas un frein et autant la popularité grandissante des scènes Shatta et Bouyon, que la réussite de Kalash et Meryl le démontre clairement. Shannon, chanteuse de la scène Shatta, qui vivait son premier festival national à Belfort, veut même promouvoir cette identité.
Les Américains, on ne comprend rien... Burna Boy, on ne comprend rien... Cela ne nous empêche pas de danser, alors pourquoi pas nous ?
En ce qui concerne le Shatta, ce dérivé du Dancehall a justement cassé tous les codes de l'industrie musicale, en construisant sa notoriété sur les réseaux sociaux comme TikTok.
Souvent méprisée dans le passé, cette scène est désormais légitime, et les soirées se multiplient dans l'hexagone. La persévérance a payé pour Shannon.
On s'est battus en se disant "vous allez aimer"! Parce que les gens, dès qu'ils sont dans l'ambiance, ils aiment, donc il fallait se battre et ça paye.
Avec ce plateau "World of Shatta", les Eurockéennes ont clairement donné encore plus de visibilité à cette musique au style très rythmé, claquant et décomplexé pour ce qui est des paroles. Une recette qui fait son succès pour le beatmaker, producteur et DJ, Natoxie.
Les sonorités, les paroles, les mots trashs... La différence musicale c'est ce qui plait aux gens. On sort de leur zone de confort et ce style s'impose. J'espère que ça va enfin trouver sa juste valeur.
Autre particularité de cette scène Shatta, c'est la présence féminine très importante, et on ne se fixe aucun interdit. Un style musical que Shaydee's, autre chanteuse invitée des Eurockéennes, qualifie de féministe.
Moi je dis des choses que les femmes de mon public pensent ne pas avoir le droit de dire. On a trop été derrière les hommes durant des années, alors que pour eux tout est permis, pour nous aussi tout est permis.
Débuté de manière presque artisanale aux Antilles, le Shatta s'impose donc au national et son explosion de popularité est indéniable, mais sera-t-elle durable ? Pour Maureen, l'une des figures de cette scène, avec notamment ses titres Tic et Laptop, duo avec Kalash pour lequel elle a reçu la Flamme de la chanson caribenne de l'année 2023, le Shatta ne sera pas éphémère.
Je vis à travers ça, j'ai besoin de la sensation de la basse, de la vibration, et bien sûr que ça va durer. On va tout faire pour que ça dure.
Maureen peut en témoigner avec ses premières grandes scènes nationales en ce moment. La Martiniquaise sera bientôt sur scène dans nos territoires, enthousiasmée par cette expérience hexagonale.
Il faut que je reste fidèle à moi-même, que je continue de bosser. Je suis super contente de cette reconnaissance et du "love" que je reçois, ça motive à aller plus loin. On ne cesse de me prouver que ça vaut le coup et je commence à le réaliser.
Plus que jamais, la musique antillaise ambiance l'hexagone en cette saison des festivals, Belfort en est la preuve, notre dancehall et ses dérivés poussent les portes et s'imposent au national.
